Loic Mpanjo – Economiste & acteur politique
Il est facile de constater qu’en Côte d’ivoire le Fpi a déserté complètement la scène politique ivoirienne, abandonné complètement ses militants et les ivoiriens pro-Gbagbo dans leur misère et leur douleur quasiment inconsolable, pour occuper un autre terrain ; celui de la victimisation de la pleurniche internationale, et même souvent celui de la chaise vide. Comment peut-on comprendre que le premier parti politique de Côte d’ivoire ait basculé ait disparu de la scène politique ? Ou Comment expliquer aux ivoiriens qui ont été nombreux à se mobiliser derrière le Fpi que désormais ils ne sont plus la priorité du parti de Laurent Gbagbo ?
L’élection de novembre 2010
Quelle que soit l’appréciation que l’on puisse avoir du résultat de l’élection de novembre 2010, le Fpi doit assumer au moins deux choses :
1- La responsabilité d’être allé aux élections sans désarmement et sans redéploiement de l’administration.
2- Le fait d’avoir semer dans l’esprit des ivoiriens une impatiente envie de libération et de développement du pays
Ces deux éléments nous amènent à penser que les ivoiriens pro-Gbagbo ont fait confiance en leurs leaders politiques dans la conduite du pays, ils se sont mobilisés plusieurs fois derrière ceux qui leurs promettaient la libération du pays et le développement de leur nation. Or dans toute entreprise il est sage d’avoir un plan B au cas où la réussite ne serait pas au rendez-vous. Quel que soit la raison de l’échec de la famille pro Gbagbo, les attentes des ivoiriens pro Gbagbo n’ont pas changé, et la logique politique qui veut que le moyen serve la cause et non l’inverse. C’est-à-dire que Gbagbo (ici le moyen) serve la cause de la libération et du développement du pays, et non que le moyen devienne la cause, et donc que le pays serve la cause de la libération de Gbagbo – toute aussi importante et capitale.
On observe cependant que le Fpi a complètement inversé les priorités qui l’ont propulsé dans le cœur des ivoiriens, le Fpi a abandonné les ivoiriens dans leurs problèmes quotidiens, abandonné les ivoiriens qui l’ont suivi et soutenu dans la crise, abandonné les ivoiriens qui ont été massacrés par milliers dans les villes de l’ouest du centre et du sud par les frci, pour se focaliser sur la libération de Gbagbo.
Changement de paradigme
Voilà donc que les considérations des ivoiriens, leurs aspirations, leurs conditions de vie deviennent tout à coup secondaire. La lutte pour la libération et le développement du pays est devenue complètement secondaire, la situation des droits et des libertés des ivoiriens ne comptent plus vraiment, ceci pour faire place à la quête permanente de la libération des prisonniers politiques et de Laurent Gbagbo. Il est même demandé à ses pauvres ivoiriens d’abandonner leurs priorités et leurs souffrances pour venir d’abord demandé la libération des prisonniers politiques. Aucune proposition politique, aucune critique de l’hyper président Ouattara, et aucune compassion pour les ivoiriens chaque jour endeuillés par les Frci. Par contre à l’opposé de tout ceci, ce même Fpi est devenu moralisateur de la vie politique des opposants, il définit le curseur politique, se permet de juger les autres opposants qui eux continuent d’occuper le terrain politique et se soucient du bien être des ivoiriens, en dénonçant les dérives de Ouattara. Pire encore à l’intérieur du Fpi on assiste à une dynamique de l’inertie, c’est ainsi que la convention organisée par Miaka Ouretto et la direction du Fpi a été très mal vécue par les cadres exilés au Ghana. Toute action politique est jugée suspecte tant que les prisonniers politiques et les cadres exilés ne sont pas de retour par miracle.
