Depuis qu’il a été propulsé à la tête de la Côte d’Ivoire dans des conditions que nul n’ignore, Ouattara met tout en œuvre pour faire sortir le président Gbagbo de la mémoire des Ivoiriens. Un pari manifestement irréalisable.
Alassane Dramane Ouattara était, lundi dernier, à Gagnoa où il a procédé à l’inauguration de l’hôpital général, fruit de la coopération sino-ivoirienne. Tous ceux qui ont assisté à cette cérémonie ont dû remarquer qu’aucun des intervenants, y compris Ouattara lui-même, n’a prononcé le nom du président Laurent Gbagbo. Et pourtant, c’est bien lui Laurent Gbagbo qui a construit entièrement cet hôpital. La pose de la première pierre a été faite par le président Gbagbo le 4 avril 2009, et les travaux ont pris fin en juin 2010. C’est-à-dire que la construction de cet hôpital s’est achevée avant l’avènement de la crise postélectorale et donc de Ouattara au pouvoir. Malgré tout, le nom du président Gbagbo a été royalement ignoré devant la même population de Gagnoa qui a été témoin de la cérémonie de la pose de la première pierre. Même la plaquette qui faisait l’historique de la construction de l’hôpital ne mentionnait pas le nom du président Gbagbo. Ceux qui l’ont confectionnée ont juste marqué : « 04 avril 2009 pose de la première pierre », sans rien ajouter, là où, en ce qui concerne l’inauguration de cet hôpital, il est marqué : « 04 mars : Inauguration par Son excellence Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire ». Ignorer, à Gagnoa, le président Gbagbo et mépriser les travaux qu’il a faits pour ce pays pendant 10 ans est assurément pour Ouattara un exploit et la meilleure façon de « semer l’unité chez ses parents», comme l’insinuent les journaux qui lui sont proches du président du Rdr.
En ignorant le président Gbagbo devant ses propres parents, Ouattara est resté conforme à sa logique. Dès son installation à la tête du pays, le premier acte qu’il a posé est la signature d’un décret déclarant illégal le dernier gouvernement du président Gbagbo. Conséquence, il a fait annuler tous les actes administratifs posés par le gouvernement Aké NGbo. Il a notamment annulé toutes les nominations effectuées sous ce gouvernement et fait renvoyer la plupart des fonctionnaires et agents de l’Etat qui ont travaillé avec ce gouvernement dont plus de 1600 agents à la présidence de la République. Mais cela n’a pas suffi à Ouattara. Il est allé bien au-delà pour s’en prendre à tout ce qui a été fait avant la crise postélectorale. C’est ainsi que des jeunes qui ont réussi à des concours en 2009-2010 et qui étaient déjà en formation, notamment à la police, à la gendarmerie et aux Eaux et Forêts, ont été tous remplacés par des supplétifs Frci qui ont fait la guerre pour Ouattara. Ça aussi, c’est une façon efficace, pour Ouattara, de prôner la cohésion nationale.
Mais ce n’est pas tout ! Il y a autre chose qui choque la conscience humaine. C’est l’irréaliste et irréalisable tentative de vouloir effacer de la mémoire des Ivoiriens les 10 ans de gouvernance du président Gbagbo.
Le jour de l’investiture de Ouattara à Yamoussoukro, il n’y avait que les posters de trois chefs d’Etat : celui du président Houphouet, celui du président Bédié et celui de Ouattara lui-même. Dans l’entendement de Ouattara, entre le 24 décembre 1999, jour du coup d’Etat qui avait renversé Bédié et le 11 avril 2011, jour de son installation à la tête de la Côte d’ivoire, ce pays n’a pas été gouverné. Peut-être même que, pour lui, la Côte d’Ivoire n’a pas existé dans ce laps de temps.
Plus grave, pendant la cérémonie d’installation de la Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr) du Premier ministre Banny, seules les images d’Houphouet, de Bédié, de Guéi et Ouattara étaient visibles dans la salle. Le président Gbagbo avait été royalement ignoré. Considéré certainement comme mort par Ouattara et les siens, Gbagbo n’est plus, pour eux, concerné par la réconciliation nationale.
En réalité, pour Ouattara, le président Gbagbo ne fait pas partie des anciens chefs d’Etat de la Côte d’Ivoire. Cette volonté manifeste de vouloir effacer le président Gbagbo de la mémoire collective des Ivoiriens est un pari impossible pour Ouattara. Pour au moins deux raisons. La première est qu’il y a une histoire entre les Ivoiriens et le président Gbagbo. Ce dernier est le plus célèbre des opposants au président Houphouet qui était redouté de tous. C’est le père du multipartisme. Gbagbo est, de ce fait, celui qui a libéré les Ivoiriens des griffes du parti unique avec ce que cela comporte comme privation des libertés. En Côte d’Ivoire, on dit de Laurent Gbagbo qu’il a libéré la parole. Et, pour cela, les Ivoiriens sont attachés à lui. En plus, pendant la guerre, il a montré qu’il est attaché à ce pays et au peuple ivoirien. Gbagbo a montré qu’il peut donner sa vie pour le pays et pour les Ivoiriens. Et, pour le savoir, il suffit de se souvenir que la Côte d’Ivoire a été attaquée dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002 par les rebelles de Ouattara alors que le président Gbagbo était en visite officielle en Italie, chez le Saint père. Et, malgré le fait que les armes crépitaient, il est rentré pour faire front avec le peuple, alors que le président français d’alors, Jacques Chirac, lui proposait un exil doré. Cela a renforcé les liens et la complicité entre Gbagbo et le peuple de Côte d’Ivoire.
La deuxième raison est le fait de Ouattara lui-même. En déportant le président Gbagbo à la Cour pénale internationale (Cpi) pour des crimes qu’il n’a pas commis, il a fait de Gbagbo un héros mondial à l’image de Nelson Mandela. A preuve, toute cette mobilisation de la diaspora africaine autour du plus célèbre prisonnier politique de la Cpi. En plus tous ceux qui ont suivi l’audience de confirmation des charges à lui attribuées arbitrairement ont été témoins de la grandeur du président Gbagbo.
Boga Sivori bogasivo@yahoo.fr
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