Xinhua
Le ministre ivoirien de l’Intérieur Hamed Bakayoko a déclaré dimanche à Abidjan que le gouvernement allait tirer les conséquences administratives de la bousculade qui a fait 63 morts et une cinquantaine de blessés dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier.
A la suite des autorités judiciaires, les autorités gouvernementales devront s’enquérir des dysfonctionnements constatés, pour qu’une telle situation ne se répète plus, a déclaré M. Bakayoko en recevant des parents de victimes.
« A certains niveaux, il aurait fallu anticiper », a déploré le ministre, réitérant la compassion du gouvernement aux familles des victimes et aux blessés.
Après la bousculade intervenue après le spectacle des feux d’artifice marquant l’avènement du Nouvel an, le président ivoirien Alassane Ouattara avait ordonné une enquête, promettant que toute la lumière serait faite sur la tragédie.
Le procureur de la République Simplice Kouadio, qui a livré samedi les premiers résultats de l’enquête, a annoncé des poursuites contre les auteurs présumés de la bousculade meurtrière.
L’indiscipline et l’absence de responsabilité à l’origine des drames en Côte d’Ivoire
Macaire Dagry
Face au choc provoqué par cet horrible drame qui vient à nouveau d’endeuiller notre pays, en pleine célébration de cette nouvelle année 2013, il convient à présent de nous interroger sur notre sens des responsabilités et de l’indiscipline qui nous caractérisent fondamentalement. A chaque drame, toute la nation subit la violence engendrée par ces traumatismes qui viennent se rajouter à ceux qui nous rongent déjà, inconsciemment, de manière insidieuse et dont nous cherchons toujours et encore les explications.
La liste macabre de ces tragédies est tellement longue qu’elle pourrait nous faire basculer dans une forme de mélancolie irréversible. Mais, en Afrique, nous avons malheureusement l’habitude de conjurer le sort par des explications irrationnelles, voire mystiques. Il n’y a jamais de responsable à quoi que ce soit. Très souvent, les responsabilités de nos malheurs et tragédies sont imputés aux sorciers. Aujourd’hui, l’air du temps veut que les responsables soient les franc-maçons pour des raisons qu’ignorent ceux-là même qui pensent avoir trouvé les responsables aux conséquences de nos propres indisciplines et absences de responsabilité au quotidien. Ainsi de rumeurs en rumeurs, d’intoxications psychiques en intoxications psychiques nous nous laissons emprisonner et distraire par un mode de fonctionnement dans lequel la fatalité, l’irrationnel et l’ignorance règnent en maîtres absolus.
A chaque moment dans notre pays, notamment à Abidjan, ce type de drame peut se produire sans que personne ne soit responsable. Il suffit simplement d’observer nos comportements, habitudes, modes de pensée et notre conditionnement psychologique pour s’en rendre compte. Pour ces fêtes de fin d’année, le gouvernement avait décrété l’interdiction des pétards. Ils se sont vendus partout et y compris dans les rues, devant même les forces de l’ordre, sensées faire respecter cette mesure. Dans tous les quartiers d’Abidjan notamment dans les zones populaires, des feux d’artifices et pétards ont été lancés dans un désordre ahurissant, au milieu des habitations, souvent précaires et au mépris de toute règle élémentaire de sécurité. Des drames auraient pu se produire avec de très lourdes conséquences dans ces habitations où les normes de sécurité ne sont pas toujours respectées en matière électrique. Au niveau de la circulation routière, plusieurs accidents parfois mortels ont été occasionnés par l’indiscipline des conducteurs et par le très mauvais état des véhicules. On retrouve très souvent des piétons, des cyclistes et même des familles entières au milieu des automobiles sur les autoroutes d’Abidjan, et tout cela sous les regards des forces de l’ordre qui trouve cela normal.Des embouteillages sont provoqués tous les jours dans les rues d’Abidjan par l’indiscipline des automobilistes, sous les regards des policiers qui sont assis à l’ombre, sous des arbres. Parfois même en train de faire la sieste. A la veille de Noël par exemple, un taxi a fait une sotie de route sur le boulevard VGE, fauchant des personnes assises dans un maquis en bordure de cette voie. Des centaines, peut-être même de milliers de véhicules dans des états de délabrements hallucinants sont utilisés pour le transport en commun, et cela ne choc personne, encore moins les forces de l’ordre qui se contentent de soutirer des pièces de monnaie aux conducteurs, sans se soucier de l’état du véhicule et du danger qu’il représente pour les passagers qui n’ont pas d’autres choix que de risquer à chaque instant leur vie.
Alors, face à ce drame qui nous bouleverse tous, on ne peut que constater une fois encore notre impuissance devant des faits, qui dans d’autres pays, les responsables seraient recherchés et sanctionnés. Le gouvernement ivoirien a reconnu la présence de troncs d’arbres sur le chemin et un éclairage insuffisant en cette période où le quartier du plateau devient le centre d’attraction de tout le pays. Dans les pays qui ont l’habitude d’organiser des feux d’artifices géants, les services de sécurité ont le devoir d’anticiper et de prévenir toutes sortes de catastrophes possibles. Le premier devoir de l’État est de veiller et d’assurer la sécurité de ses populations. Donc, anticiper et agir pour réduire au minimum les risques potentiels. Bien sûr, le risque zéro n’existe pas. Néanmoins, certaines autorités sont payées pour réfléchir, anticiper et prendre des mesures en conséquence pour éviter ce type de tragédie. Selon une source sécuritaire interrogée par l’AFP les secours ont « mis du temps pour arriver». Et pour un diplomate en poste à Abidjan, interrogé par le magazine Jeune Afrique, « cela révèle la faible capacité de réponse ivoirienne en termes de sécurité ».
Comment pouvait-on, connaissant notre propre indiscipline et notre absence du sens des responsabilités, prendre le risque de ne pas sécuriser au maximum ce chantier qui s’est transformé en piège mortel en période de grande affluence ? Un jour avant ce drame, presqu’au même endroit, au stade Houphouët Boigny, se tenait déjà un concert qui aurait aussi pu se transformer en cauchemar, sur le chemin du retour.
Macaire Dagry
macairedagry@yahoo.fr
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