Fraternite-Matin
Après trois mois passés à la tête de ce département ministériel, l’ancien président de la Chambre de commerce et d’industrie fait l’état des lieux et propose ses solutions.
M. le ministre, vous êtes,depuis trois mois, titulaire du département du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des petites et moyennes entreprises. Quel était l’état des lieux à votre arrivée?
Le Ministère du Commerce a toujours été un département très difficile. Cela est dû au fait qu’il est l’un de ceux où il y a les changements les plus fréquents. Ceci dit, pour répondre à votre question, je dirai qu’il s’est agi, en priorité, de fusionner le ministère du Commerce et celui de l’Artisanat et de la Promotion des Pme.Nous avons, par la suite, lancé les axes principaux de notre plan d’action qui a été développé par tous nos collaborateurs. Simultanément, nous avons rencontré les représentants des Pme et des artisans, afin de lister les grandes problématiques de leur secteur et faire des propositions concrètes, en accord avec le plan de travail gouvernemental mais également avec le Programme national de développement. Nous avons également répertorié tous les textes à toiletter et toutes les conventions internationales à ratifier par notre pays et en rapport avec le monde économique. Bref, en un peu plus de trois mois, j’ai mis les équipes à rude épreuve pour que toutes soient en ordre de marche, au plus tard, à la fin du premier trimestre. Vous comprenez maintenant pourquoi nous étions si silencieux.
Dans cet ordre, quel est l’axe principal de cette politique ?
Il faut également noter que concernant le Commerce, l’élément-clé, l’axe principal sur lequel nous sommes attendus, est la gestion de la cherté de la vie et toutes les prévisions sur la cherté de la vie. Vous vous rappelez certainement, en 2008, il y a eu des émeutes, en signe de protestation dans le monde entier contre la vie chère, les cours mondiaux étant dans une tendance haussière. Nous sommes parfaitement conscient des attentes des populations et là aussi, nous préparons des réponses, des recommandations ou avançons des solutions.
Au niveau de l’Artisanat et des Pme, nous avons trouvé le problème des petites entreprises, voire de micro-entreprises artisanales qui ont énormément souffert de la crise et dont les plus fragiles, sur le plan économique, ont des difficultés pour leur financement. Celles-ci ont naturellement besoin d’être redressées, renforcées, mais aussi d’évoluer dans un environnement plus favorable.
Une chose que je ne cesse de répéter : en Côte d’Ivoire, malheureusement, ces années de crise ont fait ressortir de gros problèmes de gouvernance. Et notre département n’y a pas échappé.
Lesquels ?
J’arrive donc dans un ministère qui avait une mauvaise réputation. Les usagers se plaignent du comportement de nos agents. C’est donc quelque chose qu’il faut corriger pour montrer notre attachement à la politique de la bonne gouvernance. Les entreprises n’ont que trop souffert et continuent d’ailleurs de souffrir des problèmes de gouvernance en Côte d’Ivoire qui sont d’ailleurs le principal frein au développement. Nous ne pourrons nous en sortir que si nous améliorons la gouvernance. Et l’objectif d’être un pays émergent en 2020 serait vain si nous ne nous attachons pas aux principes de la bonne gouvernance.
Qu’avez-vous fait concrètement ?
La première action, très concrète, vérifiée par les usagers et appréciée par les agents est celle de leur recasement. Depuis des mois, suite au déménagement de l’immeuble Ccia, nombre d’entre eux étaient à la maison. Vous imaginez la difficulté pour les usagers de voir leurs dossiers traités ! C’était inacceptable ! Nous avons également changé radicalement certaines procédures désuètes ou peu rationnelles, voire hors des règles de bonne gouvernance. Par exemple, des agents du ministère partaient en contrôle sans ordre de mission, en toute illégalité. Nous avons rendu obligatoire l’ordre de mission pour tout agent qui va opérer des vérifications sur le terrain. Et sur cette question, nous attendons la pleine collaboration des commerçants qui doivent l’exiger. Autrement, ils sont en droit de ne pas se soumettre à ce contrôle. Mais il faut aussi qu’ils jouent le jeu.
Et après ?
Maintenant, lorsque le contrôleur finit son travail, il établit un rapport qu’il adresse aux juridictions compétentes du ministère. Celles-ci déterminent l’amende à payer et la notifient au commerçant. Le recouvrement est alors fait par un autre service. Trois services différents interviennent donc dans la procédure. Cette nouvelle manière de faire a induit, en peu de temps, une augmentation significative des recettes issues de la régulation du commerce. Un autre exemple concret de notre action est celui des barrages routiers sur lesquels s’étaient installés illégalement des agents de l’Ocpv. Les femmes du secteur vivrier constatent, chaque jour, sur le terrain, leur quasi-disparition. D’ici quelques semaines, nous aurons des éléments statistiques prouvant le bien-fondé de notre action.
