Après la plainte de Michel Gbagbo à Paris: Forte pression sur Ouattara

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L’Infodrome

Le président de l’Assemblée nationale n’a pas personnellement réagi à la plainte de Michel Gbagbo. Ici, Guillaume Soro, en compagnie du président Alassane Ouattara.

L’affaire de la « plainte de Michel Gbagbo » contre Guillaume Soro et 10 com-zones n’est pas spécialement bien tombée. Le chef du parlement a, cette semaine, un calendrier plutôt chargé et le débat autour des actions judiciaires qui le visent, a le chic d’empoisonner ses déplacements.

Hier, Guillaume Soro prenait part à l’ouverture de la 1ère session ordinaire de l’Assemblée nationale du Faso ; de vendredi à dimanche, le n°2 ivoirien, séjournera, à l’Est du pays, dans l’Indenié où il sera reçu par le roi Nanan Boa Kouassi III. C’est un de ces enchaînements auquel Soro est habitué : il a parcouru, ces derniers mois, un nombre incalculable de capitales occidentales ainsi qu’africaines.

Cette fois-ci, les choses se présentent un peu différemment : en même temps qu’il se plie à ses rendez-vous de chef de parlement, il doit préparer la contre-attaque face à une jeune avocate bien présente dans les médias, se réjouissant d’une « victoire » arrachée par son client. Michel Gbagbo, fils de l’ancien chef d’Etat, en détention à Bouna, accuse l’ex-leader estudiantin et dix chefs militaires d’être responsables de « graves sévices » qu’il aurait subis, pendant son arrestation, en pleine crise-post-électorale, en 2011.

Dans le communiqué qu’elle a distillé, lundi 4 mars 2013, dans la presse, Me Habiba Touré, conseil de Michel Gbagbo, apprend, avec satisfaction, que la justice française a désigné un juge d’instruction pour « faire la lumière sur les graves sévices » dont son client a été victime. Soro n’a pas personnellement réagi au texte de Me Habiba Touré, instiguant son collectif d’avocats, qui, dans un communiqué, s’érige contre un « pamphlet politique ».

Guillaume Soro, s’il ne se met pas en première ligne, a sa raison, d’après un député à l’Assemblée nationale, qui garde une bonne connaissance de l’homme : « il ne souhaite pas donner au communiqué de l’avocate plus de résonnance qu’il n’en contient. Je puis vous dire qu’il est serein ». Serein ? Pas au point de ne pas riposter au coup médiatique. Et ce n’est pas un hasard si un groupe qui lui est proche amené par Camara Metan Moussa, président de la « génération Guillaume Soro », a réagi, aussitôt, dans la presse : « il s’agit ni plus, ni moins que d’une conspiration politique à d’autres visées qui ne saurait prendre forme ».

Le président de mouvement assure la défense de son champion : « A cette époque, alors Premier ministre et ministre de la Défense, il a conduit une offensive militaire en accord avec le grand commandement des forces républicaines, en vue de libérer tous les symboles de l’Etat illégalement occupés par l’ex-régime ». Guillaume Soro aurait agi, en tant qu’ « autorité légitime », d’un gouvernement reconnu par la communauté internationale, apprécie Camara Metan Moussa.

Côté cabinet politique de Guillaume Soro, on se veut circonspect. Touré Moussa, conseiller en communication du chef du parlement, n’a pas exclu une réaction lorsque, quarante huit heures plus tôt, nous l’avons joint au téléphone. Il était censé réagir à la sortie (lire l’entretien) de Me Habiba Touré. Il a indiqué, mardi soir, qu’il était entré en contact avec Me Benoît, l’avocat principal du collectif. Ensemble, ils devaient étudier « les meilleures formulations » de manière à éviter « une querelle de chiffonniers » autour de la question et proposer pour une réaction appropriée pour mercredi (5 mars 2013). Hier soir, aucune réaction ne nous était parvenue.

Une interpellation au sommet

Certains observateurs apprécient, volontiers, l’affaire de la « plainte de Michel Gbagbo » comme une interpellation à l’endroit du chef de l’Etat Alassane Ouattara. Le timing ne serait pas fortuit : si la justice française a désigné, ce début de mois de mars, un juge d’instruction pour enquêter sur des faits en rapport avec la crise post-électorale, ce serait pour rappeler au président ivoirien, la forte attente de la communauté internationale à son égard.