Pourtant ce ne sont pas les références qui manquent en Afrique, la situation que vit le Fpi est un peu similaire à celle de l’Anc dans les années 60, lorsque tous les dirigeants avaient été arrêtées et mis en prison, d’autre s’étaient retrouvés en Exil (Oliver Tambo etc) ; l’action de l’Anc a été de continuer de combattre la politique de l’apartheid et la brutalité du gouvernement Sud-Africain de l’époque. Ils auraient également pu mettre comme priorité première la libération de Mandela et des autres prisonniers politiques, et suspendre toute action militante. Le gouvernement n’aurait donc jamais libéré ceux-ci et la situation serait toujours identique voire pire aujourd’hui. Mais au contraire l’Anc a continué d’être aux côtés des populations, d’organiser des actions de masses, des manifestations, es grèves tout en demandant également la libération de leurs Camarades. On se souvient des émeutes de Soweto, des conférences de l’Anc, du lobbying efficace des cadres exilés auprès des pays africains et des pays européens pour obtenir des sanctions contre le gouvernement raciste de l’époque.
Tout cela pour dire que le Fpi s’est dérobé face à ses obligations politiques, il affiche d’ailleurs une condescendance vis-à-vis des ivoiriens. Il préfère les actions diplomatiques aux actions politiques, il se « victimise » au lieu de s’occuper des victimes de crise postélectorale, et il ose demander aux captifs citoyens ivoiriens d’aller demander la libération des prisonniers politiques.
Crise politique et absence d’autocritique interne
Le Fpi est actuellement victime d’un « embourgeoisement » politique – sans pareil depuis la décadence du Pdci. Les partisans du courage politique d’hier face au parti unique d’Houphouët sont réduits aujourd’hui à accuser l’insécurité et l’intimidation pour justifier leur disparition de la scène politique. Ceux qui s’organisaient en clandestinité et tenaient des congrès et meeting devant face à Ouattara en 1992, vous disent aujourd’hui qu’il faut que Gbagbo soit libéré pour leur dicter ce qu’il y a lieu de faire et comment retrouver le courage. Cela prouve tout simplement que la stratégie de maintenir Gbagbo à la Cpi porte ses fruits.
Echéances électorales et cadre permanent de dialogue
Le Fpi a suspendu sa participation aux échéances électorales et refuse de discuter avec d’autres partis dans le Cpd. Cependant on peut se poser la question de savoir, quel est donc l’agenda politique du parti de Gbagbo ? Si le parti ne prépare aucune élection, ne participe à aucune négociation, ne tient aucun meeting, quelle est donc son agenda ou emploi du temps politique ? Que reste-t-il d’autre à affaire à part cautionner les dérives du pouvoir d’Ouattara. Dans une démocratie ou l’opposition fait la chaise vide, la société civile est inhibée et le pouvoir abonné au dérives autoritaires ponctue sa barbarie régulièrement sur les populations, quelle contre-pouvoir ou contrepoids reste-t-il pour faire fonctionner la démocratie. La presse se retrouve donc quasiment seule, et dans le champ politique ceux des opposants qui occupent le terrain sont encore victimes de leur faible poids politique. La situation est donc désormais similaire à celle des années 1990 avec un hyper parti, un hyper président, un hyper parlement le tout dans un état militarisé. Quel recours donc pour les pauvres ivoiriens à qui l’on inflige, inflation, état de non droit, racket, feu d’artifices mortels, massacres et violations de droits ? – Sachant que le pasteur Koné Malachie a presqu’ébranlé le reste de leur foi en l’église politisée.
Il est donc temps que le Fpi redevienne un parti politique, accepte la critique et écoute les ivoiriens au lieu de leur imposer d’aller libérer des prisonniers. Ce n’est qu’en politique que se règles les problèmes politiques, et non par des incantations et de la condescendance. La libération des prisonniers politiques ne peut se substituer à la poursuite des rêves des ivoiriens, le peuple ivoirien est prioritaire et souverain.
Loic Mpanjo
Economiste & acteur politique
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