L’inter
Crise ivoirienne
Ibrahim Seri Saint-Clair est le président de l’ONG ‘’ Diaspora peuple ivoirien ‘’ (DPI), créée depuis les Etats-Unis il y a six (6) ans, avec pour but de participer au bien être des populations ivoiriennes. Dans l’interview qu’il nous a accordée, M. Seri fait un tour d’horizon de l’actualité politique et interpelle Charles Blé Goudé, leader de la galaxie patriotique, actuellement en exil.
Vous êtes président d’une Ong pour aider les populations. Quelles sont justement les actions que vous avez menées à l’endroit de ces populations ?
J’ai été personnellement approché par des populations de tout bord qui m’ont présenté des ordonnances médicales à acheter. Vous savez que ce n’est pas facile, encore moins quand vous arrivez des Etats-Unis, les gens ne voient que les dollars. J’ai donc été confronté à ce problème. J’ai expliqué à ces populations qu’il ne sert à rien d’acheter des ordonnances à chaque fois, et qu’il vaut mieux les aider à se prendre en charge. J’ai donc financé des micro-projets pour des femmes à hauteur de 30000f, 40000f, et 50000fcfa. Il s’agit pour la plupart des veuves et des orphelins, parce que depuis les crises qui se sont succédé, ce sont ces personnes qui ont été vraiment exposées. Nous les avons soutenus avec nos maigres moyens.
Vous êtes revenus en Côte d’Ivoire, est-ce qu’on peut savoir ce que vous préparez pour les prochains jours ?
Oui, je suis venu pour continuer ce que j’ai commencé. Mais en même temps, j’ai constaté que si l’environnement n’est pas assaini, nos camarades, nos partenaires au développement qui nous soutiennent y verront un blocage. Alors ma présence ici de façon primordiale, c’est d’apporter ma contribution à la réconciliation, qui est aujourd’hui l’élément clé pour tout développement. La Côte d’Ivoire est notre pays et notre bien commun que nous devons tous protéger.
Qu’allez-vous faire de façon concrète pour la réconciliation, quand on sait qu’il existe déjà la Commission dialogue vérité et réconciliation (Cdvr) dirigée par Charles Konan Banny ?
Vous savez on peut être plusieurs et être efficace. Moi, je suis venu pour apporter une petite pierre à l’édification de la réconciliation. Comme je vous le disais, nous avons besoin d’être réconcilié, parce que la réconciliation est le sous bassement de tout développement. Et pour cette réconciliation, je compte effectuer une tournée avec mes équipes. Ce qu’il faut savoir, c’est que beaucoup de personnes parlent de la réconciliation, mais nous constatons de l’hypocrisie dans le langage de certains, en l’occurrence monsieur Blé Goudé Charles. Voilà un individu qui est à des milliers de kilomètres, et qui pose des conditions pour la réconciliation. Cela n’est pas normal. Blé Goudé n’est pas étranger à ce que nous vivons aujourd’hui dans ce pays. Depuis plus de dix ans, lui et ses hommes ne cessent d’intoxiquer nos parents. Moi je suis Bété, je suis de Guibéroua, donc de la même région que Blé Goudé, et je sais de quoi je parle. Il faut que Blé Goudé arrête d’intoxiquer nos parents, en leur disant que c’est Bédié et Ouattara qui ont fait arrêter Gbagbo et qui l’ont jeté en prison. Ce n’est ni Ouattara, ni Bédié qui ont arrêté Gbagbo Laurent. Gbagbo Laurent a géré ce pays et il doit nous rendre compte. C’est une logique incontestée et incontestable. Il faut que Blé Goudé arrête donc de mentir à nos parents. Je commencerai ma tournée par ma propre région. J’irai parler à mes parents en français et en Bété pour qu’ils comprennent qu’ils ne doivent pas s’écarter de la réconciliation et que ce n’est pas Ouattara et Bédié qui ont arrêté Gbagbo Laurent. Il y a eu des élections. Le monsieur (Gbagbo) à perdu, et il a refusé de partir, il a tué les Ivoiriens. Et quand j’entends Blé Goudé dire que la réconciliation en Côte d’Ivoire passe par la libération de Laurent Gbagbo, je dis que c’est une aberration. Il faut arrêter d’opposer les ethnies, ce n’est pas de nature à favoriser la cohésion sociale. Il faut que Blé Goudé opte pour la culture de la cohésion sociale, c’est cela un intellectuel. Je suis donc venu pour désintoxiquer mes parents, pour leur dire que Guibéroua et la Côte d’Ivoire, c’est la même chose. Bété, Dioula et Baoulé, ce sont les mêmes personnes. Il faut arrêter d’opposer les gens, il faut soutenir les actions du Président de la République qui est là, du gouvernement et de M. Charles Konan Banny sans hypocrisie aucune.
