Dans une décision rendue ce jour, dont nous avons reçu copie (Anglais) la CPI rejette la demande de report introduite par la défense de Laurent Gbagbo, concernant les audiences de confirmation des charges, prévues pour durer du 19 février au 28 février 2013, de 14h30 à 18h30 [heure locale].
S.K.
Les 19 raisons pour lesquelles la juge Sylvia Fernandez Gurmendi a rejeté la requête
1.Le 14 décembre 2012, la Chambre a rendu la «Décision relative à la date de confirmation des charges et des procédures qui y mène »(le « Décision du 14 décembre 2012»), par laquelle la Chambre, entre autres, règle le début de l’audience de confirmation des charges pour le mardi, 19 février 2013.2
2. Le 8 février 2013, la Défense a déposé sa demande. Comme sa base juridique, la Défense fait généralement référence à l’importance du droit à un procès équitable, et présente plus spécifiquement que la protection des droits de la défense est l’essence de la confirmation des charges.
3. La Défense affirme que le Procureur lui a communiqué, entre 15 et 22 janvier 2013, environ un millier de documents, et de nouveau 26 articles le 6 Février 2013. Se référant à ses ressources limitées et le fait qu’il a effectué une mission en Côte d’Ivoire pour la période du 22 janvier 2013 et 4 février 2013, la Défense fait valoir qu’il est impossible d’analyser les communiqués matériels à temps pour l’audience de confirmation des charges.
4. La Défense soutient que la plupart des éléments de preuve en question auraient dû être communiqués comme ils l’ont été en possession du Procureur pendant plusieurs mois. La Défense soutient que le Procureur a violé son devoir de loyauté, et tente de «noyer» la défense et l’empêche de réagir, de manière à la mettre dans une position inférieure lors confirmation des charges. En outre, la Défense fait valoir que la divulgation en question a eu lieu en violation de la décision «d’établir un système de communication et un calendrier pour la divulgation »(la« Décision relative à Divulgation « )
5. Sur cette base, la Défense demande à la Chambre de déterminer que maintenant la confirmation des charges du 19 Février 2013 pourrait entraîner une violation du droit de M. Gbagbo à un procès équitable, et de reporter l’audience à une nouvelle date au plus tôt de 25 mars 2013.
6. Le 12 Février 2013, le Procureur a déposé la réponse du Procureur à «Requête de la Défense en Rapport de l’audience de confirmation des charges prévue Le 19 février 2013 »(la« Réponse du Procureur »), s’opposant à la Demande.
7. Le Procureur fait valoir que la preuve a été soumise à la limite du 17 Janvier 2013. En effet, le Procureur dit qu’elle a l’obligation permanente de divulguer des preuves potentiellement à décharge ou l’information qui est importante pour la préparation de la défense, aussi longtemps que les enquêtes se poursuivent et les preuves n’entrent dans aucune de ces catégories.
8. Le Procureur explique qu’elle les a divulguées dans le délai appelé par la Défense: Documents le 15 Janvier 2013, 54 incriminantes, qui comprenaient 35 – e-mails entre un et trois pages; les 15 et 17 janvier et 6 février 2013, un total de 34 documents potentiellement à décharge en vertu de l’article 67 (2) du Statut de Rome («Statut»), et le 17 janvier 2013, 885points en tant que matériaux pour la préparation de la Défense en vertu de l’article 77 du Règlement, qui comprenait 439 courriels et 443 pièces jointes.
9. Le Procureur dit qu’elle n’a pas délibérément retardé la divulgation des e-mails en vue de contrecarrer ou de nuire à la défense. Elle fait valoir que les e-mails divulgués le 17 janvier 2013 étaient parmi les milliers de produits d’appareils électroniques, qui devaient être traités par une société externe avant de pouvoir être recherché et le contenu potentiellement pertinent identifiés. Par la suite, comme l’indique le Procureur, les e-mails avec un contenu potentiellement pertinents ont été examinés individuellement pour identifier ceux qui étaient communicables. Ceci, dans la présentation du Procureur afin d’éviter de «noyer» la défense. le Procureur « A utilisé le temps de chercher cette écrasante majorité du matériel et des mauvaises herbes sur les éléments non pertinents ».
