Le Pays
Au moment où il célébre le deuxième anniversaire de son arrivée au pouvoir, Alassane Ouattara est en visite officielle en France. En Côte d’Ivoire, avant la chute du régime Gbagbo, miné par une « guerre » des clans, on se souvient de la terreur déchaînée par les fameux escadrons de la mort, qui enlevaient, torturaient, assassinaient certaines cibles humaines, avant de faire disparaître leurs corps.
Actuellement, beaucoup d’Ivoiriens attendent encore d’apprendre par leurs autorités politiques et judiciaires ce que sont devenus les corps de leurs parents ou proches disparus. Journaliste franco-canadien, spécialisé sur les questions économiques, Guy-André Kieffer, avait fait de l’Afrique sa terre de rêves et de promesses, notamment de la Côte d’Ivoire, où il avait décidé de prendre le large. Mais au bout de cette extraordinaire aventure humaine et professionnelle, il y a eu la mort.
En avril 2004, alors qu’il menait des enquêtes sérieuses sur la gestion de la filière cacao, en Côte d’Ivoire, à la demande du président Gbagbo lui-même, il est enlevé par des hommes appartenant aux services secrets ivoiriens. Michel Legré, beau-frère de Simone Gbagbo et qui lui avait fixé un rendez-vous dans un parking abidjanais, serait la dernière personne à l’avoir vu.
Jusqu’à ce jour, le corps du journaliste franco-canadien n’a jamais été retrouvé, et ce, malgré la volonté politique et la détermination affichées par le régime Ouattara pour faire toute la lumière sur cette tragique affaire. ADO, comme on surnomme le chef de l’Etat ivoirien, hérite, avec ce dossier Kieffer, d’un véritable imbroglio juridico-diplomatique et politique. Mais dans cette affaire Kieffer, ADO a les mains propres, puisqu’il n’est mêlé ni de près ni de loin à la disparition du journaliste.
Comme on a pu le voir avec l’Afrique du Sud de l’Apartheid et les dictatures militaires latino-américaines, découvrir la vérité sur les crimes d’Etat et les crimes politiques, est un processus long et lent. En règle générale, les commanditaires et les exécutants refusent de passer aux aveux, encore moins de témoigner en faveur des victimes. Or, pour les familles des disparus dont les corps n’ont jamais été retrouvés ou identifiés, la blessure reste indélébile. Le silence du non-dire rend difficile pour ces familles le nécessaire travail de deuil. C’est pourquoi, avec l’Affaire Kieffer, pour sa veuve, Osange Silou-Kieffer, elle-même journaliste guadeloupéenne, le rideau n’arrive pas à tomber. L’Affaire Kieffer, c’est l’histoire d’un crime commis en secret. Aussi éprouve-t-on ici les plus grandes difficultés à répondre à cette question : qui a perpétré ce crime ? Mais il faut se réjouir qu’avec le régime ADO, le dossier Kieffer n’empoisonne plus les relations franco-ivoiriennes. Et tout est entrepris, à Abidjan, qu’il ne soit pas enterré. Le souci de la vérité et de la justice anime réellement ADO, dans ce dossier. Et s’il n’agit pas, ce serait comme s’il encourageait, en Côte-d’Ivoire, l’impunité. La famille Kieffer a le droit à la vérité. Il faut l’aider à refermer cette plaie. Le temps presse. Certes, la Côte d’Ivoire reste un Etat où les dossiers de crimes de sang sont nombreux, après la guerre civile qui a ravagé le pays. Mais il faut rendre justice à Guy-André Kieffer. A quand donc la vérité ?
Abdoulaye BARRO
Le Pays
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