Selon vous, qu’est ce que Blé Goudé devrait faire ?
Lorsqu’on dit qu’on est patriote, c’est pour défendre la patrie et non un individu ou un régime. Le régime a changé de capitaine. Il faut donc que Blé Goudé continu de soutenir la patrie. La patrie ne se limite pas à un individu. Si Blé Goudé aime vraiment la Côte d’Ivoire, la patrie puisqu’il se dit patriote, il devrait soutenir la République et non un individu.
Vous disiez tout à l’heure que ce n’est ni Alassane Ouattara, ni Henri Konan Bédié qui ont arrêté Laurent Gbagbo. Selon vous qui l’a arrêté ?
Gbagbo Laurent n’a été arrêté par personne, il a juste été rattrapé par son passé. Vous avez dirigé un pays, et il y a eu des problèmes. C’est tout à fait normal que vous rendez des comptes aux Ivoiriens. Même celui qui est là aujourd’hui, M. Ouattara, il va gérer et il va partir. S’il gère mal et qu’il fait la promotion de l’impunité comme Gbagbo Laurent, mais il va nous rendre compte. C’est une logique incontestée et incontestable. Gbagbo Laurent a donc été rattrapé par son incapacité à arrêter l’impunité. C’est tout à fait normal qu’il réponde de ses actes. Ce n’est ni Bédié, ni Ouattara qui l’ont arrêté.
Certaines personnes estiment que la réconciliation en Côte d’Ivoire ne peut se faire sans les partisans de Gbagbo. Qu’en pensez-vous ?
Ces personnes là sont entrain de rêver. Il n’y a pas de préalable à la réconciliation. Houphouët-Boigny qui a bâti ce pays est parti, et nous continuons de vivre. Tous ceux qui viendront au pouvoir s’en iront un jour, et nous allons continuer de vivre. La réconciliation ne doit pas être liée à un individu, encore moins à un groupuscule de personnes. Nous sommes prêts à aller à la réconciliation, mais les gens sont entrain de créer une psychose. Gbagbo Laurent et son parti politique doivent rentrer dans la République. S’ils refusent, nous avancerons. Si les gens pensent que sans Laurent Gbagbo, il n’y aura pas de réconciliation, c’est qu’ils ne connaissent rien de la Côte d’Ivoire.
Le 19 février prochain est prévu le procès de confirmation des charges ou non contre Laurent Gbagbo. S’il arrivait qu’on le libère, pensez-vous qu’il doit revenir en Côte d’Ivoire ?
Comme je le disais, c’est la justice qui est entrain de faire son travail. Je pense que la justice internationale est une justice responsable, dépolitisée. Si elle infirme les charges contre Laurent Gbagbo, le peuple ivoirien va apprécier. Mais je doute fort qu’aucune charge ne soit retenue contre ce monsieur. Il a géré la Côte d’Ivoire pendant dix ans, il y a eu des élections, et par son refus de reconnaître sa défaite de façon démocratique, pour pouvoir rentrer dans l’histoire positivement, il nous a tué, il a tué nos femmes, et nos enfants. Je ne pense pas que cette justice internationale puisse passer l’éponge sur tout cela. Ce serait vraiment un véritable échec pour la justice internationale.
Après les élections, il y a le conseil constitutionnel qui a proclamé Gbagbo vainqueur. Qu’est-ce que vous en dite ?
Permettez-moi de rire. Il y a eu des élections, oui, mais il faut rappeler aussi que nous avons été humiliés parce que des individus ont déchiré des résultats en direct sur les écrans de la télévision nationale. S’ils ne se reprochaient rien, ils devraient laissez la CEI proclamer les résultats et le conseil constitutionnel apprécierait. Mais ils ont déchiré les feuilles, humiliant la Côte d’Ivoire devant le monde entier.
Vous voulez parler de Damana Pickass ?
Je ne sais même pas qui a déchiré les feuilles, mais on a vu un individu à la télé entrain de s’adonner à cet acte. Ce n’est pas normal. Il faut aussi rappeler que messieurs Gbagbo, Ouattara et Bédié, ont convenu de confier l’arbitrage des élections au représentant de la communauté internationale M. Choï, qui était l’arbitre central. On prend l’exemple d’un terrain de football. S’il y a des litiges entre les arbitres de touches, qui tranche ? C’est l’arbitre central. Lorsqu’il a tranché au premier tour, et M. Gbagbo Laurent était le vainqueur, il n’y a pas eu de palabres. Pourquoi alors le même arbitre central dit que M. Ouattara a gagné au second tour, et Gbagbo Laurent s’oppose. Nous avions pensé que monsieur Gbagbo va accepter de poursuivre le processus électoral dans le soucis de rentrer dans l’histoire. Pour ma part, je pense que nous avons été humiliés par le Conseil constitutionnel.
