Macaire DAGRY
Après l’élection présidentielle tant attendue qui s’est soldée par un profond traumatisme, suite à la crise postélectorale qui hante toujours les esprits des populations ivoiriennes, le temps est désormais venu d’organiser enfin des élections municipales et régionales apaisées. Les enjeux de ces élections couplées sont tout aussi importants que l’élection présidentielle. En dépit de fortes appréhensions suite à ce traumatisme, les élections législatives, se sont déroulées dans des conditions relativement bonnes. Elles étaient stratégiquement déterminantes pour le pouvoir, qui avait besoin comme dans toutes les démocraties du monde, d’une confortable majorité à l’Assemblée Nationale pour voter les projets de lois présentés par le gouvernement.
Ces élections municipales et régionales sont aussi stratégiques pour le gouvernement parce qu’elles doivent permettre d’instituer de manière démocratique des instances décentralisées de développement. La spécificité de ces élections contrairement aux élections nationales, c’est qu’elles permettront une implication directe de tous les acteurs de développement, et à tous les niveaux. Sur le plan économique, ces collectivités auront la capacité de renforcer leurs équipements d’infrastructures et assurer le maintien de leur bon état de fonctionnement, en toute responsabilité. Elles doivent également favoriser par des initiatives innovantes, dynamiques et participatives le développement des activités économiques des localités en sollicitant les apports de toutes les compétences locales. Pour arriver au développement de nos collectivités territoriales, il est évident que nos élus locaux devront redoubler d’imaginations, d’initiatives, d’audaces et de collaborations extérieures pour venir en appui aux moyens souvent limités de l’Etat. Ils seront le plus attendus par les populations au niveau de la lutte contre le chômage, la pauvreté et par la création de nombreux emplois directs et indirects.
Au plan administratif, ces élections doivent permettre de rapprocher considérablement l’administration des administrés et la rendre plus accessible, humaine et capable de réagir plus promptement aux sollicitations des populations. En ce qui concerne la gestion administrative dans les petites localités, la proximité avec les populations devrait en principe faciliter les choses. Le véritable enjeu de ces élections est sans doute au niveau politique. Contrairement aux élections nationales où les enjeux sont parfois très lointains des préoccupations quotidiennes et immédiates des populations dans les zones rurales, pour celles-ci, elles se sentent beaucoup plus concernées parce que les élus ou ceux qui souhaitent l’être, sont des fils et filles de ces localités. Toutes les familles se connaissent et ont des liens de parentés plus ou moins rapprochés. Cela permet de fait une meilleure implication plus directe des populations aux projets de développement. Contrairement aux élections nationales, les candidats et plus tard, les élus sont personnellement connus des populations. Ils seront accessibles et mêmes « réels ». Pour certains de nos compatriotes, le chef de l’Etat ou tout autre haut responsable national peut être considéré comme « irréel » du fait de la très grande improbabilité de pouvoir un jour le rencontrer et lui parler.
Ces élections régionales et municipales sont de véritables défis autant pour les candidats que pour les populations qui les connaissent très bien et les éliront en connaissance de cause. Il sera très difficile pour les partis politiques d’imposer des personnes à la tête de ces collectivités territoriales s’ils n’ont pas le soutien et la bénédiction des populations. Aujourd’hui, il serait aussi très difficile pour ces formations politiques de truquer les élections pour faire gagner leurs candidats au mépris de toutes les règles démocratiques. Chaque candidat sait désormais qu’une élection peut se gagner de différentes manières. De ce fait, il sait aussi ce que ses équipes doivent faire pour éviter de se faire ravir la victoire. A la sortie des bureaux de votes, chaque équipe sera en possession de son exemplaire du procès verbal et avant même que les résultats ne parviennent à la direction centrale de la Commission Électorale Indépendante, chacun saura exactement les résultats obtenus par tous les candidats, bureau par bureau.
En fait, les véritables enjeux de ces élections seront orchestrés par les populations, qui détiennent enfin les clés de leurs propres destinées, loin des logiques nationales et internationales auxquelles elles ne se sentent pas toujours concernées.
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