Laurent Gbagbo prêt à un « procès devant l’Histoire » à la CPI

Ouattara-Gbagbo

PARIS (Reuters) – Laurent Gbagbo est prêt et combatif avant sa comparution mardi prochain devant la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye pour une audience de confirmation des charges, quatre chefs de crimes contre l’humanité, rapportent ses proches.

L’ancien président ivoirien est notamment accusé de meurtres et de viols qui auraient été commis au cours des quatre mois de guerre civile qui ont conduit en 2011 à sa chute, causé la mort de 3.000 personnes et poussé un million d’Ivoiriens à fuir.

Mais Laurent Gbagbo considère qu’il n’existe aucune charge le visant directement dans le dossier de 58 pages de la procureure générale de la CPI Fatou Bensouda et que son éventuelle condamnation ne pourrait être que politique.

« Il m’a dit: ‘Nous irons jusqu’au bout, c’est un procès politique devant l’Histoire », déclare à Reuters Guy Labertit, ex-délégué Afrique du Parti socialiste français qui lui a rendu visite mercredi à la prison de Scheveningen, à la Haye.

« Il considère que tout ce qu’on lui reproche, c’est en tant que chef d’Etat et chef des armées et qu’il n’y a pas d’incrimination directe contre lui, même si l’accusation le présente aujourd’hui comme un acteur direct », ajoute cet ami de l’ancien président.

L’audience de confirmation des charges n’est qu’une étape, en amont du procès, au cours de laquelle l’accusation devra démontrer la solidité du dossier.

Même s’il est conscient qu’une telle bataille est difficile à gagner, Laurent Gbagbo racontait mercredi à son visiteur français qu’il envisageait d’écrire une réflexion ou une tribune sur les partis de gauche s’il était libéré.

GBAGBO A BIEN RÉCUPÉRÉ

Pour Toussaint Alain, son ancien porte-parole en Europe, la « déportation » de Laurent Gbagbo par la CPI « ne repose sur rien ».

« Son transfert à La Haye a été commandité par Paris pour la seule et unique raison que Gbagbo constituait une menace pour les intérêts français dans son ex-colonie », estime-t-il.

A son arrivée à La Haye, Laurent Gbagbo, 67 ans, était très affaibli après avoir été détenu pendant huit mois, sans jamais voir la lumière du jour, à Korhogo, dans le nord de la Côte d’Ivoire, raison pour laquelle l’audience de comparution des charges a été reportée à deux reprises.

Il a été finalement jugé apte à comparaître mais les audiences devront être aménagées.

Guy Labertit, qui a lui rendu visite à sept reprises depuis son transfert à La Haye, estime que Laurent Gbagbo, qui était l’ombre de lui-même, a bien récupéré. « Je ne l’ai retrouvé dans l’état que je connaissais qu’à partir de septembre dernier ».

Outre le militant PS, tout un cercle de fidèles rend régulièrement visite en prison à l’ex-chef d’Etat, des membres de sa famille mais aussi d’anciens militants de son parti ou collaborateurs, comme Albert Bourgi, professeur de droit international. Les rencontres ont lieu dans une petite salle du pénitencier, où tout est enregistré.

Laurent Gbagbo peut aussi compter sur son principal avocat devant la CPI, Emmanuel Altit, ancien défenseur des infirmières bulgares détenues par le régime de Mouammar Kadhafi en Libye, ainsi que sur toute une équipe de juristes.

Historien, cet ex-opposant à l’ancien président ivoirien Félix Houphouët-Boigny s’était rapproché du PS français lors de son exil à Paris dans les années 1980, avant de se présenter plusieurs fois à la présidentielle dans son pays et de l’emporter finalement en 2000.

UN ANCIEN SÉMINARISTE

Mais c’est aussi un ancien séminariste et sa foi est l’une des données de sa personnalité, disent ses proches. Il lit des ouvrages sur Jésus, des essais politiques, des magazines.

« Il est capable de lire des livres en latin. En prison, c’est surtout un homme qui lit énormément. Il a 200 livres et il ne peut plus en recevoir de nouveaux », raconte Guy Labertit.

Selon l’ancien « Monsieur Afrique » du PS, Laurent Gbagbo ne verse pas dans l’autocritique, car il reste persuadé d’avoir gagné la présidentielle de 2010, alors que tout le nord du pays était sous le contrôle de partisans de son rival Alassane Ouattara, déclaré vainqueur par la communauté internationale.

« Il pense que Ouattara a été imposé par l’extérieur, plutôt que par le peuple ivoirien. Un mois et demi avant sa chute, il m’a dit: ‘je ne vais pas me retirer, car je n’ai pas perdu’. Il a voulu aller jusqu’au bout ».

Pour Guy Labertit, Laurent Gbagbo a été « très frustré » que les gauches européennes « n’aient pas reconnu son engagement à gauche et ses résultats », comme la création d’une assurance maladie ou l’enseignement gratuit jusqu’à la fin du primaire.

« C’est un authentique homme de gauche, mais le drame c’est qu’on ne peut pas transposer la réalité européenne en Afrique ».

Toussaint Alain appelle pour sa part Alassane Ouattara à faire des gestes en faveur de la réconciliation nationale, afin de créer un environnement social apaisé.

« La libération de Simone Gbagbo (épouse de l’ex-président), Pascal Affi N’Guessan (ex-Premier ministre), Charles Blé Goudé (ex-chef des jeunes patriotes) et de tous nos autres amis peut véritablement consolider le dialogue politique et la coexistence entre les partis et relancer les investissements directs étrangers ou nationaux », dit-il.

Edité par Yves Clarisse

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