Bozizé reprend en main l’armée et accepte de négocier

Par Le Nouvel Observateur avec AFP

Le président centrafricain François Bozizé a limogé mercredi 2 janvier son propre fils, Jean-Francis Bozizé, de son poste de ministre délégué chargé de la Défense, a-t-on appris auprès du service de presse de la présidence. Le chef d’Etat a repris lui-même ce portefeuille.

« Le ministre délégué à la Défense Jean-Francis Bozizé a été relevé de ses fonctions. Le chef d’état-major [Guillaume Lapo, NDLR] a également été relevé. Le chef de l’Etat prend en main le portefeuille (de la Défense) », indique le service de presse présidentiel.

La coalition rebelle du Séléka, en conflit avec le François Bozizé, a conquis en trois semaines la majeure partie du pays, mais devant la détermination de la force africaine d’interposition à l’empêcher de marcher sur la capitale Bangui, elle a toutefois décidé mercredi de stopper sa progression et d’accepter des pourparlers de paix avec le gouvernement centrafricain. Ces négociations pourraient débuter le 8 janvier à Libreville, la capitale du Gabon.
Bozizé « regrette » le manque de discipline

Dans son discours de voeux du Nouvel an, le président Bozizé avait « regretté » le manque de discipline et l’échec des Forces armées centrafricaines (Faca) devant la progression éclair de la rébellion du Séléka.

« Nous avons toujours mis en garde l’armée quant à la défense de l’intégrité du territoire national. Mais quand une armée n’est pas disciplinée, si elle ne remplit pas convenablement sa mission, le pays est constamment en danger », avait dit le chef de l’Etat.
L’armée : sous équipée, mal formée et démotivée

Actuellement colonel, Jean-Francis Bozizé devait être promu général prochainement. Discret mais bien présent en politique, certains le voyaient déjà prendre la suite de son père.

Face à la progression éclair du Sélaka, qui a pris le contrôle de la majeure partie du pays en seulement quelques semaines, les forces armées, sous équipées, mal formées et démotivées, n’ont pas fait le poids et même la ville de Bambari qui était l’une de leurs places fortes a été prise par la rébellion.
Négociations entre le Séléka et Bozizé

« Normalement, ces négociations doivent avoir lieu le 8 janvier à Libreville. Il semblerait que la date du 8 janvier soit confirmée », a indiqué une source diplomatique. C’est le président congolais Denis Sassou Nguesso qui dirigera ces pourparlers, selon la même source.

Le porte-parole du Séléka a rappelé que les rebelles exigeaient le départ du pouvoir de François Bozizé qui dirige le pays depuis 2003. « Le départ du président Bozizé reste toujours pour nous une exigence parce que nous mettons en doute sa sincérité », a-t-il déclaré. François Bozizé s’est dit prêt à un dialogue sans condition en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale.
Séléka campe à 160 km de la capitale

Après avoir enlevé plusieurs villes du nord et du centre depuis le 10 décembre, la rébellion du Séléka campe à Sibut, à 160 kilomètres au nord de la capitale centrafricaine. Dans sa ligne de mire se trouve la ville de Damara, dernier verrou à 75 km de Bangui, où est positionnée la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac) qui s’est renforcée ces derniers jours.

Un contingent de 120 militaires camerounais est ainsi arrivé mercredi soir en République centrafricaine, a indiqué la Fomac. La Force a clairement prévenu mercredi la rébellion que toute tentative de marcher sur Bangui serait considérée comme « une déclaration de guerre ».

« Si les rebelles attaquent Damara, c’est une déclaration de guerre, cela veut dire qu’ils ont pris la résolution d’engager les 10 Etats d’Afrique centrale », a déclaré le général Jean-Félix Akaga, chef de la Force.

Damara, ville d’environ 40.000 habitants, a été presque entièrement désertée il y a six jours, à l’annonce de l’arrivée des rebelles, a constaté un journaliste de l’AFP. Les maisons sont presque toutes abandonnées, les habitants dorment à la belle étoile dans la brousse.

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Pourquoi la rébellion accepte de négocier ?

Par Sarah Diffalah
http://tempsreel.nouvelobs.com

Le Séléka a stoppé l’offensive, lancée le 10 décembre, le gros des troupes étant positionné à 160 km de Bangui. Décryptage du spécialiste Roland Marchal.

Le président François Bozizé se prépare à aller aux négociations de paix à Libreville mais celles-ci pourraient être compliquées par le caractère extrêmement hétéroclite de la rébellion, qui a suspendu sa progression vers Bangui. Décryptage du spécialiste de la Centrafrique, Roland Marchal.

