Par Benoit Hili – Le Nouveau Réveil
« L’ancien Premier ministre », Aké N’gbo, et plusieurs de ses compagnons de cellules, dont des anciens ministres de « son » gouvernement, ont été libérés le 22 décembre der nier.
Quelle réaction à cette libération provisoire ?
C’est un grand pas qui a été fait en direction de la paix et de la réconciliation entre Ivoiriens. Nous pensons que le gouvernement devrait aller plus loin. Les Ivoiriens attendent une normalisation et cette normalisation ne peut se faire que si tous les acteurs politiques sont libres de leurs mouvements et sont prêts à participer au dialogue national.
Quand vous dites que le gouvernement doit aller plus loin, à quoi pensezvous précisément?
Aller plus loin, c’est d’abord la libération des autres prisonniers politiques. Ensuite, c’est l’ouverture d’un vérita ble dialogue qui soit élargi au Fpi et à toute l’opposition. Je crois que c’est une porte ouverte. Et nous devons saisir cette occasion pour ramener la paix sociale dans notre pays.
Estce à dire que l’on doit faire l’impasse sur les procédures judicaires en cours ?
Vous savez bien qu’il a été dit qu’il s’agit de libération provisoire. Ce qui veut dire que chacun d’eux peut maintenant s’organiser pour préparer sa défense, en prenant déjà connaissance des charges qui sont retenues contre lui. Par conséquent, la justice suivra son cours. Le pouvoir discrétionnaire du chef du l’Etat, c’est aussi celui de permettre que tous les autres prisonniers soient libérés et qu’une fois libérés, ils puissent, dans la sérénité, préparer leur défense.
Vous plaidez donc pour des libertés provisoires qui permettent aux anciens détenus de préparer leur défense devant les tribunaux. Vous ne plaidez pas pour des libérations
définitives.
Je pense que la liberté définitive interviendra, lorsque la justice aura prononcé ses sentences et que le chef de l’Etat, par une loi d’amnistie, aura mis un terme à cette page triste de notre histoire. N’oublions pas que l’équité de traitement doit être de mise car, les auteurs de crimes de l’autre camp sont libres et ne subissent aucune tracasserie.
Quand vous dites qu’il faut libérer tous les prisonniers politiques, vous y incluez aussi la libération de l’ancienne Première dame Simone Gbagbo, qui, elle, est sous mandat international de la Cpi ?
Je crois que le gouvernement a dit assez clairement son intention de ne pas permettre le transfèrement de madame Simone Gbagbo. Dans ces conditions, bien que son cas soit exceptionnel, elle peut tout à fait vala blement bénéficier de mesures toutes aussi exceptionnelles.
Croyezvous que cette vague de libération du 22 décembre, même si elle n’est pas encore à votre goût, va encourager la participation des proGbagbo aux élections locales du 24 février prochain ?
Pour la participation aux élections, nous avions déjà engagé un certain nombre de pourparlers avec le gouvernement. L’un des points saillants était la libération des prisonniers politiques, mais il y a également le problème sécuritaire qui continue de se poser. Par ailleurs, d’autres questions demeu rent : le découpage électoral et, la recomposition de la Cei, le finance ment des partis politiques pour les élections, si l’on veut que l’opposition participe significativement à ces élections.
Ce sont autant de sujets en discussions sur la table du Gouvernement par le biais du Cpd ?
Nous nous réjouissons de ce premier pas qui a été fait, mais nous pensons que le Gouvernement doit pouvoir aller plus loin, pour que les conditions soient réellement réunies, en tenant compte de ces contraintes.
Alors, Mel Théodore seratil candidat à ces élections ?
Je l’ai déjà dit, je ne suis candidat à rien. Ma première candidature, c’est la paix. Si je ne suis pas libre de pouvoir aller en toute sécurité sur toute l’étendue du territoire national pour soutenir mes candidats, si je ne peux pas y aller moimême faire campagne, vous voyez bien qu’il serait difficile de participer à des élections à titre personnel. Mais le parti a un certain nombre de candidats qui seront déclarés comme tels, lorsque, avec l’ensemble des partis de l’opposition, nous nous serons mis d’accord avec le Gouvernement, sur le reste des conditionnalités qui nous semblent essentielles pour un scrutin qui soit transparent et libre.
Voulez-vous dire que vous et vos amis rentrés d’exil, notamment Kabran Appiah, Lagou Henriette et les autres, n’êtes pas libres de vos mouvements ?
Vous savez très bien qu’il y a le fait de pouvoir se déplacer dans le district d’Abidjan, de bénéficier de la protection rapprochée, comme c’est le caset pour cela, nous en sommes grés au Gouvernementet il y a le fait de pouvoir aller en campagne sur l’ensemble du territoire, les conditions ne sont pas les mêmes. Sur ce plan, nous estimons que les conditions ne sont pas réunies.
Quel est l’évènement qui vous a le plus marqué en 2012 ?
C’est d’abord la libération de nos amis et frères qui ont été emprisonnés à la suite de la crise postélectorale. Cela constitue pour moi un véritable évènement car, c’était le plus grand challenge politique du président Ouattara. Cela dit, je suis particulièrement inquiet des troubles récurrents liés aux attaques contre les forces de sécurité. Cela, vraisemblablement, pose le problème de la sécurité de l’Etat et des institutions. Ces attaques doivent cesser. Nous devons marcher vers une normalisation. Le jeu démocratique a besoin de sérénité pour être crédible.La démocratie est absolument incompatible avec les bruits de bottes et le crépitement des armes. Ce sont des actes incontrôlés et irresponsables. Car, la loi du talion peutêtre un réel danger pour la société ivoirienne elle même. Nous appelons vivement à l’arrêt de ce type d’atteintes. Il faut un engagement collectif de tous les Ivoiriens de tous bords politiques pour condamner ces agissements et amener l’ensemble de la classe politique vers des élections apaisées, l’année pro chaine.
