Les explications de juristes
Source: L’inter
Plus que quatre (4) jours pour l’ouverture de l’audience de confirmation des charges contre l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, poursuivi pour divers crimes, dont des crimes contre l’humanité devant la Cour pénale internationale (CPI).
Maintes fois reportée, cette audience très attendue est prévue, sauf changement de dernière minute, pour le mardi 19 février 2013. En attendant l’échéance, l’accusation et la défense affûtent leurs armes. La procureure Fatou Bensouda a produit récemment un document qui corse davantage les charges retenues contre Laurent Gbagbo. Le successeur de Luis Moreno-Ocampo se montre, à travers ce document, très déterminé à faire condamner le père de la refondation ivoirienne.
Quant à la défense de Laurent Gbagbo, conduite par l’avocat français, Emmanuel Altit, elle ne dort pas sous ses lauriers. Me Altit a séjourné récemment en Côte d’Ivoire, dans la plus grande discrétion, pour certainement collecter des éléments susceptibles de bétonner la défense de son client. Mais, à côté de cette bataille judiciaire, se mène une offensive politico-diplomatique. Les partisans de l’ex-président ivoirien multiplient en effet les actions destinées à maintenir la pression sur les autorités ivoiriennes en vue de la libération de Laurent Gbagbo. Le Front populaire ivoirien (Fpi) estime que c’est l’actuel président ivoirien qui a transféré son prédécesseur à la prison de Scheveningen, et que c’est à lui qu’il revient de le faire libérer. Miaka et ses camarades pensent que le président Alassane Ouattara pourrait, à ce propos, rédiger un courrier à la CPI, pour demander la libération de Laurent Gbagbo, ne serait-ce que de façon provisoire. Gage, selon eux, de réconciliation et de paix en Côte d’Ivoire. Et ils ne sont pas seuls.
Le Congrès panafricain pour la justice et l’égalité des peuples (Cojep), le mouvement politique de Charles Blé Goudé, estime lui aussi que le président ivoirien a la clé de la libération de l’époux de Simone Gbagbo, ainsi que tous les prisonniers de la crise postélectorale, entre ses mains. « Le COJEP estime que dans les conditions actuelles, la réconciliation est quasiment impossible. Si le pouvoir veut réellement aller à la réconciliation vraie et à la paix, il a la responsabilité d’y aller vite, et il doit en créer l’environnement propice. Il s’agit, à notre sens, de la suspension de toutes les procédures judiciaires en cours et du vote d’une loi d’amnistie afin que la CDVR puisse jouer pleinement son rôle. Les arrestations, et l’emprisonnement même des pro-Ouattara, ne permettront pas de créer un tel environnement ». Le président Ouattara peut-il faire libérer Laurent Gbagbo ? La Cour pénale internationale (CPI) peut-elle, sur la base d’un courrier rédigé par le chef de l’État ivoirien, comme le suggère le Fpi, effacer toutes les charges que le bureau du procureur Fatou Bensouda, a retenues contre l’ex-président ivoirien ?
« Sur le plan juridique, c’est une procédure qui est en cours et cette juridiction est censée dire le droit. Un individu, du fait de sa simple autorité, ne peut pas appeler un juge de la Cour pénale internationale pour faire libérer un prisonnier, parce que la CPI est une juridiction comme tout autre, et le juge doit vider sa saisine. Mais pour que Laurent Gbagbo soit relâché, il faut que la chambre préliminaire I prononce une décision indiquant qu’il n’y a pas de charges contre lui, ou que les charges retenues sont insuffisantes. En ma qualité d’avocat, j’estime que la CPI est une juridiction indépendante. S’il est possible à un individu, de par sa simple autorité, d’appeler un juge de la CPI pour faire libérer un prisonnier, cela veut dire que nous sommes tous en danger, parce qu’une décision de justice est avant tout fondée sur le droit et les faits », a expliqué Me Gougnon Serge, membre du collectif d’avocats pour la défense de Laurent Gbagbo, joint hier par téléphone.
Un autre juriste avec qui nous avons échangé, ne dit pas autre chose. « Le droit pénal international est clair, le chef de l’État n’a pas cette compétence en tant que président de la République. Si la Côte d’Ivoire est un État membre du statut de Rome, elle peut saisir la Cour pénale internationale et non la dessaisir. C’est comme dans un tribunal, celui qui porte plainte, ne peut pas demander au procureur de se dessaisir. Mais, si le procureur estime qu’il n’a pas d’éléments suffisants pour poursuivre, alors il peut lui-même se dessaisir. Les juridictions sont indépendantes au même titre que les États. Donc au regard du traité de Rome, il n’est pas possible que le président Ouattara puisse libérer Laurent Gbagbo », a indiqué Dr Geoffroy Kouadio, juriste consultant. En clair, en partant des propos de ces hommes de Droit, le sort de l’ex-président ivoirien se trouve tout simplement dans la capacité de ses avocats à casser les arguments de l’accusation, et peut-être dans la clémence de Dieu.
Hamadou ZIAO
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