Madame l’ambassadrice de Côte d’Ivoire au Bénin avait convié les exilés et ressortissants ivoiriens sur place afin qu’ils viennent ovationner en foule ADO à l’aéroport de Cotonou, lors de sa visite des 8 et 9 mars 2013. Avec son indémodable épouse blonde au sourire fixe, inaccessible aux rides, et tout le staff présidentiel, comprenant même le distributeur automatique de médailles, j’ai nommé la grande chancelière à qui nous devons d’appeler SEM le président de la Côte d’Ivoire, installé manu militari par son titre plus intime de « Mr le Préfet ».
D’un budget d’organisation, qui s’élevait au départ à près de 2.800.000 fr, la représentation diplomatique Ivoirienne n’aura reçu que 1.200.000 fr pour organiser un accueil digne de ce nom à Mr et madame Ouattara, les généreux bradeurs de la Côte d’Ivoire.
Ainsi, à leur arrivé au Bénin, le couple ADO, a sorti de ses mallettes plusieurs enveloppes contenant des cachets se chiffrant à plusieurs millions :
– 5 millions pour les femmes béninoises – journée de la femme oblige …–, soit le prix de la maison de campagne –électorale– qu’il avait promise à toutes les familles ivoiriennes !
– 4 Millions pour les étudiants béninois, à titre d’encouragement, millions certainement économisés sur les fonds de bourses non reversés à leurs ayant-droit ivoiriens,
– plus 10 millions pour les universités béninoises, recette provenant probablement d’un petit surplus de pots de peintures excédentaires, non utilisés à l’occasion du rafraîchissement des universités ivoiriennes. L’université de Cotonou, « Abomey Calavi » a été particulièrement chouchoutée : n’est-ce pas elle qui offrira un diplôme de Docteur honoris causa à son mécène ?
Enfin, une très grosse valise de 400 millions a été sortie pour amorcer la construction du nouvel amphithéâtre de l’université de Cotonou qui, déjà nommé, portera désormais le nom du nouveau fils de Gagnoa, le petit Bété d’adoption, Alassane Dramane du quartier Alésia, cette ville gauloise que personne ne peut plus localiser exactement, mais dont les habitants d’origine, les Mandubiens, s’alliant au royaume de Kong, ont créé bien des siècles plus tard la dynastie des Ouattara, cette élite françafricaine de réputation internationale.
Cette générosité singulière du couple dirigeant mérite d’être soulignée, car après celle dont il a gratifié les étudiants ivoiriens, leurs universités et leurs professeurs, notre Côte d’Ivoire, véritable pays de cocagne, croule maintenant sous le poids de la manne prodiguée par les généreux administrateurs coloniaux : nos amis ivoiriens ne savent plus comment utiliser leurs excédents, à tel point que le professeur Mamadou Coulibaly, comblé, repu, a renoncé à son salaire, craignant une indigestion financière !
Par la suite il y aura encore une enveloppe commune de 4 millions de Fr, octroyée, de concert avec son homologue béninoise Chantal Yayi, par la larmoyante présidente de Child of Africa, « étreinte d’émotion », pour le village béninois SOS enfants d’Abomey Calavi. Nous n’avons pas pu savoir si cet argent provenait directement du trésor ivoirien, ou indirectement, par le biais de cette fondation privée grassement subventionnée sur les deniers de l’état.
Comme vous pouvez le constater, on ne nous parle pas d’enveloppe pour les Ivoiriens habitant au Bénin; comme chacun le sait, ils sont riches, des expatriés de luxe qui se passent bien volontiers du bakchich octroyé par le mécène et sa dame patronnesse. Mais redevenons sérieux : la vérité, c’est que Ouattara et son épouse n’ont rencontré que leurs frères et « chères sœurs » béninois; selon des indiscrétions parvenues jusqu’à nos oreilles, ADO n’a pas voulu recevoir la communauté Ivoirienne, préférant une immersion 100 % béninoise, bien plus gratifiante !