Pouvez-vous revenir sur les grands chantiers de votre département ?
Pour mieux me faire comprendre, permettez-moi de faire cette remarque : au niveau du commerce, le principe premier, c’est la rapidité des transactions. Quand on l’a compris, on a tout compris. Tous ceux qui gouvernent le commerce, en termes de régulation, de justice, doivent favoriser cela. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de créer le Tribunal du commerce. Parce que dans l’appareil judiciaire traditionnel, les procédures étaient trop lentes. Or, en la matière, elles doivent se faire le plus rapidement possible. Lorsque vous avez des containers qui traînent à l’entrée et à la sortie, c’est une pénalité, c’est une perte de profit et de compétitivité pour nos commerçants et partant, pour toute l’économie. Vous voyez que la Côte d’Ivoire est mal classée sur le plan de la compétitivité. Le classement 2012-2013 des pays les plus compétitifs est la 1ère image classique. Il établit une comparaison entre les différentes nations, à l’échelle mondiale. Cet exercice montre que la Côte d’Ivoire a un très mauvais classement, elle est à peine au-dessus du Zimbabwe. Ce sont des exemples concrets pour dire qu’il faut lutter pour améliorer notre gouvernance. Si ce type de classement avait existé en 1980, la Côte d’Ivoire aurait peut-être pu être au milieu du tableau ou bien plus haut. Nous avons régressé et il faut que nous corrigions cette situation. Ceci, d’autant que les facteurs de cette lenteur constatée dans les échanges se retrouvent à tous les niveaux. Le transport est lent et cher, partant d’un point du pays à l’autre. Voici la situation dans laquelle nous sommes.
Que comptez-vous faire donc ?
Nous avons la volonté de faire changer les choses, mais il faut comprendre qu’on ne peut pas le faire seul. D’autres départements ministériels sont concernés. Il nous faut, de ce fait, informer les citoyens concernés et les différents services administratifs qu’ils doivent, dans leur service public, améliorer la qualité des échanges. Pour notre part, nous travaillons à faire en sorte que cette activité se fasse mieux, aussi bien dans le commerce intérieur qu’extérieur.
Nous devons aussi lutter pour le droit à la concurrence; contre la concurrence déloyale. C’est d’ailleurs dans ce sens que nous sommes en train de mettre sur pied la Commission de la concurrence. Depuis 15 ans, ce n’était pas arrivé en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas normal. On ne peut pas avoir un commerce équitable dans un pays sans une Commission de la Concurrence qui fonctionne parfaitement. Faute de cela, on a enregistré d’énormes dérives dues au déficit de contrôle de la concurrence. Des monopoles se sont construits, alors que la loi l’interdit.
Pour être complet sur ce chapitre, je voudrais ajouter que l’on note un constat principal, la vie est chère. Nous sommes l’un des pays les plus chers du monde. Ce n’est pas normal. En général, dans les Etats en voie de développement, quand c’est le cas, c’est le signe qu’il y a un problème de gouvernance. Les pays asiatiques, aujourd’hui, sont les moins chers au monde. Quand les pays les plus développés, sont les plus chers. Les Etats les moins développés, où les populations les plus pauvres, ne devraient pas être assujettis aux prix les plus élevés. Ce n’est pas normal. C’est pour cela qu’il faut se battre contre tous les dysfonctionnements qui entraînent une augmentation anormale du coût de la vie.
Notre question demeure…
Dans ce cadre-là aussi, nous sommes en train d’identifier clairement tous les facteurs de son augmentation et nous allons les publier. L’intérêt de cette démarche, c’est qu’elle permettra à tout le monde de savoir qu’il existe tel ou tel comportement, tel barrage, qui contribuent à alourdir le coût de tel ou tel produit et surtout d’avoir la structure des prix des produits vendus sur le marché. Quant aux facteurs légaux que l’on peut corriger, nous allons le faire très vite. En ce qui concerne les facteurs illégaux, il va falloir les combattre avec beaucoup de fermeté avec la police. Mais aussi agir sur le comportement du citoyen qui doit être capable de dénoncer les travers qui l’amènent à payer trop cher. Je ne vois pas pourquoi nous devrions subir des injustices, sachant que celles-ci engendrent une augmentation du coût de la vie. Abidjan est classée parmi les 50 villes les plus chères au monde. Pour moi,qu’elle soit plus chère que San Francisco ou Los Angeles aux Etats-Unis est un gros problème.Car l’Ivoirien a un pouvoir d’achat nettement moins important que celui d’un Américain. Comprenez que ce n’est pas juste. Le coût de la vie est un vrai problème en Côte d’Ivoire.
