Lu pour vous: Le Canard Enchainé – 6 mars 2013
Le régime Ouattara ? Motus français et défense d’Ivoire
De « graves violations des droits humains », des centres de détention et de torture secrets, des exactions de groupes paramilitaires armés par l’Etat, des crimes de guerre impunis. Tous ces hauts faits à l’actif de partisans du président ivoirien Ouattara, décrits dans un rapport d’Amnesty International paru le 27 février, n’ont pas suscité la moindre réaction de la France.
Il y a deux ans, pourtant, Paris avait pesé de tout son poids pour soutenir l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara. Durant dix jours (en avril 2011), les forces du dispositif tricolore Licorne, assistées par l’ONU, avaient bombardé la résidence présidentielle de Laurent Gbagbo, farouchement accroché au pouvoir après la proclamation de sa défaite électorale, cinq mois plus tôt.
Aujourd’hui, Gbagbo est traduit devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye, accusé d’avoir ordonné ou laissé commettre quatre massacres ayant causé la mort de 200 personnes. La France de Sarkozy, puis de Hollande, qui a contribué à l’enquête du procureur de la CPI, n’a, en revanche, pas levé le petit doigt pour que soient poursuivis les crimes du camp d’en face. Au total, les violences postélectorales ont causé la mort de plus de 3 000 personnes.
Depuis plus de dix-huit mois, les forces armées régulières contrôlent le pays. Et le rapport d’Amnesty cite de nombreux cas d’exactions à leur passif ; comme l’attaque, en juillet 2012, du camp de Nahibly, dans l’ouest du pays, qui « s’inscrit dans le contexte des crimes contre l’humanité ». Des dizaines de réfugiés y ont été liquidés à la machette, par balles, ou brûlés vifs. Les milices dozos (confrérie de chasseurs de la région), auteurs de ces méfaits, avaient déjà, un an plus tôt, tué plus de 200 personnes, coupables d’appartenir à une ethnie jugée proche de Gbagbo.
Le document mentionne aussi plusieurs prisons secrètes dans lesquelles l’armée a séquestré et torturé des opposants ou supposés tels. Comme ce cachot de 4 mètres sur 5, à Korhogo, dans le Nord, où des prisonniers se sont retrouvés à 27 durant quarante-neuf jours, sans toilettes et presque sans nourriture. Informé – à tout le moins – de ces pratiques, le régime de Ouattara n’a jamais réagi, malgré les déclarations solennelles du Président. D’ailleurs, précise Amnesty, à sa connaissance, « pas un seul responsable civil ou militaire de violations et atteintes très graves aux droits humains ayant soutenu Ouattara n’a eu à répondre de ses actes devant la justice. ›› Même pas Martin Kouakou Fofié, chef de guerre désigné par la CPI comme responsable de graves « violations des droits humains » et du « recrutement d’enfants soldats ››. Accablant crime patronymique
Apathie identique de la France au récit des exploits accomplis par les partisans de son protégé.
Certaines victimes possèdent pourtant un passeport tricolore, comme l’économiste Ibrahim Massaga, détenu depuis un an à Abidjan, au mépris de tous ses droits, ou Michel Gbagbo, fils de l’ex-président et de sa première épouse française. Ce scientifique sans activité politique est emprisonné depuis avril 2011. Peu après la parution du rapport, la justice française a désigné un magistrat pour faire la lumière sur le traitement qu’il subit depuis deux ans. Hélas pour le prévenu, son délit de patronyme est irréfutable.
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