Reportage / Afféry, retour à la vie quatre jours après les émeutes
Malgré l’appel au calme du ministre Patrick Achi, Afféry, retour à la vie quatre jours après les émeutes
Il était un peu plus de 13 heures lorsque nous foulions le sol d’Afféry, le mardi 19 février 2013. Au cimetière situé à l’entrée de la ville, des autochtones Attié procédaient à l’inhumation d’un des leurs qui n’avait pu se faire compte tenu des tensions du dimanche 17 février 2013.
Afféry, localité située dans la région de la Mé, a connu des troubles avec mort d’homme le dimanche 17 février dernier suite à une altercation entre un élément des FRCI et les populations autochtones qui a entrainé la mort de deux personnes, le jeune Hohoueu Thierry, décédé sur le champ après avoir reçu une balle perdue et Traoré Ilias, qui a succombé de ses blessures après avoir été évacué à Abidjan, le lendemain lundi. «Nous avions peur que les jeunes Attié s’attaquent aux Dioula, mais ils nous ont dit qu’ils ont affaire aux FRCI. Tout était rentré dans l’ordre le lundi 18 février, mais plus tard que nous avons appris qu’un kiosque à café avait été incendié par des jeunes Attié. Nous nous sommes rendus sur les lieux pour constater cela et j’ai appelé le ministre Patrick Achi pour lui demander de venir rapidement pour éviter que la situation ne dégénère. Il est effectivement venu, il a parlé aux jeunes et s’est engagé à prendre en charge tous les dégâts matériels qui ont été causés par cette nouvelle crise», a expliqué Barro Abdoulaye, le président des jeunes de Dioulakro. L’incendie de ce kiosque appartenant à Compaoré Issiaka n’est pas du fait des Attié, selon le président central des jeunes. «C’est dans la débandade que celui qui travaillait dans le kiosque a oublié d’éteindre la bouteille de gaz, alors qu’il avait fini de préparer un plat de spaghetti», a-t-il indiqué. Pourquoi, en l’espace de trois mois, la ville d’Afféry est-elle encore secouée par des violences, alors que le ministre auprès du Président de la République chargé de la Défense s’y était rendu au lendemain des fêtes de fin d’année pour apaiser la situation ? Selon le président central des jeunes d’Afféry, Adou Boni Bertrand, ce regain de tension est à mettre au compte des éléments FRCI présents à Afféry. «J’ai été alerté le dimanche vers 14 heures, par un coup de fil qui disait qu’un élément des FRCI passait de boutique en boutique, d’Ambékoi (quartier majoritairement peuplé d’autochtones Attié) à Dioulakro, pour racketter des commerçants», raconte Adou Boni Bertrand. Au niveau d’Ambékoi, l’élément des FRCI a contraint, sous la menace de son arme, Alepo Ambeu Ambroise, propriétaire d’une boutique dans le quartier, à se coucher à même le sol, en cet après-midi très ensoleillé. «Il a failli me tuer cadeau», a dit Alépo Ambroise toujours sous le choc. Certains jeunes Attié témoins des agissements du soldat se sont opposés à cette façon de faire, puisque l’élément des FRCI demandait 2000 FCFA à chaque commerçant. Face à l’hostilité dont il faisait l’objet, l’élément des FRCI a tiré des coups de feu en l’air, mais c’était sans compter avec la détermination des jeunes Attié qui voulaient en découdre. «Ces jeunes ont réussi à arracher l’arme du soldat et elle a été remise au chef du quartier avant d’être récupérée par le commandant de brigade d’Akoupé». Cette version est contestée par un élément des FRCI basés au commissariat de la ville : «Il n’y a pas eu d’affrontements entre les populations, comme cela a été rapporté dans la presse. Selon ce qui nous a été rapporté par notre élément quand il est arrivé à la base dans un piteux état, c’est le député d’Afféry qui est à l’origine de cette situation, puisqu’un de ses gardes du corps a ouvert le feu avant que des jeunes Attié ne s’en prennent au soldat. Heureusement, il n’a pas été atteint et il a pu s’en tirer, avec l’aide d’un jeune de Dioulakro qui passait au niveau du marché». Il n’a pas eu le temps de terminer son récit, car son chef de poste est arrivé aussitôt pour lui intimer l’ordre de se taire. «Allez à Agboville, nous avons fait notre compte rendu à nos supérieurs. C’est à eux de vous répondre», a-t-il lâché. Joint à son tour, le député indépendant d’Afféry, Stanislas Didier Kindia a démenti les accusations portées contre lui. «Après le passage du ministre Paul Koffi Koffi, nous pensions que les choses iraient mieux. Ce qui vient de se passer est déplorable, mais je ne suis pas concerné par ces propos imaginaires de nos frères des FRCI parce qu’en tant que député de la nation, je ne peux pas donner l’ordre à mes parents d’attaquer les FRCI qui sont là pour nous protéger. A preuve, j’étais tout le temps à l’hôpital aux côtés du soldat blessé», s’est défendu le député.
Comment Patrick Achi a sauvé la situation
Empêché le dimanche de se rendre à Afféry à cause de la tension, le ministre des Infrastructures économiques est finalement arrivé dans la ville le lundi 18 février pour constater l’ampleur des dégâts. Cette promptitude du ministre Patrick Achi, cadre de la région, a été apprécié par la population qui, à notre passage, n’a pas manqué de le signifier. «Il faut dire merci au ministre Patrick Achi qui, en sa qualité de membre du gouvernement et de cadre de la région a décidé de prendre en charge les préjudices matériels. Il ne peut pas ramener à la vie ceux qui sont morts, mais au moins sa présence a soulagé les populations. Nous voulons vivre en paix ici à Afféry, c’est pourquoi nous souhaitons que le ministre Hamed Bakayoko et le président de la CDVR viennent ici», a indiqué le président des jeunes de Dioulakro. «Nous formerons une délégation pour aller lui dire merci. Il a échangé avec les jeunes, il nous a dit qu’il y a eu des morts, certes, mais il faut laisser le gouvernement faire son travail. Notre intention n’est pas de défier l’autorité de l’Etat, mais nous disons que trop c’est trop. Les FRCI sont venues pour nous protéger, mais voilà où cela nous conduit. Ils vont jusqu’à six (6) km de la ville pour ériger des barrages et exigent 20.000 FCFA, aux propriétaires de motos. Nous voulons que ces FRCI restent en caserne, que la police soit réhabilitée et que l’effectif de la gendarmerie soit renforcé», a précisé le président central des jeunes. Le calme est donc revenu à Afféry et c’est assurément la présence du ministre Patrick Achi qui a permis de «désamorcer» cette bombe sociale à Afféry.
Olivier Dion, envoyé spécial
L’Intelligent d’Abidjan
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