Par Alain CAPPEAU, conseiller spécial du Président Laurent Gbagbo.
« L’homme le plus honnête, le plus respecté, peut être victime de la justice. Quelle fatalité pourrait vous faire passer pour un malhonnête homme, voire un criminel ? Cette fatalité existe, elle porte un nom : l’erreur judiciaire » Maître René Floriot.
La justice s’est formée au fil des siècles par acquisitions et conquêtes sans que la sagesse ni l’équité n’aient pu altérer en aucune façon ses dérives parce qu’il y avait des juges avant qu’il y eût des lois. La justice s’est donc formée sur fond d’opérations guerrières si bien qu’aujourd’hui, dans une formulation contemporaine, empreinte de démagogie et d’obséquiosité elle ne peut s’exonérer de ses codes barbares primitifs. Elle s’est érigée en tribunal des consciences qui tire ses subsides de réseaux d’influences qui sont avant tout les antichambres des chancelleries de par le monde et leur doit donc allégeance. Le décor est planté.
Pour ce qui est de la justice pénale internationale qui vient de boucler son show à La Haye le 28 février 2013 en baissant le rideau sur l’audience de confirmation ou d’infirmation totale ou partielle des charges à l’encontre du Président Laurent Gbagbo, elle va devoir s’obliger à l’impossible qui sera de ne pas apparaitre comme une cour de convenance aux yeux d’une opinion publique de moins en moins crédule quant à l’inculpation stricto sensu, politique du Président Laurent Gbagbo.
Si dans un procès pénal l’erreur judiciaire est comme une aiguille dans une botte de foin, c’est dire l’extrême difficulté de la mettre en évidence!
Elle est comme la fève dans le gâteau des rois, on sait qu’elle y a été mise, parce qu’elle répond à un rituel festif et on sait par qui. Le jeu consiste à ne pas trouver cette aiguille, car dans le cas contraire elle servirait à inoculer un sérum de vérité à celui qui l’a cachée dans cette botte de foin. On peut dire qu’au terme de cette audience la CPI se trouve en gésine de vérité, alors attendons. On voit bien là que le challenge est risqué, car si cette aiguille était trouvée c’est la ziggourat Hollandaise, qui s’écoulerait de toute sa hauteur et qui disparaitrait dans les profondeurs des anciens polders Néerlandais !
Sans lui faire réellement un procès d’intention, on peut affirmer qu’à la CPI, le bureau du procureur est dans un déni de réalité en s’imposant à n’avoir qu’une vision parcellaire des faits, en acceptant de ne travailler que selon un droit escamoté, son droit, un droit de complaisance. D’un autre côté c’est difficile de lui reprocher cette mono vision judiciaire car c’est l’essence même de son existence, c’est avec ce mode de fonctionnement qu’il vit et qu’il nourrit sa famille. La cour devra donc statuer en fonction de charges balisées d’une manière spatio-temporelle, qui lui ont été amenées par ce bureau du procureur, en dehors de tout contexte factuel et historique de la Côte d’Ivoire et à l’évidence, on a bien compris ce n’était pas le contexte qui était mis en accusation.
En effet, c’est Laurent Gbagbo et malheureusement lui seul qui est accusé de crimes contre l’humanité, d’en être l’auteur ou le co-auteur, mais qu’elle importance d’être auteur ou co-auteur, un crime contre l’humanité reste un crime contre l’humanité.
Ces faits ont été pendant des années et suivant un mode incantatoire bien huilé, rabâchés et gravés à dessin dans l’inconscient collectif, jusqu’à ce qu’ils soient transcendés et acceptés comme abominable vérité. Ils ont été relayés jusque vers les endroits les plus reculés de la planète aux travers de moyens les plus rudimentaires et primitifs comme des signaux de fumée ou encore des échos de djembé, par de faibles journaleux qui ont toujours voulu rendre la justice avant la justice, en étant en quête de pitance faute de reconnaissance.
Les hommes du coup d’Etat de 2002, ceux qui ont armé et formé les rebelles pendant 8 années, puis ceux qui ont fomenté le coup d’Etat électoral de novembre 2010 contre le Président Gbagbo sont connus, identifiés et fichés. Ils ont forgé de toutes pièces une réalité pour diaboliser le Président Gbagbo, et en conséquence légitimer une posture belliqueuse de sanguinaire à laquelle on l’identifie, suivant une figure de rhétorique bien connue ; l’antonomase.
Alors comment faire pour que la cour acquise bien malgré elle à cette dramaturgie ne souffre pas trop de la contradiction et ne soit pas fâchée que la défense ne prête pas son consentement aux allégations qui ont fusé en rafales du côté de l’hirsute substitut d’une procureure figurante !
Cette situation qui relève maintenant de la psychologie sociale repose sur les capacités affectives, cognitives et conatives qu’auront ou que n’auront pas les juges de la cour, pour déstructurer les préjugés qui doivent les submerger et désobéir aux codes poussiéreux de leur séculaire profession. Vont-ils faire preuve de noblesse intellectuelle et libérer, au-delà d’un homme, un pays et un continent ou s’arcbouter sur leur principe qui est, de ne regarder leur saisine que par le petit bout de leur lorgnette !