Certains croient que ces attaques répétées contre les Frci sont une conséquence du déficit du dialogue politique. Qu’en pensezvous?
N’étant pas auteur, coauteur ou instigateur de ces attaques, je ne peux pas dire si elles surviennent à cause du fait d’un déficit de dialogue, mais il est certain qu’une concorde nationale peut les affaiblir.
Le 19 décembre dernier, vous étiez présent à la paroisse SaintJean de Cocody, à l’occasion de la commémoration de la 19ème année de la disparition du président Félix
HouphouëtBoigny. Dès lors, la question que j’ai envie de vous poser est : êtesvous houphouëtiste ou gbagboïste ?
Il serait fastidieux de dire ce que le président Félix Houphouët Boigny a fait pour moi et pour la Côte d’Ivoire. C’était un grand homme politique, quelqu’un qui, certainement, ne sera pas oublié de si tôt par les Ivoiriens. Pour moi, il était un père. Par conséquent, un évènement aussi important que celui que vous évoquez, doit pou voir nous réunir et être un pont supplémentaire vers la réconciliation. Le président Laurent Gbagbo a été chef de l’Etat, j’ai été son collaborateur comme d’autres. J’ai eu à le soutenir pendant les élections présidentielles parce que ça a été une décision du congrès de mon parti en 2005 et renouvelée en 2007. Je l’ai fait comme d’autres ont soutenu l’actuel président de la République. C’est un jeu démocratique, la partie est close et aujourd’hui nous devons passer à autre chose. Il n’est pas question de diviser les Ivoiriens en proGbagbo ou pro Houphouët, proGbagbo ou proOuattara, proGbagbo ou proBédié. Je crois que nous devons nous battre pour la nation avec des visions diffé rentes et non pour des hommes car, tous passeront, mais les idées et la nation demeureront. Le président Gbagbo a ses qualités et ses défauts. Chacun apprécie comme il l’entend. Les autres hommes politiques ont aussi leurs qualités et leurs défauts. Chacun apprécie à sa juste valeur et cela est purement subjectif. Mais il faut éviter de marquer au fer les uns et les autres. Car, si nous continuions à nous démarquer de la sorte, cela voudrait dire que nous voulons continuer à aggraver la fracture sociale dans notre pays. Telle n’est pas ma démarche politique.
Certains disent que la classe politique a échoué, depuis le décès d’Houphouët parce qu’elle a passé le plus clair de son temps à s’entre déchirer. Ils en veulent pour preu
ve que, pas un Chu, pas une université, pas une autoroute, n’ont été construits depuis 20 ans.Qu’estce que vous en pensez ?
Certainement qu’elle a échoué à cause de la rébellion. Une rébellion qui a commencé par un coup d’Etat contre le président Bédié. Un coup d’Etat que j’ai condamné et qui m’a valu de partir du Pdci parce que j’ai refusé la mise en congé du président Bédié de la présidence du parti, comme le soutenaient bien d’autres et non des moindres. Alors, la classe politique a-t-elle échoué ? Oui, parce qu’elle n’a pas eu les ressorts suffisants pour offrir aux uns et aux autres les moyens de travailler comme cela se fait dans les démocraties où il y a l’alternance. Et si elle a échoué, elle a échoué dans son ensemble. Cela dit, je vous rappelle quand même qu’avec l’équipe qui était dans le gouvernement Gbagbo, y compris les anciens rebelles, un certain nombre d’actions de développement ont été entreprises. Il ne faut quand même pas faire l’aveugle. Le pont Henri Konan Bédié, l’autoroute de Yamoussoukro ou le pont de Jacqueville n’ont pas surgi comme ça, exnihilo. Ensuite, le transfert de la capitale politique à Yamoussoukro, ce n’est quand même pas rien. La construction des hôpitaux généraux et leurs équipements ont été conduits par le ministre Allah Kouadio Rémy, etc. Je dois reconnaitre que le président Ouattara a bien fait de faire de la remise en état de l’université nationale et de l’ouverture d’autres centres de recherche à l’intérieur du pays, une priorité. C’est tout à son actif.
Votre nom est indissociable de la mairie de Cocody. Votre retour à la municipalité est-elle envisageable si vous êtes sollicité par les populations ?
Je vous ai dit que je ne suis candidat à rien et vous me demandez si je suis candidat à la mairie de Cocody. Je considère que j’ai beaucoup de choses à faire encore partager à mes concitoyens et que je serai un bon conseiller pour un maire. Cela dit, il est indéniable que les choses ont tellement changé, qu’Abidjan a besoin aujourd’hui d’avoir des maires qui soient absolument créatifs. Je fais confiance à tous ceux qui sont candidats, mais personnellement, je ne suis pas candidat à la
mairie de Cocody.
Qu’estce vous pensez du cumul des postes ?
Ailleurs, ils ont trouvé la solution. Jepense des responsabilités locales, de développement, peuvent être cumulées (ndlr : communes et régions) avec des fonctions ministérielles qui sont des fonctions politiques. Néanmoins, je considère que la Côte d’Ivoire a beaucoup de cadres dans nos régions, pour que chacun puisse dans sa localité exercer une responsabilité.
Quels sont, en quelques mots, vos souhaits pour 2013 ?
Je souhaite une excellente année à la Côte d’Ivoire, une bonne année à vos lecteurs, et que l’année prochaine soit une année où les Ivoiriens trouvent à manger à leur faim, où chacun puisse trouver du travail et construire son bonheur. Je souhaite, pour paraphraser le président du Pdci, le « progrès pour tous et le bonheur pour chacun ».
Interview réalisée au téléphone
par Benoit Hili
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