Comment se portent les Pme?
Les Pme, c’est toujours plus de 90% des entreprises en Côte d’Ivoire. Mais, elles ne comptent que pour 20 ou 25% du produit intérieur brut. Ce qui est faible. Il faut faire en sorte que les choses changent. Alors, dès notre arrivée à la tête de ce ministère, nous avons entrepris de faire prendre une loi d’orientation et de protection qui va favoriser le développement des Pme. Elle est inspirée de la loi américaine sur ces structures ; de nombreuses lois sur les Pme en découlent d’ailleurs dans les pays développés, notamment, le Japon et même les pays européens. Il faut également que la Côte d’Ivoire se dote d’une agence de Pme, de mesures protectrices, de développement et de promotion de ces organisations. Cela veut dire, par exemple, que pour les marchés publics, on leur réserve un pourcentage de ces offres publiques. Et quand elles exécutent ce marché, il faut qu’elles soient payées dans un délai de 30 à 90 jours. Car elles sont trop fragiles pour supporter des délais de paiement trop longs. De cette façon, les Pme peuvent se faire financer et devenir des entités sûres, mieux structurées, avec des dirigeants mieux formés. C’est ainsi qu’elles sortiront de ce caractère informel qui fragilise beaucoup d’entre elles.
Qu’en est-il du secteur de l’artisanat ?
J’ai eu des rencontres avec les artisans. Nous sommes, en ce moment, en train de les recenser afin de les identifier. En sommes, nous avons un plan pour apporter de l’amélioration dans ce qu’ils font. La Chambre nationale des métiers a un vaste programme d’identification qui va être relancé très bientôt. C’est un projet essentiel qui va leur donner plus de visibilité à l’international.
Voilà trois mois que vous êtes à votre poste, pouvez-vous nous dire les dossiers importants auxquels vous vous êtes attaqué ?
Vous vous souvenez qu’à peine arrivé au ministère, nous avons eu à gérer l’augmentation du gaz et du carburant, le 2 janvier 2013. Cela a été un choc pour beaucoup d’Ivoiriens. Sur instruction du Président de la République, mon collègue du Pétrole, des Mines et de l’Energie et moi-même avons travaillé sur le système de péréquation afin de revoir les prix à la baisse. Ainsi, le coût de lagrande bouteille de gaz aconnu une baisse substantielle. Il en est de même pour le super. Tout cela a été possible en raison des cours mondiaux de ces produits qui ontquelque peu chuté. Evidemment, legasoil, par exemple, n’est pas touché, car il est fortement subventionné. Le gouvernement a pris cette option parce que la majorité des activités qui rythment notre quotidien ensont dépendant. Nous n’oublions pas la surveillance de la concurrence sur laquelle on travaille. En ce qui concerne ce point, comme je vous l’ai déjà dit, nous faisons le toilettage de la loi sur la concurrence de 1991 afin de la mettre en conformité avec les textes de l’Uemoa et remettre sur pied la Commission de la concurrence pour que les effets de distorsion de la concurrence en Côte d’Ivoire soient combattus. C’est un élément-clé au niveau du commerce, tout comme la loi sur les Pme. Enfin, il y a la rigueur, l’amélioration de la gouvernance au niveau du ministère. Je le répète : il faut que les commerçants aient le courage de dénoncer les dérives des agents malveillants. Moi, je plaide pour des sanctions. Il faut savoir qu’autant on peut sanctionner un agent, autant on peutcondamner un commerçant pour complicité.
Monsieur le ministre, les Ivoiriens ne comprennent pas pourquoi la vie est chère. Pouvez-vous nous expliquer cela en des termes simples ?
Des facteurs échappent à notre contrôle direct, comme les cours mondiaux d’un certain nombre de produits. Par exemple, pour un paysan qui produit du riz en Côte d’Ivoire, il est évidemment difficile de baisser son prix. Car il faut qu’il y trouve son compte. En revanche, pour le consommateur citadin qui n’a pas un champ à côté, c’est tout de suite une grande difficulté parce que son pouvoir d’achat n’a pas augmenté. On ne fait que subir les augmentations tous les jours. Et je le répète, la vie est anormalement chère parce qu’en Côte d’Ivoire, outre le jeu de l’offre et de la demande, il y a des frais anormaux. Pouvez-vous me dire pourquoi dans le dernier village burkinabé avant la frontière, le kilo de viande sans os coûte 650 Fcfa etavec os 500 Fcfa, alors qu’à peine passé la frontière et une fois à Abidjan, vous trouvez ces mêmes produits vendus à 2000 ou 2500 Fcfa le kilo ?
