NAIROBI (© 2013 AFP) – Uhuru Kenyatta, inculpé de crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI), a été officiellement proclamé samedi élu président du Kenya dès le premier tour, une victoire contestée par son rival Raila Odinga dans un climat de tension.
Dès le milieu de la nuit, des groupes de partisans de M. Kenyatta, 51 ans, ont célébré sa victoire, sans incident, contrastant avec l’abattement des électeurs de M. Odinga.
Fils de Jomo Kenyatta, premier président du Kenya (1964-1978), Uhuru Kenyatta devient, près de 50 ans après l’accession au pouvoir de son père, le quatrième chef de l’Etat kényan depuis l’indépendance.
Soupçonné d’avoir joué un rôle dans l’organisation des violences consécutives au précédent scrutin, fin 2007, il est aussi le premier inculpé de la CPI à devenir chef de l’Etat, créant une situation politique et juridique inédite.
M. Kenyatta, vice-Premier ministre, a recueilli 6.173.433 des 12.330.028 bulletins, selon le résultat final proclamé par le président de la Commission électorale (IEBC), Ahmed Issack Hassan.
« Uhuru Kenyatta a obtenu (…) 50,07% (des bulletins) des votants. Je déclare donc Uhuru Kenyatta, président dûment élu de la République du Kenya »‘, a déclaré Ahmed Issack Hassan, dans l’auditorium bondé du centre électoral de l’IEBC à Nairobi, en présence de nombreux diplomates.
M. Kenyatta ne franchit que d’environ 8.400 voix la barre des 50% des votants, requise pour l’emporter au premier tour de ce scrutin, marqué par une participation record de 85,9%.
Crédité de quelque 800.000 voix de moins que son adversaire (43,31% des votants), le Premier ministre Raila Odinga « ne reconnaîtra pas le résultat de cette élection, il contestera les résultats devant la Cour suprême », avait affirmé avant la proclamation officielle un de ses plus proches conseillers, Salim Lone, évoquant un scrutin « faussé ».
Celui qui, à 68 ans, enregistre sa troisième et probable ultime défaite présidentielle « appelle néanmoins tous (ses) partisans à rester calme », a ajouté M. Lone.
Dans l’auditorium de l’IEBC, les partisans de M. Kenyatta ont célébré par des pas de danse leur victoire, tandis que ceux de M. Odinga quittaient la salle rapidement.
Le pays attendait désormais que MM. Kenyatta et Odinga, silencieux depuis le jour du scrutin, s’expriment.
Fin 2007, la défaite de M. Odinga avait plongé le pays dans plusieurs semaines de violences sans précédent depuis l’indépendance en 1963, qui avaient fait plus de 1.000 morts et plus de 600.000 déplacés.
Le président sortant Mwai Kibaki — qui, à 81 ans, ne se représentait pas cette année — avait été proclamé vainqueur de justesse, à l’issue d’un dépouillement opaque et entaché de forts soupçons de manipulation.
Uhuru Kenyatta était alors un soutien clé de M. Kibaki, issu comme lui de la communauté kikuyu, la plus importante numériquement – 17% des 41 millions d’habitants -.
« Sans Raila, pas de paix »
Une foule nombreuse a envahi les rues de Naivasha, Nakuru et Eldoret, dans la Vallée du Rift qui a voté en masse pour M. Kenyatta.
Des petits groupes en tee-shirts rouges – couleur de Jubilee, la coalition victorieuse – sillonnaient Nairobi aux cris de « Uhuru, Uhuru, Uhuru ».
Kisumu (ouest), fief de M. Odinga, oscillait entre abattement et colère froide. Des jeunes ont brièvement affronté la police à coups de pierre peu après l’annonce officielle des résultats.
« Il faut qu’on reste calme, mais à ce que je vois, certains ne le resteront pas », s’inquiètait Alphonse Omodi, vigile de 30 ans, qui se dit « en état de choc ».
« Sans Raila, pas de paix! », avaient scandé en fin de matinée près du bidonville de Kondele, des centaines de jeunes, conspuant la police, alors que des responsables religieux appelaient au calme.
« On ne peut pas reprendre 10 ans » de pouvoir kikuyu, s’insurgeait David Onyango, Luo comme M. Odinga (11% de la population).
A Kibera, tentaculaire bidonville de Nairobi acquis à M. Odinga, John Odhiambo, chauffeur luo de 29 ans, espérait encore que M. Odinga allait « reconnaître sa défaite, afin que nous construisions un Kenya paisible ».
Le procès de M. Kenyatta devant la CPI doit s’ouvrir le 9 juillet à La Haye et pourrait durer au moins deux ans. « Les élections ne changent pas la donne en ce qui concerne la CPI car il n’existe pas d’immunité devant la Cour », a réagi samedi le porte-parole du tribunal Fadi el-Abdallah.
La CPI a déjà inculpé le président soudanais Omar el-Béchir en 2009, mais celui-ci était alors au pouvoir depuis vingt ans.
M. Kenyatta a assuré qu’il assisterait, même élu, à son procès. Son colistier M. Ruto, désormais vice président, doit pour sa part comparaître le 28 mai devant la CPI, également à propos des violences de 2007-2008.
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