Et pourtant, des Ivoiriens étaient venus, ne serait-ce que pour toucher l’indemnité de déplacement et d’applaudissements, habituellement distribuée lors de chacun de ses voyages, comme nous l’avons constaté à maintes reprises, afin qu’il y ait toujours sur son passage des hordes d’adorateurs qui continueront à s’époumoner et à s’égosiller haut et fort, avec des : « Ado solution !, vive Ado, tu es le meilleur, nous voulons ADO…» revivant en décalage non plus horaire mais biennal, la précédente campagne électorale arrosée de petites enveloppes. Et pour honorer la Journée internationale de la femme, nous dirons encore un grand merci à Dominique, l’éternel féminin dont le sourire et la grâce nous ont permis d’évoquer et de toucher du doigt la Femme ivoirienne de l’année, du mois et du jour.
Bref, au nom de la réconciliation, forts de l’appel lancé plusieurs fois par le passé devant les caméras, – roucoulements émis par Ouattara et son gouvernement à l’intention de la communauté internationale, sourires carnassiers à l’appui, sur fond de grognements, kalaches et machettes, pour inciter les exilés à rentrer –, des Ivoiriens – surtout des femmes, mères de famille, ont convergé vers la capitale, venant parfois de loin, mais sans résultat : beaucoup de fatigue et de temps gaspillés en vain, à courir après le tandem ivoirien, pour constater à l’arrivée que les parents de la nation « Ivoire en vente » avaient cavalièrement annulé le rendez-vous.
Annulée donc, la rencontre prévue avec les femmes ivoiriennes. Changement de programme. La priorité pour Mme ADO, notre « Mère Courage » françafricaine : encourager les sœurs béninoises et leur faire des cadeaux, afin qu’elles accèdent encore plus nombreuses au microcrédit; les Ivoiriennes en exil, riches par définition, n’avaient pas besoin de ce petit coup de pouce ! Et quand enfin nos mamans ivoiriennes sont arrivées au rendez-vous figurant sur le planning de la virée béninoise présidentielle, pour rencontrer les Dramane, elles se sont entendu dire que le Prési à la nouvelle toque diplômée et son épouse, la spécialiste en Microcrédit pour femmes étrangères, roulaient tranquillement vers l’aéroport, après une mission humanitaire bien remplie. Quelques photos mises en ligne par la présidence nous dévoilent une image champêtre de Ouattara l’agriculteur : après avoir reçu tous les honneurs de l’université pour sa tête pensante, le voilà équipé d’une énorme pelle, creusant et plantant lui-même un arbre, un palmier en terre étrangère, s’enracinant symboliquement du même coup dans une terre hospitalière parce que non-ivoirienne, ce qui chaque fois lui rend le sourire. Dominique a arrosé. Et puis tout ce beau monde a continué le jeu du citadin-agriculteur, en se rendant à Porto-Novo, pour visiter le célèbre Centre Songhaï, cette ferme modèle alliant un projet de développement agro-pastoral intégré à un centre de formation agricole. Gageons que cette visite devrait donner au gouvernement des idées pour recycler durablement tous les amis de la rébellion, encore sur le carreau.
Comme toujours, le couple emblématique ne s’est pas déplacé seul : c’est une véritable ruche laborieuse qui s’est activée autour de lui, car la Côte d’Ivoire studieuse, laborieuse et réconciliée fonctionne en pilotage automatique : l’argent travaille tout seul, et se multiplie à la vitesse des chardons, une fleur en produisant quatre cents la saison d’après.
Mais revenons à nos femmes ivoiriennes : elles ont été humiliées. On nous rapporte que certaines ont pleuré, errant dans la ville à la recherche d’un moyen de transport pour retourner chez elles. Elles sont reparties sans avoir obtenu le dédommagement tant attendu, qui aurait dû être un baume sur leurs plaies de privation et d’exil. Certaines, fatiguées et abattues, sont même rentrées à pied. L’histoire ne nous dit pas si, au terme de ce premier séjour de 48 heures au Bénin, notre sympathique couple présidentiel a pris le chemin du retour avec leur bénédiction. Mais assurément, cette date du 8 Mars ne restera pas gravée dans les mémoires comme la plus belle journée de la femme jamais vécue, mais plutôt comme l’illustration d’un amour définitivement impossible : « je t’aime, moi non plus ! »
Shlomit Abel, le 13 mars 2013
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