Le Point.fr –
Des magasins supposés appartenir à « des Arabes » assimilés aux islamistes ont été pillés mardi à Tombouctou par une foule en colère, au moment où des donateurs réunis à Addis-Abeba promettaient plus de 455 millions de dollars pour aider le Mali sur les plans militaire et humanitaire. Des centaines de personnes, visiblement très pauvres, ont attaqué des magasins tenus, selon elles, par « des Arabes », « des Algériens », « des Mauritaniens », accusés d’avoir soutenu les islamistes armés liés à al-Qaida à Tombouctou. Cette ville mythique du nord du Mali a été reprise lundi sans combat par les armées française et malienne.
Dans certaines boutiques, des munitions et des radios militaires ont été découvertes. Mais l’essentiel de la population était occupée à se saisir de tout ce qui traînait, télévisions, antennes satellite, nourriture, meubles, vaisselle… Certains se battaient pour la possession d’objets, d’autres défonçaient les portes métalliques verrouillant les échoppes, dont certaines ont été intégralement vidées en quelques minutes. En milieu de matinée, des soldats maliens sont arrivés, mettant fin au pillage. « On ne va pas laisser les gens piller. Mais il est vrai que des munitions ont été trouvées dans certains magasins », a indiqué un officier malien.
« Protéger tous les Maliens »
Human Rights Watch (HRW) avait demandé lundi aux autorités maliennes de prendre « des mesures immédiates » pour « protéger tous les Maliens de représailles », évoquant « des risques élevés de tensions interethniques » dans le Nord, où la rivalité est forte entre les minorités arabes et touareg la plupart du temps assimilées à des islamistes, et les Noirs, majoritaires au Mali. À Addis-Abeba, Union africaine (UA), Union européenne (UE), Japon, États-Unis et ONU participaient à une conférence des donateurs qui a levé des fonds à hauteur de 455,53 millions de dollars (338,6 M EUR), destinés aux besoins aussi bien militaires qu’humanitaires du Mali.
« La situation exige une réponse internationale rapide et efficace, car elle menace le Mali, la région, le continent et même au-delà, » a estimé dans la capitale éthiopienne Nkosazana Dlamini-Zuma, présidente de la commission de l’Union africaine (UA). Sur le terrain, quelque 3 500 soldats français et 1 900 soldats africains, notamment tchadiens et nigériens, sont déployés au côté de l’armée malienne.
Au total, quelque 8 000 soldats africains sont attendus, mais ils n’arrivent qu’au compte-gouttes, leur déploiement étant ralenti par de sérieux problèmes de financement et de logistique. À Tombouctou, l’électricité comme le réseau téléphonique, saboté par les islamistes avant leur fuite, sont toujours coupés dans la ville, qui risque également des problèmes d’approvisionnement en eau puisque les pompes ne fonctionnent plus, et où la nourriture se fait rare, selon les habitants. Lundi, aux cris de « Mali, Mali, Mali », une foule brandissant de petits drapeaux français et maliens a accueilli les militaires faisant leur entrée en ville, sans rencontrer de résistance.
Manuscrits détruits
Mais les témoignages se sont multipliés sur la destruction de précieux manuscrits datant de plusieurs siècles dans cette cité qui fut la capitale intellectuelle et spirituelle de l’islam en Afrique subsaharienne aux XVe et XVIe siècles et une prospère cité caravanière. « Le centre Ahmed Baba où se trouvent des manuscrits de valeur a été brûlé par les islamistes. C’est un véritable crime culturel », s’est lamenté le maire de Tombouctou, Halley Ousmane. L’Institut Ahmed Baba abrite entre 60 000 et 100 000 manuscrits, selon le ministère malien de la Culture.
Selon les habitants, les islamistes ont pris la fuite après les frappes aériennes françaises ces derniers jours. L’opération sur Tombouctou est survenue deux jours après la prise de Gao, plus importante ville du Nord et un des bastions des combattants islamistes, à 1 200 km au nord-est de Bamako.
Après Gao et Tombouctou, les regards se tournent vers Kidal (extrême nord-est), troisième grande ville du Nord, à 1 500 km de Bamako. Kidal même serait désormais sous le contrôle des rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et des dissidents du groupe islamiste Ansar Dine (Défenseurs de l’islam), qui ont formé le Mouvement islamique de l’Azawad (MIA). Algabass Ag Intalla, responsable du MIA, fils du chef traditionnel de la région de Kidal a réaffirmé sa volonté de « dialogue » et assuré que son mouvement ne visait pas « l’indépendance » du nord du Mali. « À Kidal, si tu as les montagnes, c’est toi le chef. Donc il faut prendre les montagnes », a-t-il expliqué.
Selon une source de sécurité malienne, les principaux responsables des groupes islamistes armés se sont réfugiés dans les montagnes non loin de la frontière algérienne. Des centaines de personnes ont fui Kidal vers des villages plus au nord, en direction de la frontière algérienne, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU, (HCR) qui affirme que l’accès à la nourriture et aux biens de première nécessité a été sérieusement affecté par le conflit et la fermeture de la frontière.
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