Côte d’Ivoire Gouvernance par ordonnance – Le deuil de la démocratie

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(…) Pour: 126 voix. Contre: 4 . Abstention: 1. Cela fait bien 131 députés présents dans la salle. Sauf que, lorsqu’elle prend la parole pour annoncer le résultat du vote, la 1ère vice-présidente annonce «178 voix pour», «4 voix contre» et «une abstention». Et la presse, induite en erreur, a répété en écho, ce résultat. Comment a-t-elle obtenu ce chiffre ? (…)

L’éléphant se déchaîne

L’article 75 de la Constitution a beau disposer que «le président de la République peut, pour l’exécution de son programme, demander à l’Assemblée nationale l’autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont du domaine de la loi… », il n’empêche, ce qui s’est passé au parlement le mercredi 10 avril est une honte pour la démocratie balbutiante de la Côte d’Ivoire.
Que les députés du Pdci aient décidé de ravaler leur fierté pour ne pas provoquer le sanglot de notre président, est une chose qu’on peut comprendre. La Loi sur le mariage et dissolution du gouvernement obliges ! Mais que, pour voter une loi dans un parlement contrôlé majoritairement par le Rdr, on oblige l’ensemble des députés à voter sans aucune possibilité de débats, sans aucun moyen de demander le moindre éclaircissement, voilà la honte ! Surtout que les mêmes députés ont déjà voté le budget de l’Etat, voté le Plan National de Développement et que personne n’a voulu leur expliquer les nouvelles matières qui vont être concernées par les ordonnances que le président veut prendre.

Les erreurs de la première vice-présidente

Heureusement que la Rti, qui avait décidé au départ, de retransmettre en direct les travaux des députés lors de cette session extraordinaire, s’est ravisée à la dernière minute. Sinon, les Ivoiriens auraient découvert que la 1ère vice-présidente de l’Assemblée nationale, Fadika Sarah Sacko (grande amie de notre première dame) qui a présidé les travaux en l’absence de Soro Guillaume en vadrouille à travers le monde, s’est constamment emmêlée les pinceaux. A moins qu’elle n’ait fait qu’appliquer les consignes.

A l’ouverture de la session, sans faire l’appel, comme l’exige le règlement de l’Assemblée nationale, la présidente a tout de suite invité les députés présents dans la salle à passer au vote pour la « procédure d’urgence ». Laquelle permet d’éviter toute possibilité de débat avant le vote du projet de loi venu du gouvernement. Mais le député Kouamé N’guessan de Tiassalé va rappeler à la présidente que depuis qu’il est dans cet hémicycle voilà plus de 20 ans, aucun vote n’a pu se faire sans passer d’abord par l’appel préalable pour connaître le nombre de députés présents dans la salle et voir si le quorum est atteint. Mécontente on ne sait trop pourquoi de cette observation de Kouamé N’guessan et prenant la parole à sa suite, la députée de Tengrela, la très volubile Touré Mariam, va s’adresser directement à ce dernier, au lieu de s’adresser à la présidente de la séance. « Je veux répondre à mon collègue Kouamé N’Guessan qui dit qu’il est député depuis 20 ans. Est-ce qu’il ne voit pas qu’à vue d’œil, le quorum est atteint ? » Réagira-t-elle. Murmures de désapprobations dans la salle. Devant cette situation, la séance est suspendue. Certains députés, dont KKB, en profitent pour s’éclipser. D’autres, comme Soro Alphonse, qui n’étaient pas dans la salle avant la suspension, en profitent pour faire leur entrée.

On vote sans débats

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Au retour, l’appel est fait. Résultat ? 131 députés présents dans la salle. 52 absents mais excusés. Les députés excusés étant considérés comme présents selon le règlement de l’Assemblée, il y a donc 183 députés présents sur un effectif total de 255. Soixante-douze députés n’ont donc pas jugé nécessaire de participer à cette session extraordinaire. On peut donc passer au vote de la procédure d’urgence. Elle passe comme lettre à la poste. Les députés décident donc de renoncer à tout questionnement, à tous débats pour comprendre les justifications de cette volonté du président de la République de gouverner par ordonnance. La procédure d’urgente adoptée, la parole est laissée, pendant dix minutes, à la présidente de la commission des affaires économiques et financières, de présenter le projet de loi venu du gouvernement et qui doit être voté sans aucune possibilité de débats. Par la suite, la parole est donnée aux présidents des groupes parlementaires pour dire quelques mots et notamment, pour appeler les députés de leur bord à voter massivement le projet de loi. Allez, suivons les mots du président du groupe parlementaire Pdci, le général Gaston Ouassenan Koné : « Lors de la dernière élection présidentielle, le peuple de Côte d’Ivoire a fait confiance à son excellence Alassane Ouattara en le portant à la magistrature suprême du pays. Il est au travail. (Il faut) lui donner les moyens d’accélérer le processus de sortie de crise au plan économique… » Cela dit, on passe directement au vote. Des députés auraient voulu poser des questions ? Eh bien qu’ils les gardent, leurs questions, ça ne fonctionne pas comme ça dans la démocratie ivoirienne.

Une autre erreur de la présidente de séance

A la fin du vote, on obtient les résultats suivants : « Pour : 126 voix ». « Contre : 4 ». « Abstention : 1 ». Cela fait bien 131 députés présents dans la salle. Sauf que, lorsqu’elle prend la parole pour annoncer le résultat du vote, la 1ère vice-présidente annonce « 178 voix pour », « 4 voix contre » et «une abstention ». Et la presse, induite en erreur, a répété en écho, ce résultat. Comment a-t-elle obtenu ce chiffre ?
Eh bien, en additionnant simplement 126 et 52. Selon donc la 1ère vice-présidente, les 52 députés excusés et donc considérés comme présents selon le règlement, ont tous voté «pour ». Sauf que, pour que cela soit, il faut que les 52 députés excusés aient donné des procurations à leurs collègues présents physiquement dans salle et dans lesquelles ils déclarent voter « oui ». Ces procurations ont-elles été données et déposées au service législatif du parlement? Interrogé par « L’Eléphant », un responsable de ce service a déclaré qu’ « aucune procuration n’avait été déposée »à leur service avant le vote. Si les 52 députés excusés avaient été dans la salle, ils auraient tous voté « pour » ? Surtout que 4 députés sur ces 52 absents sont apparentés Fpi et qu’ils forment avec les 4 députés qui ont voté « contre », un groupe parlementaire ? « L’Eléphant » attend donc le procès-verbal final pour vérifier si l’erreur de la présidente de séance a été corrigée pour que le résultat redevienne « 126 pour », « 4 contre » et « une abstention ». Ou s’il restera, pour des raisons de propagande, sur « 178 pour ».

ASALE TIEMOKO

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