Le FPI aurait-il décidé de laisser Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé au bord du chemin ?
Un droit de réponse à Monsieur Modeste LAGO, membre du comité central du FPI
Nous avions tous écarquillé les yeux d’étonnement quand, il y a quelques jours, le F.P.I. a apporté son soutien à Alassane Ouattara au moment où celui-ci engageait la Côte d’Ivoire dans le combat pour la reconquête du Nord-Mali. En souhaitant « bon vent à Blé Goudé » qui vient d’être emprisonné, – c’est-à dire « bonne route » – et en affirmant que les « militants […] sont au F.P.I., non pas pour un homme, fut-il Laurent Gbagbo, mais bien plus pour son idéologie et sa vision d’avenir » (Le Nouveau Courrier du mardi 22 janvier 2013), Modeste Lago vient de clamer de manière officielle que le F.P.I. tourne définitivement une page de son histoire qui porte la marque de ces deux hommes. Désormais seule la conquête du pouvoir demeure sa préoccupation.
Avant même d’analyser les prétextes avancés par Modeste Lago pour justifier la nouvelle destinée choisie par son parti, arrêtons-nous un instant sur le sens de l’abandon du soutien à Laurent Gbagbo, à Charles Blé Goudé et par la même occasion à tous les anciens responsables de ce parti aujourd’hui dans les geôles d’Alassane Ouattara.
Quand on part au combat, on n’abandonne pas ses blessés sur le champ de bataille. On leur porte assistance ; même si cette aide doit ralentir notre progression. C’est là le sens de la solidarité que tout vrai combattant porte dans son cœur. On mène un combat pour sauver ceux qui ont besoin de l’être ; aussi bien ceux qui sont en difficulté à nos côtés que ceux qui prient pour nous dans leur foyer parce qu’ils comptent sur notre victoire. Seule la mort vous sépare d’un frère d’arme. Le F.P.I. de Modeste Lago qui abandonne les frères d’arme en difficulté n’est donc plus un parti de combattants mais un parti qui regarde ce qui lui manque dans son assiette.
Ce qui est particulièrement inadmissible dans les propos de Modeste Lago, c’est d’accuser Charles Blé Goudé et Abel Naki d’avoir renié le F.P.I.. Pour lui, ces deux hommes ont commis le crime d’avoir chacun transformé son mouvement – le COJEP et le CRI-Panafricain* – en parti politique. La peur au ventre, il écrit : « le F.P.I, notre parti, devra se résoudre à affronter ces deux partis politiques ». J’ignore ce qu’il en est de la nouvelle orientation du mouvement de Charles Blé Goudé ; mais pour ce qui est du CRI-Panafricain, que Modeste Lago sache qu’il est loin d’être un parti politique avec la vocation de conquérir le pouvoir en Côte d’Ivoire.
Chaque chose en son temps, Monsieur Modeste Lago. Le mouvement créé par Abel Naki qui était au départ un groupe de résistants africains – et non pas une association patriotique des Ivoiriens de France, comme vous le dites – est devenu depuis le 19 janvier 2013, un mouvement politique panafricain. Lisez bien mouvement politique et non pas parti politique. Non seulement ce mouvement n’a pas pour vocation la conquête du pouvoir en Côte d’Ivoire – pas avant qu’il ne devienne un parti politique – mais encore son caractère panafricain n’en fait nullement un concurrent du F.P.I. dans la course au pouvoir en Côte d’Ivoire. Si c’est cela que vous craigniez le plus, vous voilà rassuré.
Puisque vous êtes au F.P.I., « non pas pour un homme, fut-il Gbagbo Laurent, mais bien plus pour son idéologie et sa vision d’avenir » et que par ailleurs vous avez le sens de la realpolitik, nous ne voudrions pas – trop occupés que nous sommes à nous soucier de nos exilés, de nos dépossédés, de nos prisonniers – vous retarder dans la poursuite de votre route vers la conquête du pouvoir. Oui vous avez donné à chacun l’occasion de comprendre que le F.P.I. a décidé de laisser Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé au bord du chemin, sur le champ de bataille, au nom de la realpolitik ! Apparemment, pour vous, cela ne s’appelle pas trahir. Eh bien, bravo !
Pour finir, il serait bon que vous méditiez ceci : Deux Africains – Mohamed V déposé et exilé en Corse par la France ; Nelson Mandela emprisonné en Afrique du Sud – ont bénéficié durant deux ans pour l’un et presque trente ans pour l’autre de l’indéfectible soutien de leurs partisans. Et dans les deux cas, ils ont triomphé de l’adversité. Ailleurs, la realpolitik que vous prônez a permis d’assassiner dans l’indifférence les vrais combattants de la liberté.
*Depuis le 19 janvier 2013, Le CRI n’est plus un sigle mais un mot évoquant le CRI d’indignation et de colère des panafricanistes.
Raphaël ADJOBI
Professeur de lettre moderne
Vice-président du CRI-Panafricain de la Bourgogne
Membre du conseil national du CRI-Panafricain
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