France, les positions changeantes de Sarkozy sur l’intervention au Mali

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Le Monde.fr

Par Samuel Laurent et Jonathan Parienté

« Que fait-on là-bas ? Sinon soutenir des putschistes et tenter de contrôler un territoire trois fois grand comme la France avec 4 000 hommes ? La règle, c’est qu’on ne va jamais dans un pays qui n’a pas de gouvernement. » La charge est signée Nicolas Sarkozy ; elle est rapportée par l’hebdomadaire Valeurs actuelles. Elle est d’autant plus sévère qu’elle vient rompre une tradition républicaine, qui veut qu’on ne critique pas son successeur à la tête de l’Etat, surtout sur les questions internationales.

Cette position sur la guerre au Mali apparaît comme extrêmement difficile à tenir. Le propos, malvenu alors qu’un quatrième soldat français vient de mourir en opération, a suscité de nombreuses critiques quant au manque de réserve de l’ex-chef de l’Etat. Et ce, y compris dans le propre camp de M. Sarkozy, comme le relevait le Journal du dimanche.

Mais au-delà de l’aspect purement politique, les propos même de Nicolas Sarkozy sont en contradiction avec ceux qu’ils pouvait tenir lorsqu’il était encore président de la République et donc, à ce titre, chef des armées. Les troubles au Mali ont commencé alors que Nicolas Sarkozy était toujours à l’Elysée ; il a donc eu l’occasion de s’exprimer sur le sujet en tant que chef de l’Etat. « Il faut tout faire pour éviter la constitution d’un Etat terroriste ou islamique au cœur du Sahel », reconnaissait ainsi le président Sarkozy le 14 avril 2012, estimant nécessaire de « travailler avec les Touaregs », qui peuplent le nord du pays et ont constitué un Etat rebelle, ensuite infiltré par les islamistes d’Al-Qaida au Maghreb islamique.
« ENTRAVER L’ÉTABLISSEMENT D’UN ÉTAT NARCOTERRORISTE »

S’il se disait opposé à une intervention directe de la France, estimant que les Etats africains devaient être capables de régler la situation, il ajoutait : « La France est prête à aider mais elle ne peut pas être leader pour un certain nombre de raisons qui appartiennent d’ailleurs à l’histoire coloniale de la France à cet endroit du monde. » Même chose lors du débat d’entre-deux-tours : « La France est l’ancien pays colonial, donc la France ne peut pas intervenir directement. La France ne peut intervenir qu’en soutien avec ces pays. Mais il faut pousser ces pays – Algérie, Niger, Mali, Mauritanie, Sénégal – à travailler ensemble, et que la France et d’autres pays les aident matériellement et techniquement », disait alors M. Sarkozy.

Des positions qui ne sont pas sans rappeler celle du président Hollande. « La France n’interviendra pas au Mali, elle ne peut pas intervenir à la place des Africains », martelait le chef de l’Etat, alors que se profilait, à long terme, l’envoi de troupes africaines sur le sol malien. Mais en janvier, la probable avancée des islamistes vers le Sud et la capitale Bamako a contraint l’actuel chef de l’Etat à changer d’avis. Une position qui a été saluée par l’opposition. Jean-François Copé, pour ne citer que lui, soutenait l’intervention au nom de l’urgence qu’il y avait à « entraver l’établissement d’un Etat narcoterroriste ».

Drogue, fanatisme, terrorisme : la situation au Sahel est complexe et les enjeux dépassent largement les frontières des Etats. Il existe d’ailleurs une concomitance, si ce n’est un lien de causalité, avec la fin du régime de Kadhafi, en Libye. En effet, de nombreux rebelles touareg de la région de l’Azawad ont fui la Libye pendant la guerre qui opposait le « guide » libyen aux rebelles, aidés par l’opération militaire de l’OTAN. Une opération dont Nicolas Sarkozy a revendiqué la paternité, alors même que l’Etat libyen, miné par la guerre civile, n’avait plus réellement de gouvernement.

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