10. Enfin, le Procureur souligne que, conformément à la décision sur la divulgation, elle: (I) a fourni un résumé succinct du contenu de chaque document divulgué, (II) a donné une explication de la pertinence du document pour la préparation de la Défense, et (III) a souligné la (les) pertinente(s) partie (s) qu’elle croyait nécessaires à la préparation de la défense. Ainsi, le Procureur soutient que la Défense peut rapidement déterminer quels documents peuvent être pertinents pour sa préparation. Le Procureur note que la Défense a ajouté à sa liste des éléments 36 éléments à partir du 17 Janvier 2013 divulgation en vertu de l’article 77 du Statut, et ne s’oppose pas à ce que la Défense invoque à l’audience portant sur d’autres documents provenant de cette divulgation.
11. Le 13 Février 2013, le Bureau du conseil public pour les victimes ( «BCPV»), agissant en tant que représentant légal commun des victimes admises à participer à l’audience de confirmation des charges et dans le connexe de procédure, a présenté le «Réponse du Représentant légal commun des Victimes à la Requête de la Défense du 7 février 2013 en rapport avec l’audience de confirmation des charges s’opposent également au report.
12. Principalement, le BCPV soutient que la requête soulève à nouveau des questions relatives au processus de divulgation dans le cas présent, qui étaient auparavant adressée par la Chambre, et doit à ce titre être considérée comme une inadmissible demande de réexamen des décisions antérieures de la Chambre. En tant que tel, il doit, dans la présentation du BCPV, être rejeté.
13. À titre subsidiaire, le BCPV fait valoir qu’il est dans le plus grand intérêt des victimes concernées que la confirmation des charges se déroulent dès que possible. Le BCPV ajoute que cette volonté des victimes est en accord avec le droit fondamental de la personne soupçonnée d’avoir sa cause entendue dans les plus brefs délais possible et sans retard excessif. En effet, le Bureau du conseil public soutient que la Défense ne semble pas se préoccuper de la rapidité de la procédure, mais plutôt de poursuivre une stratégie de retardement. Dans le même temps, le BCPV fait valoir que la notion d’intégrité de la procédure est plus large que celle d’équité de la procédure vis-à-vis du suspect.
14. La Chambre note les articles 61 et 67 (2) du Statut et des règles 77 et 121 du Règlement.
15. La Chambre note que, conformément à l’article 121 (7) du Règlement, l’audience de confirmation des charges peut être reportée par la Chambre, soit à la demande des parties ou d’office. De l’avis de la Chambre, la question déterminée par rapport à la demande actuelle est de savoir si, en tenant compte de la récente divulgation de la preuve par le Procureur, la Défense est en mesure de bien exercer ses droits procéduraux vertu de l’article 61 (6) du Statut.
16. La Chambre note que le Procureur a achevé la divulgation des preuves d’incrimination le 15 janvier 2013, dans le délai fixé dans la décision du 14 décembre 2012. La Chambre relève en outre que le majorité des preuves qui seront invoqués par le Procureur ont été communiqués à la Défense avant le premier report de l’audience en Juin 2012, et que seules des quantités moindres d’une preuve incriminante supplémentaire ont été divulgués par la suite. La communication des conclusions définitives d’une preuve incriminante le 15 janvier 2013 ne concernait que 54 articles de preuve supplémentaires. La divulgation limitée menée par le Procureur avant l’expiration du délai ne peut pas être compris comme portant atteinte à la capacité de la Défense pour se préparer à l’audience de confirmation des charges.
17. En ce qui concerne la preuve potentiellement à décharge et matériel articles pour la préparation de la défense, au sens de l’article 67 (2) du Statut et l’article 77 du Règlement, la Chambre note que le Procureur en vertu d’une obligation continue d’identifier et de divulguer à la défense tous les éléments relevant de ces dispositions. Notamment, cette obligation n’est pas résiliée ou suspendue par l’expiration du délai fixé pour la divulgation d’incriminer les preuves aux fins de l’audience de confirmation des charges.
18. La Chambre note que, dans le cas d’espèce, la divulgation en vertu desdites dispositions a continué récemment, y compris après le 17 janvier 2013, date limite de divulgation des éléments de preuve incriminants. Ceci est cohérent avec les instruments juridiques de la Cour comme l’a rappelé ci-dessus et ne constitue pas en soi une violation des droits de la défense. En outre, la Chambre note également, comme l’a souligné le Procureur, que la divulgation a été accompagnée par des informations supplémentaires permettant à la Défense d’analyser les éléments présentés, également aux fins de l’audience de confirmation des charges. La Défense n’a pas réussi à identifier une raison de conclure que cette divulgation récente au titre l’article 67 (2) du Statut ou de la règle 77 du Règlement a été préjudiciable à ses droits.