L’obstination à ne suivre qu’une théorie s’expliquera sans doute, mais elle ne pourra prospérer après les démonstrations de droit à décharge en coupes réglées de l’équipe de défense du Président Gbagbo. Cette obstination devra combattre une intime conviction, bridée par un cadre et un code de procédures dépassées et par les pressions et autre manœuvres dilatoires auxquelles il faudra bien s’attendre. L’intime conviction est cependant, le fondement de l’acte de juger. Elle doit prendre en compte à la fois l’acte par lui-même et le présumé coupable, dans leur réalité et leur subjectivité intime.
Peu importe que la cour ne dise pas que Laurent Gbagbo n’est pas coupable de ce dont on l’accuse, l’essentiel c’est qu’elle dise que sa culpabilité n’a pas été prouvée ! N’est-ce point là une piste de sortie élégante !
Si la cour délibère, d’une manière ou d’une autre en faveur du Président Gbagbo on dira que l’erreur est humaine et on passera l’éponge sur les 2 années de détentions qu’il vient de vivre, en revanche si cette cour s’enferre dans la logique de son droit lexical, alors on pourra affirmer que c’est l’humanité qui est une erreur ! Il faudra, de fait, revoir notre logiciel de défense, mais nous n’en sommes pas là ! Car même à la CPI les délibérés ne sont pas manichéens.
Il peut se trouver une formule intermédiaire qui dirait qu’il faille plus de temps pour comprendre, qu’il faille faire procéder par des docteurs de l’essentiel à des expertises morpho-psychologiques des acteurs du conflit , qu’il faille prononcer un non-lieu de circonstance, pour éviter un embrasement insurrectionnel plausible du sous-continent africain noir, ou encore qu’il faille se dessaisir du délibéré soit en le dépaysant soit en le récusant, ce qui serait une grande première qui ennoblirait cette juridiction déjà sur une pente douce.
Il est à souhaiter, que le droit et la vérité ne s’empiègent pas eux-mêmes à la cour pénale, au risque de provoquer, en son sein, un statut quo et repousser aux calendes grecques, le non-lieu libérateur tant attendu. Alors une grogne exacerbée, nourrie d’un profond sentiment d’injustice pourrait soulever les peuples et faire chavirer le navire CPI, ce qui entraînerait un tsunami dévastateur dans nombre de pays africains encore sous la férule de dictateurs pratiquant une omerta démocratique éhontée.
En tout état de cause un statu quo ou une confirmation des charges seraient perçus par l’opinion publique comme l’erreur judiciaire du siècle aux conséquences imprévisibles. C’est dit !
A l’évidence la communauté internationale d’aujourd’hui n’est plus celle de 2009/2010. Nombre d’hommes politiques de par le monde affichent sans vergogne leur aversion pour le régime en place en Côte d’Ivoire qui s’est installé dans le sang, la tricherie, la gabegie économique, le népotisme ethnique et les exécutions extra-judiciaires. La dernière sortie du Président de Guinée équatoriale Obiang nguema basogo, qui lui a fait dire ouvertement ce que d’autres reconnaissent encore que du bout des lèvres, en est une cuisante illustration.
L’heure n’est plus, en hauts lieux aux conciliabules malsains mais aux prises ce consciences et autres revirements psychologiques, pour que chacun conquière en lui-même et pour lui-même le courage, de rétablir la vérité dans cette infamie ivoirienne, de remettre les choses dans leur ordre et de dire et de faire comme l’on dit et l’on fait en d’autre temps et en d’autre lieux les De Klerk et Desmond Tutu, que le temps des armes était révolu, qu’il fallait absoudre l’apartheid et rendre à Mandela ce qui appartenait à Mandela. Aujourd’hui il est temps de rendre à Gbagbo ce qui appartient à Gbagbo, en commençant par sa dignité, une dignité qui dépend directement et uniquement de 3 personnes, Quelle gageure !
Il n’y a presque jamais ni condamnation juste, ni erreur judiciaire, mais une espèce d’harmonie entre l’idée fausse que se fait un juge d’un acte innocent et les faits coupables qu’il a ignorés, disait Proust. C’est pourquoi il faut toujours tout nuancer pour comprendre pourquoi nous ne comprenons pas les faits qui nous paraissent être évidents à comprendre et pourquoi les juges s’emploient à faire et dire les choses de manière à ce que nous ne les comprenions pas ! Nous sommes dans un ésotérisme qui flatte le côté vil de l’être humain, mais c’est ainsi.
« Que la justice des tribunaux commence et la justice du peuple cessera », ainsi se terminait la circulaire adressée le 18 août 1792 aux tribunaux français, par Danton alors nouveau ministre de la Justice. Espérons que cette adresse à la justice soit, dans le cas qui nous concerne, prémonitoire pour éviter qu’une mauvaise orientation d’un délibéré ne mette le feu aux poudres, non pas dans une Côte d’Ivoire déjà sous perfusion, mais en Afrique ! Alea jacta est !
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