On attend toujours votre réponse…
En principe, on ne devrait y ajouter que le transport, ce quine devrait pas tripler ou quadrupler le prix. Pour les produits d’alimentation qui rentrent par le port, on constate que leur coût de revient subit l’influence de la manutention portuaire qui est l’une des plus chères du monde. Nous avons le transport, de la sortie du terminal à containers et la livraison dans le périmètre d’Abidjan les plus chers du monde. Voilà des faits et si nous n’arrivons pas à les combattre, les choses ne changeront pas. C’est un combat qui ne peut être mené par un seul ministère. Nous travaillons, en ce moment, à sortir un tableau des facteurs qui concourent à rendre la vie anormalement chère. Lorsque nous aurons les conclusions de cette étude, nous en parlerons officiellement au niveau du gouvernement pour voir ce qui peut être fait. Ce comparatif avec les pays voisins sera également très révélateur. Il faut qu’on sache que devenir un pays émergent, c’est être parmi les meilleurs, les plus compétitifs.
Avez-vous aussi un plan pour le secteur vivrier?
Les femmes du secteur vivrier font un travail remarquable. Elles ont besoin d’être soutenues. Elles paient des frais trop importants pour arriver sur les marchés. Le principal problème, pour elles, est le transport de leurs produits. La tonne transportée coûte cher, ainsi que les frais de route. Dans le secteur vivrier, la question de la rapidité et l’efficacité est encore plus cruciale. Quand vous avez des tomates et aubergines à transporter, si cela n’est pas fait rapidement, ces produits pourrissent sur les routes. Ce sont des pertes sèches pour les femmes du domaine. Très peu de transporteurs s’y dédient principalement. Ceux qui se décident à le faire le font donc à des tarifs très élevés. Il importe que nous proposions un système meilleur pour le secteur vivrier.
Nous avons tellement à faire, tellement de chantiers à mener de front, qu’il est difficile, aujourd’hui, de vous répondre en à peine une heure. Sachez, en tout cas, que pour les femmes opèrent dans le domaine du vivrier, comme pour les Pme et les artisans, nous avons des réponses, des recommandations, des outils à mettre en œuvre. Si l’on laisse le temps à nos équipes de dérouler le plan d’action du ministère, je suis convaincu que d’ici la fin 2013, nous enregistrerons déjà quelques résultats probants.
Comment avez-vous accueilli votre nomination à la tête de ce ministère difficile qu’est celui du Commerce, de l’Artisanat et de la Promotion des Pme ?
J’ai passé 10 années à la tête de la Chambre de commerce et d’industrie. Dans le processus d’organisation des élections pour le renouvellement des instances, j’avais décidé de ne pas me représenter, parce que ce qui caractérise une bonne et dynamique organisation, c’est l’alternance au niveau de l’exécutif. Il n’est pas bon de rester trop longtemps à la tête d’une institution. Mais même en étant du monde de l’entreprise, j’allais me retrouver avec plus de temps pour moi, et je voulais surtout me consacrer à ma région. C’est dans ce contexte qu’il y a eu la dissolution du gouvernement et que j’ai été contacté, alors que j’étais à l’étranger. La tâche n’est pas facile à ce poste. Car il y a des habitudes qui sont ancrées, aujourd’hui, dans le fonctionnement d’une grande partie de l’administration ivoirienne, mais également chez des acteurs économiques ivoiriens. Il faut arriver à corriger tous ces dysfonctionnements. Je sais qu’en les corrigeant, nous pourrons améliorer les conditions de vie des Ivoiriens en général. Je suis dans la démarche d’une action gouvernementale et donc d’une action citoyenne.
L’ambition du Président de la République est de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020. Comment comptez-vous accompagner ce projet ?
Cela ne peut se faire sans l’engagement de l’ensemble du gouvernement et des Ivoiriens. Cela ne peut se faire sans une déontologie dans l’éducation, la santé, la police, l’armée… Comme une machine ou une chaîne, s’il ya un maillon qui manque, le processus s’enraille. De 1960 à 1985, la Côte d’Ivoire a connu une forte croissance. Au début des années 80, on avait atteint un certain niveau de développement.