19. Tenant compte de ce qui précède, la Chambre est d’avis que l’audience de confirmation des charges peut se dérouler tel qu’il est actuellement prévu et que la demande doit être rejetée.
POUR CES MOTIFS, LA CHAMBRE REJETTE LA REQUETE
Pourquoi Maître Altit demandait encore un report [Philippe Brou] in Le Nouveau Courrier
Le top départ de l’audience de confirmation des charges dans l’affaire le procureur près la CPI contre Laurent Gbagbo sera-t-il vraiment donné ce 19 février 2013 ? Peut-être que oui, peut-être que non. Tout dépendra de la suite qui sera donnée à la requête en report de cette audience. Une requête déposée le 7 février dernier par Maître Emmanuel Altit, avocat principal du président Laurent Gbagbo.
Pourquoi Altit monte-t-il au créneau une énième fois pour solliciter un report, dans une requête présentée à la Chambre préliminaire I et datée du 7 février dernier ? Pour des raison assez simples, selon son texte, que Le Nouveau Courrier a pu consulter.
Alors qu’il était entendu que le bureau du procureur devait transmettre à la Défense ses éléments de preuve «aussi vite que possible et sur une base régulière», l’Accusation a choisi de procéder autrement. Elle a attendu le 17 janvier 2013, c’est-à-dire le dernier jour fixé par la Chambre préliminaire, pour transmettre, en une seule «fournée», 893 pièces et documents, qui s’ajoutaient aux plus de 2 500 pièces versées au dossier durant toute la procédure. Comment examiner, en un mois, près de 900 nouvelles pièces ? Cette technique de rétention des «preuves» jusqu’à la date ultime, la plus rapprochée possible de l’audience de confirmation des charges, obéit à une stratégie de l’inondation, qui vise manifestement à rendre le travail de la Défense difficile voire impossible dans le temps imparti.
L’Accusation n’a pas hésité à aller plus loin. Le 22 janvier 2013, elle déposait, hors délai, vingt-et-une pièces, dont des notes d’entretien avec des témoins potentiels. Le 6 février, le procureur divulguait six pièces et documents – toujours hors délai. D’où la protestation de Maître Altit : «Pour lire et analyser ces documents à raison d’une vingtaine par jour, la Défense aurait besoin d’une cinquantaine de jours. Il convient de rappeler ici que les moyens de l’équipe de défense sont limités à une enveloppe de trois personnes en sus du case manager et que ces mêmes trois personnes partent en mission, interrogent des témoins potentiels, font des recherches documentaires, rédigent des requêtes ou répondent à des requêtes (…) Certains documents transmis sont volumineux et/ou demandent une analyse particulièrement poussée. Par ailleurs, il ne s’agit pas seulement de les analyser mais aussi d’en examiner le contenu et, pour ce faire, de procéder à des vérifications ou mener des enquêtes.» Maître Altit ajoute que l’équipe de défense était en mission en Côte d’Ivoire du 22 janvier au 4 février, pour préparer l’audience de confirmation des charges. «Le Procureur le savait et c’est donc volontairement qu’il a divulgué à la défense au dernier moment cette masse immense de documents.» Cette ruse est caractéristique d’une absence de «loyauté» dans les rapports entre Défense et Accusation, fulmine Altit.
La Défense pointe la mauvaise foi de l’Accusation. «Il est important de noter que beaucoup de ces pièces et documents auraient pu être divulgués par le Procureur avant. En effet la nature et la date de certains documents indiquent qu’ils sont aux mains du Procureur depuis plusieurs mois. A l’évidence il s’agissait donc pour lui de «noyer» la défense et l’empêcher de réagir», écrit Altit.
C’est pour toutes ces raisons qu’Altit demande à la Chambre préliminaire I de «constater que si l’audience de confirmation des charges se tenait le 19 février 2013, tel qu’initialement prévu, le Président Gbagbo serait victime d’une violation de son droit à un procès équitable», mais aussi de fixer une nouvelle date «qui ne soit pas antérieure au 25 mars 2013». Quelle sera la réaction de la juge Silvia Fernandez de Gurmendi, qui a déjà manifesté lors d’une audience publique son irritation de voir la procédure piétiner depuis plus d’un an aujourd’hui ? On le saura bien vite.
Philippe Brou
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