Une nouvelle fois, le président ivoirien vient d’être interpellé en raison de l’approche partiale qui est la sienne dans l’administration de la justice sur les événements liés à la crise post-électorale ayant débouché sur son installation sur le fauteuil présidentiel.
C’est là le boulet qu’il traine depuis qu’il est chef d’Etat. Et l’organisation internationale de défense des droits humains, Human Rights Watch (HRW) l’a clairement indiqué dans le rapport qu’il vient de publier. Dans ce document de 82 pages, l’ONG invite le nouveau président ivoirien à se départir des discours bien intentionnés pour passer aux actes concrets en ce concerne la poursuite des éléments de son propre camp ! Mais selon HRW, le pouvoir ivoirien n’est pas le seul à blâmer dans cette justice dont les pro-Gbagbo sont les seules victimes. La Cour pénale internationale (CPI) en prend aussi pour son grade. Ce qui, pour cette dernière, est un reproche qui vient s’ajouter à celui classique, selon lequel elle ne poursuit que les dirigeants africains. Dans le cas de la Côte d’ivoire, le défaut d’une justice équitable est un plomb dans l’aile d’une véritable réconciliation nationale, qui demeure un des chantiers prioritaires des nouvelles autorités abidjanaises.
A Abidjan, le gouvernement demeure bouche bée après la publication du rapport de Human Rights Watch. Manifestement, on n’a pas encore récupéré du coup de massue ! D’autant plus qu’on n’y était visiblement pas préparé. Certes, depuis l’installation des nouvelles autorités, la traque des seuls partisans de l’ancien président a été régulièrement dénoncée; mais les précédentes sorties n’avaient jamais été aussi solennelles et cinglantes.
Par ailleurs, alors que par le passé, le sujet était évoqué en marge d’autres événements relatifs à la réconciliation nationale, ou à des principes généraux des droits humains, cette fois-ci l’ONG internationale a choisi d’y consacrer tout l’objet de son cri d’alarme. L’argumentaire est exhaustif. C’est ainsi qu’il est clairement mentionné que les 150 poursuites qui ont jusqu’ici eu lieu, l’ont été dans le camp des perdants de la crise post-électorale de 2010-2011. Ce qui fait dire aux enquêteurs de HRW qu’il s’agit d’une « justice des vainqueurs ».
Autre nouveauté par rapport aux sorties passées, c’est bien le fait que le gouvernement ivoirien n’est plus perçu comme le seul responsable de cette malheureuse situation. Tout au contraire, Human Rights Watch pense que les autorités ivoiriennes ont été quelque peu guidées par l’attitude de la CPI qui, elle-même, se serait exclusivement attaquée au camp des perdants. Alors que de nombreux proches de l’actuel président qui occupent, pour certains, des postes de responsabilités importants se seraient également rendus coupables de graves violations des droits humains.
Mais jusqu’ici, le bureau du fameux procureur de la CPI, a timidement répondu aux soupçons que les enquêtes sont en cours. On serait tenté de croire que ce n’est là qu’un prétexte visant à repousser le plus longtemps possible une question à laquelle on ne veut pas faire face.
Ces critiques méritent d’autant plus d’attention que l’approche actuellement en vigueur, aussi bien au sein de la justice ivoirienne qu’au niveau des instances internationales, est potentiellement porteuse des germes d’une instabilité future pour la Côte d’Ivoire. Certes, les principaux leaders du camp de Gbagbo ayant été neutralisés, avec notamment le soutien de certains acteurs de la communauté internationale, il est bien possible qu’Alassane Ouattara ne soit point perturbé dans son pouvoir, d’ici à la fin de son mandat. Mais ceux qui auront le sentiment qu’il a usé de son statut du moment pour sévir uniquement contre eux, garderont toujours une certaine frustration et de l’amertume enfouies en eux. Par conséquent, ils guetteront l’opportunité de prendre leur revanche. Ce qui, tout naturellement, constituera, alors, le lit d’un long cycle d’instabilité politique et d’un éternel de recommencement.
Et c’est en cela que le président ivoirien doit faire montre de bon sens et de hauteur de vue. Il a deux approches de solution. Soit, il met à la disposition de la justice tous les auteurs de crimes et délits de tous les camps. Soit, il prononce une amnistie générale au nom de la réconciliation nationale. Cette seconde option devant tout de même s’accompagner d’une campagne de sensibilisation auprès des victimes, pour éviter qu’elles n’aient le sentiment de passer pour les dindons de la farce.
GuineeConakry.info
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