La rébellion du Séléka et le président centrafricain François Bozizé ont accepté mercredi de se mettre autour de la table des négociations. Pourquoi ce revirement ?

– Les rebelles avaient averti très tôt qu’ils ne voulaient pas entrer dans la capitale Bangui, mais qu’ils souhaitaient voir le président déposer les armes et quitter le pouvoir.

La rencontre avec le président du Bénin et de l’Union africaine, Thomas Boni Yayi, a été l’un des éléments qui a favorisé cette avancée vers les négociations. Bien qu’il n’ait pas accepté de se retirer du pouvoir, le président Bozizé a fait de véritables concessions : il a annoncé qu’il ne se représenterait pas à l’élection présidentielle, qu’il ne changerait pas la Constitution et qu’il souhaitait nommer un gouvernement d’union nationale.

De leurs cotés, les rebelles étaient en désaccord sur la marche à suivre. L’envoi des renforts militaires des Etats de la Ceeac (Communauté économique des Etats d’Afrique centrale) et la clarification par Idriss Deby de la position du Tchad ont incités le Séléka à calmer le jeu. Il faut bien se rendre compte que ces rebelles sont forts de la faiblesse des forces armées centrafricaines, les Faca. Ils ne représentent pas une force de frappe qui aurait pu mettre en déroute la Micopax (Mission de consolidation de la paix en Centrafrique) dans l’hypothèse où celle-ci se serait résolue à combattre.

La nature hétéroclite de la coalition rebelle n’est-elle pas un obstacle aux pourparlers ?

– Au moment où l’offre a été faîte, juste après le décollage de l’avion présidentiel béninois, des voix divergentes se sont exprimées au sein de la coalition. Et puis le porte-parole du Séléka, Eric Massi, a resserré les rangs en expliquant qu’ils étudiaient les propositions. Les rebelles ont bien conscience que s’ils se divisent, leur force de frappe est complètement diminuée.

Quelle est leur marge de manœuvre ?

– On est dans une position d’attente. Il y a un débat au sein du Séléka pour savoir ce qu’il veut faire et ce qu’il peut faire. Les rebelles ont plusieurs victoires militaires à leur actif. Ils peuvent aussi compter sur l’addition des radicalismes : ils ne sont pas seuls, l’opposition légale est aussi convaincue que François Bozizé doit partir. Ce dont je doute en revanche, c’est que le président Bozizé soit prêt à prêter une oreille attentive à cela.

Qui va s’assoir autour de la table des négociations de Libreville ?

– D’après les propositions béninoises, il y aura des représentants de la société civile, les principaux chefs de l’opposition légale, François Bozizé et quelques personnes de son parti et évidemment les rebelles. Pour ces derniers, l’opposition légale est l’équivalent du régime Bozizé. La Ceeac, l’Union africaine et les Nations unis seront aussi présents et auront des rôles de facilitateurs.

Mais tout cela c’est un peu de la mise en scène pour souligner devant la communauté régionale que les rebelles font des compromis. C’est le moment de la négociation, chacun montre ses dents. Il faut attendre.

Que peut-il se passer ?

– Plus le temps passe plus la structure de la rébellion s’affaiblit. Ils vont devoir décider vite de ce qu’ils vont vraiment faire : négocier ou essayer d’entrer dans Bangui ?

De l’autre côté, j’ai du mal à croire que le président centrafricain est en train de préparer ses dossiers pour aller à la négociation. Réfléchit-il aux moyens de remonter son armée et préparer un nouveau dispositif militaire pour une contre-offensive significative ? François Bozizé sait la capitale à priori sécurisée, et il lui reste un peu de temps pour y penser. Les incidents quasi-quotidiens qui se déroulent à Bangui lui donnent du crédit quant à sa théorie de la menace extérieure.

S’il va à Libreville, il peut revenir sur ses promesses et tenter de pousser les rebelles à la faute. L’enjeu pour lui est de conserver la Ceeac de son côté au moment où il lancera une éventuelle contre-offensive.

A l’inverse, l’enjeu pour les rebelles est de convaincre la Ceeac que François Bozizé est le problème et qu’en le sortant du jeu, on règle ce problème.

La France dit être en contact avec toutes les parties…

– La France parle avec tout le monde évidemment. Mais elle ne veut pas s’impliquer plus au risque de devenir un bouc émissaire idéal et d’être tenu responsable d’un processus qui n’est pas le sien. Comme au Nord-Mali, elle n’interviendrait que dans le cadre d’une résolution du Conseil de sécurité ou en appui aux organisations régionales.

Propos recueillis jeudi 3 janvier 2013 par Sarah Diffalah

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