L’un des faits d’actualité en Côte d’Ivoire, ce sont les abus des Forces républicaines sur les populations civiles. Quels commentaires cela vous inspire t-il ?
Écoutez, nous sommes entrain de sortir d’une crise, et il y a des gens qui continuent d’entretenir la haine. Il est vrai que parmi ces forces, il peut avoir des brebis galeuses. Je pense que si les reproches qui leur sont faits sont avérés, la Côte d’Ivoire est dirigée, il y a des institutions, et ces soldats ont des supérieurs hiérarchiques. Ceux qui ont pu commettre des exactions, justice sera faite.
Vous avez parlé tout à l’heure d’une tournée de réconciliation nationale. Avez-vous déjà eu une rencontre à cet effet avec le président de la commission en charge de la réconciliation en Côte d’Ivoire, Charles Konan Banny ?
Je ne l’ai pas encore rencontré et mon souhait serait de le rencontrer pour avoir un tête à tête avec lui. Parce que vous savez, quand tu es à ce genre de poste de responsabilité, il y a certains détails qui peuvent t’échapper. Or il a besoin de certains détails justement pour bien mener sa mission.
Lesquels par exemple ?
Lorsque je dis un tête à tête, c’est un tête à tête. Il y a un adage africain qui dit que le hibou ne dit jamais tout ce qu’il voit dans la nuit. Si j’ai l’occasion de rencontrer M. Banny, nous parlerons et la réconciliation va avancer de façon responsable. Je dois cependant dire que le choix de M. Banny par le président Ouattara a été un très bon choix. Banny est un grand homme. Je ne le dis pas pour rigoler, mais le jour je le rencontrerai, je lui dirai pourquoi il est un grand homme. Sous Gbagbo, Banny n’a pas échoué, il s’est passé beaucoup de choses, je sais de quoi je parle. Il a besoin de savoir et comprendre ces choses pour mener à bien sa mission de réconciliation.
Au sein de la Cdvr, il y a des chefs religieux et des chefs coutumiers. Pensez-vous qu’ils sont utiles dans le processus de réconciliation ?
Ils sont utiles, à condition qu’ils sachent exactement leur rôle dans la société. Je voudrais rappeler que certains leaders religieux jouent avec Dieu. Un guide religieux est censé apporter un équilibre à la cohésion sociale. Il ne doit pas avoir de parti pris. Ce sont des citoyens ivoiriens, ils peuvent faire de la politique, mais pas de la politique politicienne. Un guide religieux ne prend pas un sceau d’eau pour éteindre le feu ici et un autre sceau d’essence pour allumer de l’autre côté. Un guide religieux, c’est un médiateur. Mais dans la crise ivoirienne, ils ont failli à leur mission. Il est donc temps que dans le cadre de cette noble mission, qu’ils se ressaisissent. Je profite aussi de l’occasion pour lancer un appel aux pasteurs d’arrêter leurs prophéties erronées et farfelues. Ce n’est pas cela le rôle d’un leader religieux. Un leader religieux, c’est celui qui éduque les fidèles, la population.
Il y a également la jeunesse et les chefs coutumiers. Comment appréciez-vous leur rôle dans la crise ivoirienne ?
Je voudrais leur lancer un message, d’abord aux chefs coutumiers qui sont nos parents, qui sont les garants de la tradition, ceux-là même qui devraient être les noyaux de la sagesse ancestrale, mais qui aujourd’hui prostituent la tradition en se livrant à des pratiques politiciennes. Lorsqu’il y a un problème, c’est la tradition qui s’exprime. Je pense que le rôle des chefs coutumiers, c’est de dire à leurs enfants qui sont des leaders politiques, voilà comment nous avons dirigé nos villages pour qu’ils deviennent des villes. Les chefs coutumiers, leur rôle c’est d’apporter une expertise dans la réconciliation de façon responsable et impartiale. Quant à la jeunesse, elle doit savoir son importance dans la société. Mais j’ai l’impression que la jeunesse ivoirienne vit au passé. Parce que si elle vivait au présent, elle comprendrait que son avenir se trouve dans ses mains. Mais elle s’est laissée manipuler et certains continuent de se laisser manipuler. Lorsqu’aujourd’hui tu te présente comme un jeune ivoirien, c’est une humiliation parce que cela rime avec violence. Je pense que la jeunesse a joué un rôle négatif dans les crises que la Côte d’Ivoire continue de traverser. Il est grand temps qu’elle sache que le futur lui appartient, il faut qu’elle se ressaisisse.
Entretien réalisé par Hamadou ZIAO
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