Côte d’Ivoire – C’était donc pour ça ? (Marc Micael)

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Justice

La riposte – tant attendue – du régime Ouattara, suite au rapport accablant de l’ONG Human Rights Watch (HRW), n’a pas eu que pour effet d’avoir perdu inutilement du temps à l’opinion publique. Elle a aussi et surtout, réussi lamentablement à accoucher d’une souris. Peine perdue donc pour Kablan Duncan, porte-voix désigné pour la « défense » d’un régime au banc des accusés et dont l’image est, une fois de plus, gravement entachée. Peut-être aurait-il été – pour ce régime – plus sage de se taire et de tirer les leçons de cette énième dénonciation d’une ONG des droits de l’Homme, que de tenter maladroitement de se justifier.

N’empêche que cette malheureuse tentative de justification, telle que présentée, soulève une question encore plus préoccupante: le régime en place, est-il réellement en phase avec les contraintes du contexte socio-politique actuel en Côte d’Ivoire ?

Les bonnes intentions seules, ne suffisent pas

Il croyait si bien faire, en articulant la présentation de la « feuille de route » du régime autour de ce qu’il a appelé « triptyque » : 1. la paix et la sécurité ; 2. la réconciliation nationale et la cohésion sociale ; 3. la relance économique et la reconstruction post crise. Seulement, compte tenu du contexte qui prévaut, l’on aurait pu – sans risque d’être accusé de faire de la surenchère – y ajouter un quatrième point : celui des Droits Humains. Car les aspirations des populations ne sont pas qu’essentiellement d’ordre économique, elles sont aussi d’ordre social, politique…

La construction d’un Etat de droit – dont se targue très souvent Ouattara – ne doit-elle pas aussi tenir compte du facteur Droits de l’Homme ? Prenons le cas de la Chine. Elle est certes une grande puissance économique, mais pas pour autant une référence en matière de Droits de l’Homme. Ce qui lui vaut – à juste titre – les critiques fréquentes et acerbes.

Par ailleurs, si développement économique rime avec amélioration du bien-être, alors, à côté des indicateurs traditionnels, tels que le PNB ou le PIB, le développement économique et social moderne préconise que l’on prenne aussi en compte le respect des Droits de l’Homme. Ce qui n’est pourtant pas le cas en Côte d’Ivoire, avec les rapports si accablants des ONG des Droits Humains qui ne cessent de pleuvoir sur le régime en place depuis son avènement.
Alors, qu’il soit clair dans les esprits des uns et des autres que de simples promesses de « lutte sans merci (…) contre la corruption, contre la vie chère, contre les coupures d’eau et d’électricité, contre les embouteillages(…), contre les ordures ménagères, (…) mener une vie décente… », faites par Ouattara, ne suffiront pas. Tout comme ne suffisent pas les intentions de faire le Désarmement, la Démobilisation et la Réinsertion (DDR) ; de réaliser la réforme de l’armée, de résoudre le problème de l’insécurité dans tout le pays, de réconcilier en mettant en place la CDVR rien pour amuser la galerie…
La sortie médiatique de Duncan, auréolée d’une panoplie de « bonnes intentions », ne répond pas franchement à la question des violations graves des Droits de l’Homme sur lesquelles le régime est interpellé. Il ne répond donc pas aux préoccupations des ivoiriens qui eux, souhaitent voir la cessation de ces violations de leurs droits et la mise en place d’une justice impartiale, équitable.

