Des experts préviennent. La Côte d’Ivoire a connu des crises successives depuis le coup de force qui a évincé Henri Konan Bédié du pouvoir d’État, le 24 décembre 1999. Les dirigeants du pays à cette époque, avaient été prévenus contre cette vague de violences qui continue d’endeuiller les Ivoiriens. Structure spécialisée en la matière, rattachée au ministère du Plan et du développement, le Bureau national de la prospective et de la veille stratégique a pour mission de conduire des réflexions en vue d’éviter au pays des catastrophes aussi bien au plan économique, social que politique. Lors d’un entretien qu’il nous accordé en début de semaine dans les locaux du Bureau de la prospective sis au Plateau, le secrétaire permanent , Dr Pokou Koffi, a expliqué les prérogatives de la structure qu’il dirige. Selon lui, elle est chargée de conduire toutes les réflexions prospectives et stratégiques pour influencer les décisions des gouvernants. « La prospective est un ensemble de réflexions pour déterminer les évolutions futures d’une communauté humaine », a-t-il dit, révélant que son rôle est surtout de « dessiner » des scénarios probables que pourrait vivre le pays sur une certaine période. Dans cette optique, le Bureau national de la prospective a produit une étude sur l’évolution de la Côte d’Ivoire à l’orée 2040. Il s’agit pour le Dr Pokou Koffi et son équipe, de déterminer l’image que les Ivoiriens se donnent de leur pays à l’horizon 2040. « Nous devons connaître les aspirations des populations », a-t-il souligné, indiquant que l’étude permettra de mettre en place un système dont les variables permettront de converger « vers la vision souhaitée ». Cependant pour cet expert en prospective, « tout peut arriver, donc il faut envisager tous les scénarios, aussi bien optimistes que pessimistes ». Il a révélé que des scénarios négatifs se sont déjà produits en Côte d’Ivoire avec notamment le coup d’État de 1999 et l’éclatement de la rébellion armée en septembre 2002.
»Le suicide du scorpion »
Une étude entamée de 1993 à 1995 portant sur l’évolution de la Côte d’Ivoire à l’horizon 2025, redoutait le scénario baptisé par les experts, »le suicide du scorpion ». Ce scénario n’est rien d’autre que le chamboulement des variables économiques et démocratiques, ayant entraîné le renversement d’Henri Konan Bédié et la rébellion de 2002. Ces violences avaient été prévues, mais les autorités, à ces périodes, n’auraient pas considéré les résultats des études menées. Les conséquences sont celles que le pays continue de vivre avec les bouleversements et les menaces de déstabilisation. « Si une variable du système ne va pas bien, nous avons le devoir d’alerter les décideurs pour ajuster les variables. La prospective est importante pour un pays. Il faut qu’on sache où on va pour mettre en place des plans afin d’atteindre les objectifs escomptés. Les politiques doivent prendre en compte les préoccupations des populations », a relevé notre interlocuteur. Qui a soutenu que ce sont les entorses à la démocratie et au bien-être qui sont en général à la base des conflits et autres bouleversements. Pokou Koffi a, par ailleurs, présenté les scénarios possibles que pourrait vivre la Côte d’Ivoire d’ici à 2040. Les études déjà menées sont toujours actuelles, nous a-t-il confié. Ainsi, le premier scénario est baptisé »la chauve-souris étranglée ». Il consiste, selon les experts, à prévoir »le chaos » parce que plus rien n’irait dans le pays, tant en interne qu’à l’extérieur. Ensuite, vient »le suicide du scorpion », que la Côte d’Ivoire a vécu avec le coup d’État de 1999 et la rébellion de 2002. Dans ce cas de figure, la situation économique, sociale et politique à l’intérieur du pays est défavorable, tandis que les relations que le pays entretient au niveau international sont très bonnes. « Les gens se sont appuyés sur les grands chantiers, les ponts, les routes, mais ils ont oublié de prendre en compte certaines aspirations des populations », a-t-il fait remarquer, notant que les études se font au cœur de la populations. Un autre scénario un peu plus optimiste pour cet expert, c’est »l’éléphant en marche ». Ce scénario a été étudié et présente un schéma dans lequel la situation globale du pays est bonne au niveau interne, mais les relations avec l’extérieur ne sont pas reluisantes. Ce scénario avait conduit les gouvernants à lancer les travaux de »L’éléphant d’Afrique » parce qu’à cette époque, les variables étaient positives pour la Côte d’Ivoire. Le plus positif des scénarios, tel que présenté par les experts du Bureau national de la prospective et de la veille stratégique, est »la ruche des abeilles ». Cette situation est celle d’un pays où les variables sont positives à l’intérieur et à l’extérieur, « où le miel coule à flot », et où les populations vivent dans l’abondance. A en croire les experts de ce domaine, les scénarios les plus difficiles arrivent toujours parce que les gouvernants « n’exploitent que les scénarios positifs ». Or, selon le Dr Pokou Koffi, « il faut suivre ce qui est pessimiste pour attirer l’attention, afin qu’il n’y ait pas de blocage dans la marche vers le scénario optimiste ». De fait, lorsque les dirigeants des États parlent « d’urgence, c’est qu’il est trop tard ». Ces scénarios sont à prendre en compte par les gouvernants actuels de la Côte d’Ivoire, a indiqué Pokou Koffi, pour éviter une situation comme celle que les populations ont vécue en 1999 et en 2002. En tout état de cause, le Bureau national de la prospective et de la veille stratégique poursuit sa mission. Son secrétaire permanent a même annoncé un atelier pour réfléchir sur d’autres scénarios économiques, sociaux et politiques, du 7 au 13 avril 2013 à Agboville, en s’appuyant sur la situation de crise que vivent les Ivoiriens.
Hervé KPODION
L’Inter
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