Le régime est accusé, à coups de déclarations et de rapports d’Organisations de défense des droits de l’Homme, de favoriser, en Côte d’Ivoire, une « justice des vainqueurs ». Sur le plan intérieur, les partisans de l’ancien chef d’Etat sont, jusqu’ici, les seuls à répondre de crimes post-électoraux. Sur le plan de la justice internationale, Laurent Gbagbo et son épouse, sont officiellement les seuls contre qui la Cour pénale internationale (Cpi) a lancé un mandat d’arrêt.

Le fait que les autorités tardent à donner une réponse au cas « Simone Gbagbo » réclamée par la Cpi, alimente, furtivement, l’idée qu’Abidjan ne souhaite plus de transfèrement à la Haye pour juste protéger des proches d’Alassane Ouattara.

La pression est d’autant plus forte sur le sommet ivoirien que, depuis août 2012, où les résultats de la Commission nationale d’enquête sur la crise post-électorale ont été rendus, pas une seule personnalité connue proche du chef de l’Etat n’a fait l’objet d’une action judiciaire. Le rapport de la Commission met, pourtant, en cause des éléments des forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci).

La Commission avait répertorié quelque 1.354 cas de tortures, 154 cas de viols, 265 disparitions, 460 séquestrations, 8.441 cas de violations de l’intégrité physique et plus de 2.400 cas d’exécutions sommaires. Ces violations, selon le rapport, étaient autant le fait des « forces pro-Gbagbo » que des « Frci » et divers autres auteurs dont des chasseurs traditionnels, communément appelés « Dozos ».

En désignant un juge pour enquêter sur les « graves sévices » dont le fils de l’ex-président aurait été victime, de nombreux analystes entrevoient un message clair à Alassane Ouattara : s’activer pour que d’éventuelles personnalités civiles ou militaires qui lui sont réputées proches et qui seraient impliquées dans les crimes post-électoraux, répondent devant la justice.

Kisselminan COULIBALY

……….

Justice: Me Habiba Touré (Avocate de Michel Gbagbo) : « Que Soro et les com-zones rendent compte »

L’avocate de Michel Gbagbo a répondu, depuis la France, aux questions de Soir Info, suite au communiqué qu’elle a publié, dans l’affaire de la plainte contre Guillaume Soro et des com-zones.

La justice française vient de désigner un juge d’instruction afin de faire la lumière sur de graves sévices dont Michel Gbagbo aurait été victime. Vous parlez, dans votre communiqué, d’une victoire. Pourquoi ?

C’est, pour nous, une victoire parce que la justice française via le juge d’instruction, pourra faire la lumière, en toute indépendance, sur ce dossier.

Les avocats de M. Soro ont dénoncé un « pamphlet politique ». Vous vous seriez, par ailleurs, affranchie du secret de l’instruction. Que répondez-vous ?

Premièrement, je n’ai aucune leçon de droit à recevoir de ce collectif d’avocats qui ne daignent même pas signer un communiqué par leurs noms. Deuxièmement, s’ils estiment qu’il y a eu violation du secret d’instruction, il revient à la justice française de se prononcer sur ce point. Troisièmement, ce que j’aimerais dire sur ce point, c’est que manifestement, ils ont encore des leçons de droit à recevoir. Ils devront retourner à l’Université, pour savoir ce que constitue une violation du secret de l’instruction.

La dernière fois, la justice française n’avait pas donné de suite à la plainte de votre client. Qu’est-ce qui a changé entre-temps ?

Ce qui a changé, c’est que la première plainte était une plainte simple. Ici, il s’agit d’une plainte avec constitution de partie civile remise entre les mains du doyen des juges d’instruction. Donc, ça n’a rien à voir. La plainte simple se trouve entre les mains du procureur. La plainte avec constitution de partie civile est entre les mains du doyen des juges. Donc, ce n’est pas la même autorité à qui cette plainte a été remise. Le procureur n’a pas jugé utile de mener une enquête pour des raisons de coutume internationale. Le doyen des juges d’instruction n’a pas eu la même lecture.

Pour vous, aujourd’hui, il est manifestement question que Guillaume Soro et un certain nombre de com-zones soient poursuivis…

Bien évidemment. Qu’ils soient poursuivis et qu’ils rendent compte du fait que l’on dénonce, devant une justice impartiale, équitable et indépendante

Etes-vous entré en contact récemment avec votre client ?

Michel Gbagbo est injoignable. Les conditions de sa détention au Nord-est de la Côte d’Ivoire rendent très difficile aux avocats, le transport jusqu’à Bouna. Donc, malheureusement, il ne nous a pas été possible de le voir.

Réalisé au téléphone par Kisselminan COULIBALY

source Soir info

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