La Côte d’Ivoire, qui avait ce niveau de développement, devait s’attendre à basculer vers un niveau plus bas, pour des raisons diverses, avant d’arriver à une situation de crise importante. Aujourd’hui, on renoue avec la croissance. Mais on vient de tellement loin que cette croissance ne se traduit pas encore en changements dans le quotidien des Ivoiriens. Cependant, devenir un pays émergent est un objectif normal pour aspirer à être, plus tard, un pays développé. Si nous ne commençons pas par avoir une bonne éducation, la performance ne va pas suivre en termes industriels, économiques. Il faut aussi la paix et la sécurité qui sont très liées. Il n’y a pas de croissance économique sans sécurité et paix, et vice-versa.
En tant que produit du secteur privé qui a ses méthodes de travail axées sur la célérité et
l’efficacité, avez-vous le sentiment d’être écouté et compris dans votre nouveau rôle?
Je vais vous dire une chose qui est peut être surprenante.Le monde politique connait très peu le secteur privé dans ce pays. Si vous demandez aux fonctionnaires ou aux acteurs politiques, quelles sont les entreprisesqui opèrent en Côte d’Ivoire, ils ne le savent pas. Posez la même question en Angleterre, aux USA, en Allemagne, en France, eux, le savent. Même concernant les enjeux d’une filière donnée, beaucoup ne perçoivent pas la chose de la même manière. Faire un séjour dans le privé, pour de nombreuses personnes du public, leur apporterait beaucoup. La machine administrative est lourde. Le privé, c’est la culture de l’éducation et du résultat. Les gens ont l’impression que dans le privé, tout baigne, que l’argent circule, que tout tourne bien. Mais ce n’est pas par hasard. Il faudrait que le politique ivoirien comprenne que lui-même sera beaucoup plus fort, quand il aura une économie plus forte. Aujourd’hui, l’économie ivoirienne est bridée. Il faut la débrider. Il faut rendre cette économie plus compétitive et permettre à plus d’entreprises d’investir et de gagner de l’argent. Le but de toute entreprise, c’est de faire des bénéfices. En gagnant, elle investit plus. L’emploi, l’investissement sont dynamiques. L’investissement d’aujourd’hui assure l’emploi de demain. Et l’emploi étant dynamique appelle d’autres emplois. Il faudrait plus de « nationalisme »dans le pays pour favoriser l’économie nationale. Faire des entreprises nationales de véritables champions doit être un objectif pour tout homme politique.
Depuis que vous êtes dans le gouvernement, vous arrive-t-il d’être interpellé par vos amis du secteur privé afin que vous soyez leur porte-parole ?
On attend, aujourd’hui, que beaucoup de choses changent. Nous devons faire de l’interpellation et j’ai moi-même besoin d’être interpellé, j’ai besoin d’échos pour changer les choses. Il y a des dossiers importants comme le dédommagement des entreprises victimes de la crise en Côte d’Ivoire qu’il faut traiter. Le signal que nous donnons de notre économie en le faisant est celui de la dynamiser, de montrer que nous sommes dans un véritable Etat de droit. L’amélioration de l’environnement des affaires doit être déterminante dans le pays. Les entreprises se plaignent encore de trop de choses : les difficultés d’acquisition de terrains industriels, l’impôt qui les fragilise. Les entreprises qui s’installent ici comparent très vite l’environnement qu’elles trouvent avec celui des pays voisins. Nous sommes aussi en compétition avec les autres. C’est pour cela que nous devons être plus attractifs qu’eux. Un pays émergent est un pays attractif. Les entreprises se plaignent des nombreux coûts. Elles ont raison. La Cedeao, je vous l’ai ditd’entrée de jeu, est un espace trop cher. Il faut que nous gagnions en compétitivité. Pour cela, il faut améliorer l’environnement concurrentiel, le réorienter. Il faut que les politiques le comprennent mieux. Un pays n’est fort que parce qu’il a une économie forte. Quand on parle de puissance, on parle d’économie forte. Tous les projets dont on parle, c’est l’économie, c’est le monde de l’entreprise qui les soutient. La Côte d’Ivoire a les moyens de prendre cela en compte dans son processus de développement, pour favoriser son économie. Il y a trop d’Ivoiriens qui vont ailleurs parce que l’environnement dans leur pays n’est pas favorable. L’économie ivoirienne ne leur donne pas satisfaction. Ce sont ces choses que le gouvernement doit corriger.
Interview réalisée par
David Ya
Fraternite-Matin
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