Un constat de terrain

Après les rapports accablants des ONG telles que Amnesty Internationale, la Fédération Internationale des Droit Humains (FIDH)…, à propos des violations graves des droits de l’Homme en Côte d’Ivoire, c’est au tour de celui de Human Rights Watch d’enfoncer le clou. Un rapport de 82 pages intitulé «Transformer les discours en réalité : l’heure de réclamer des comptes pour les crimes internationaux graves en Côte d’Ivoire». A propos de ce rapport, un confrère nous dit que « le ton est d’une rare virulence, le constat effroyable et la sentence sans appel : le chef de l’Etat ivoirien n’a pas tenu sa promesse d’une ‘’ justice équitable et impartiale’’ ».
Ce rapport, vient à point nommé, dans la mesure où c’est un rapport de terrain qui prend en compte les préoccupations les plus profondes des populations. C’est-à-dire que les enquêteurs de l’ONG sont allés sur le terrain, y ont séjournés, ont pu constater par eux-mêmes les faits, ont vu l’ampleur de la situation, y ont recueillis des témoignages de personnes ressources qui ont parfois requis l’anonymat, comme l’indique le chapitre « méthodologie » du rapport. Contrairement à ces enquêteurs, on n’imagine bien que les communicants du régime, sans doute scotchés dans leurs bureaux cossus, ont rechigné à aller se « salir » sur le terrain, préférant écouter les ragots de leurs militants illuminés.

La sourde oreille face aux vraies préoccupations des populations, voilà ce qui explique cette piteuse sortie, en déphasage totale avec les réalités de l’heure en Côte d’Ivoire.

Faut-il rappeler dans le même temps, qu’au-delà des dénonciations, ces rapports préviennent notamment sur les risques plus graves qu’une nouvelle crise pourrait entrainer, alors que celle que vit actuellement le pays n’est pas encore réglée: « La Côte d’Ivoire est en effet loin d’être apaisée. (…) Mais le chantier est colossal. Les plaies de la crise post-électorale sont toujours saillantes ».

Les impératifs du contexte socio-politique ivoirien

Qui pourrait, en toute objectivité, nier qu’en Côte d’Ivoire, seuls les partisans de Laurent Gbagbo sont victimes d’une justice « à double vitesse » ? Ce n’est même pas un secret. Deux camps se sont affrontés : celui de Laurent Gbagbo et celui d’Alassane Ouattara. Il y eu, naturellement, des violations des Droits de l’Homme dans les deux camps. Pourtant, un seul camp, celui des pro-Gbagbo continue d’être victime de massacres, de tortures, d’arrestations massives, d’emprisonnements de responsables politiques et militaires…, ses partisans sont contraints à l’exil…

Mieux, les partisans de ce camp, se disent victime de la dictature du régime en place, les empêchant de faire usage de leurs droits fondamentaux: les libertés individuelles et collectives. Pour preuve, toutes les manifestations de l’opposition ont été, soit interdites, soit réprimées dans le sang. En guise de protestation, ils refusent de prendre part aux élections locales. On a pu mesurer l’impact de leur refus à participer à la vie politique du pays, sous prétexte que leurs revendications ne sont pas satisfaites, lors des élections législatives organisées, il y a quelques mois. Ces élections avaient en effet enregistré un très faible taux de participation.
L’ONG Human Rights Watch ne fait donc rien d’autre que de dire les choses telles qu’elles se présentent effectivement sur le terrain en Côte d’Ivoire. Allant jusqu’à interpeller, cette fois, la CPI et – fait nouveau – les partenaires au développement de la Côte d’Ivoire, à s’impliquer d’avantage car cette situation de : justice partiale, de promesses non tenues, est ce que le Directeur de cette ONG a appelé : «un réel problème ». C’est pourquoi il est urgent de créer les conditions d’une justice impartiale, équitable, devant aboutir à une réconciliation réussie et durable. Même s’il est vrai qu’il faut « laisser la justice faire son travail », il ne faut pas aussi oublier qu’il reste peu de temps avant les échéances électorales de 2015. Les mêmes causes produisant les mêmes effets…
En définitive, si le régime en place, persiste à faire la sourde oreille et à ramer à contre courant des préoccupations des populations, il y a lieu de s’interroger sur les raisons qui ont poussé son mentor Alassane Ouattara à suer sang et eau pour accéder au pouvoir, si c’est pour rester en déphasage total avec les aspirations profondes du peuple ivoirien. D’autres diraient : c’était donc pour cela que des gens ont pris les armes ? Et que l’usage de la force et la violence ont été préconisé pour résoudre un problème électoral ? C’était donc pour ça ?

Marc Micael

Zemami1er@yahoo.fr

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