La paix constructive en Afrique

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La paix, c’est la guerre des idées», disait l’écrivain et poète français Victor Hugo. Cette maxime est, de nos jours, bien loin des stratégies et des politiques africaines dans leur vision de construction et de conception du développement. Le constat actuel illustre cet état de fait consternant et suscite de multiples interrogations pour sortir de ce lancinant problème.

En effet, les guerres multiformes qui désagrègent le continent africain sont des luttes tribales, interethniques, des frontières et des territoires. Ces conflits armés mettent en avant la primauté qu’accorde l’homme à son intérêt personnel de dominer l’autre devenu l’ennemi à battre. Et à faire disparaître. La vie devient une lutte perpétuelle, et non un moment de joie, de plaisir, d’entente, de convivialité, ces valeurs faisant germer le bien vivre ensemble d’une communauté ou d’un peuple dans un but commun. Dans ce sillage, la solidarité et l’entraide forment les socles de la fraternité donnant à la nation souveraine la sérénité et la tranquillité des esprits.

L’éclosion de l’unité indivisible

C’est cette unité d’ensemble qui engendre dans un état libre et indépendant le calme et le silence. Ainsi, la paix habite la nation fondée sur ces piliers brillants qui donnent à la population le bonheur et l’amour. Ces sentiments meilleurs découlent du tréfonds de l’âme du peuple, là où son esprit vit dans la sphère de beauté et de la félicité. Ce monde de plénitude réside dans l’antre intérieur de l’homme. Ainsi, la vraie paix existe dans l’âme du peuple pétri de sentiments et pensées sublimes qui habitent dans les abysses du cœur imbibé d’amour. C’est cette vision étincelante que le politique africain doit appréhender, apprivoiser et appliquer pour générer partout l’ère de la paix intérieure, entrainante et rayonnante, laquelle viendra ouvrir large le champ des possibles où poussent l’espérance, le développement et la croissance tant attendue.

Reconstruire les cavernes d’amour

La haine nous habite tous, frères africains, sur le radieux chemin qui nous pousse à bâtir l’Afrique Une. Le chacun pour soi dicte les idées destructives. Cet individualisme effréné emprisonne dans l’antichambre de l’évolution et du progrès. Les projets et les décisions de l’homme sous l’empire de ces idéaux négatifs construisent les châteaux de ruines et de désunion, avec à la clé le refus manifeste de l’autre considéré comme un renégat, un traître. Chassé de la communauté et du village, il devient le banni de la tribu. C’est par ce rejet du frère de sang que la nation civilisée commence à se disloquer, à se déchirer et à se séparer. Les ethnies proches et les tribus frontalières s’éloignent et se distancient en quittant les terres de conciliation et de jonction. On ne peut construire le pays en refusant l’autre, son prochain. L’Afrique souffre de ce mal congénital. De ce mal sont nées les multiples guerres qui rongent et abîment ses terres de fraternité.

Longtemps, l’Afrique fut un continent où les vertus de solidarité et d’unité gouvernaient les villages, les campagnes et les villes. Ces valeurs noyées dans la division et la dislocation n’existent plus. Elles ont disparu de la vie associative où elles prévalaient et orientaient les chefs dans leur dessein sociétal commun : construire un même village où vivent un seul peuple et un seul idéal. Ainsi, la sortie des guerres intestines passe par le retour à la case départ : il s’agit de reconstruire les cavernes intérieures d’amour, détruites par la haine viscérale qui régente tout. C’est en restant à l’intérieur de ces cases personnelles que l’homme africain retrouvera l’intelligence, la sagesse et la fraternité perdue. Ces flammes jadis alimentaient et dirigeaient les buts ultimes des nations. Avec cette exaltation de l’âme placée dans les effluves d’amour, de générosité et de partage, l’africain élevé et régénéré trouvera sa voie majestueuse ouverte par les anciens chefs qui ont laissé à la postérité les vestiges et les patrimoines brillants. C’est en scrutant ce passé de l’histoire que l’africain initié aux vertus de respect, de confiance, de tolérance, de la morale et de l’éthique deviendra l’héritier de la paix sociale cultivée par les ancêtres.

Concilier les forces intérieures

De nos jours, l’Afrique est touchée par les multiples guerres claniques et frontalières. Ces dominantes guerres des hommes et des territoires. Avec ces luttes armées, l’Afrique devient le terrain de peur, de douleur et de souffrance. Implicitement ou explicitement, l’Africain est responsable des tueries et massacres perpétrés sans cesse sur ses terres d’hospitalité légendaire et d’histoire mirifique. Il est l’artisan de sa propre ruine et de la déchéance des nations.

L’étranger jugé diviseur, destructeur, fossoyeur n’est plus aujourd’hui l’être à jeter l’anathème. L’imprécation vient du peuple piétinant les règles communes de la souche familiale africaine. Elle est l’œuvre achevée par l’africain lui-même dans le refus manifeste de ces lois qui gouvernaient sa vie d’autrefois. C’est cette absolue réfutation qui a renversé irrésistiblement l’Afrique dans la marche vers l’émergence d’un continent développé. En plus de la modernité que l’Afrique doit accepter dans son évolution et son développement, elle doit également concilier les forces intérieures qui ont fait d’elle le continent singulier et authentique. L’identité africaine est forgée par les croyances dans les valeurs millénaires des anciens qui adoraient, vantaient les cultures, les us, les coutumes, les traditions, ces bases qui forment leurs nature et image propres.

L’Afrique en guerre est loin de vivre dans la paix constructive qui façonne les mentalités et unit les hommes. L’absence des guerres des idées a laissé la place aux luttes des classes, des personnes,… Le dialogue et l’échange, qui faisaient le lit de la démocratie et de la liberté de parole, sont évincés dans les discussions et débats infructueux. L’Afrique est victime des rivalités, des mésententes entre les peuples vivant au nord et au sud du même pays. Ces pensées minent les terres africaines et amplifient les guerres fratricides qui éludent la paix positive entre les ethnies.

Tendre la main à l’autre

C’est le choix néfaste de l’esprit négatif vers les palabres stériles et actions destructrices que l’Afrique, sortie des chefferies des connaissances et savoirs sublimes, traverse, cette phase noire des guerres tribales. L’Afrique indépendante doit rester maitresse de sa destinée sans être l’exécutrice des ordres. La véritable paix réside à l’intérieur d’une âme détachée de tout assujettissement et toute contrainte extérieure. La paix constructive habite l’homme qui dit non à la guerre et tend la main à l’autre. Son frère de sang. C’est cette forme de modèle unissant et de stratégie sociale qui feront de l’Afrique une âme noble et humaine. Cette belle humanité exaltée placera le peuple, mû par l’intérêt général, dans le champ de l’unité indivisible et sur le terrain de la maison commune.

L’Afrique réunie gagnera en mettant en application ce geste supérieur, élogieux et méritoire. Une attitude positive qui donnera au peuple éveillé une scintillante vision de l’Afrique en gestation. Le continent meilleur germera sous ce feu intérieur venu du cœur ardent et inondé des belles et nobles idées qui forgent une rayonnante guerre de paix. Cette paix contagieuse, partageuse et lumineuse est une œuvre de longue haleine. Elle se construit pierre après pierre au fond du cœur du peuple où l’unité avec le tout donne la force et la puissance de produire cette captivante sérénité qui donne à l’humanité joyeuse le ferment d’entente, d’harmonie et d’amour universel. Ces vertus cardinales qui fondent le village pour tous. De nos ancêtres éclaireurs.

Yves Makodia Mantseka

Source: Magazine Le Nouvel Afrique numéro 53

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