Vœux pour le nouvel an 24 décembre 2012 Par Martial Joseph AHIPEAUD, Ph.D.
Enseignant-Chercheur, Université de Bouaké
La dernière fois que je me suis retrouvé avec des amis de la Fesci dans le cadre de notre implication dans la réconciliation nationale, le jeune frère Sékongo Félicien me disait comme çà que le problème, selon les gens, avec toi Général, c’est qu’on ne sait pas de quel côté tu es. C’est exactement la même chose qu’un ami et cher aîné me rappela comme pour me dire que ma démarche est certainement digne du crabisme, défini par le Président Gbagbo, comme l’habilité de l’homme politique à imiter le crabe dans sa tactique pour empêcher une lecture directe de sa démarche. J’ai souri et je lui ai répondu simplement que ma position est claire sauf à ceux qui ne veulent pas la voir parce que je voulais tourner en dérision cette question lancinante que les gens me posent en permanence depuis des années, à savoir, pour qui roule Ahipeaud ?
Plus récemment, c’est une dame, Léocadie Koudou, fréquentant l’Eglise de mon frère aîné Luc, qui s’est vue dans le rôle d’une spécialiste du 20H de la RTI en annonçant à qui voulait la croire qu’Ahipeaud travaille pour Ouattara. Et selon elle, les preuves sont les suivantes : d’une part, il est enseignant à l’université de Bouaké. Or Bouaké est le bastion des rebelles. S’ils ne l’ont pas encore tué, c’est qu’il travaille pour eux. D’autre part, elle donne la preuve du fait que Luc, Le Pasteur, soit allé à Abidjan et qu’il en soit revenu comme là encore, la preuve de la protection dont il a bénéficié à cause du fait que son petit-frère, Martial, est un homme de Ouattara. Parce que ce genre d’affirmations se tient à l’église, je crois qu’il est un temps pour toute chose. Il est aujourd’hui temps pour moi de dire de quel coté je suis et cela, sans ambages, ni fioritures, pour permettre à ceux qui veulent vraiment s’intéresser à moi, de savoir de quoi il est question.
D’abord, il est bon de donner des informations pour enlever l’ignorance aux gens car la Bible déclare que mon peuple meurt faute de connaissance mais surtout pour faire la part entre les menteurs enfiévrés et les gens de bonne foi. Pour devenir enseignant à l’université, on envoie un dossier à une commission qui recrute. Ce sont les départements concernés qui donnent leur accord après une réunion de l’ensemble des enseignants et de la commission. En 2005, après ma soutenance, je n’ai pas voulu rester plus longtemps en exil et j’ai envoyé mes dossiers à Abidjan. Pendant trois ans, le dossier a été perdu avant les séances de la commission de recrutement, comme par miracle. Il a fallu la vigilance de Dr Sékré pour qu’en 2007, je puisse enfin être de la partie et pouvoir être admis comme enseignant à Bouaké puisque Cocody où j’avais envoyé mes dossiers depuis 2005, n’a jamais voulu de moi. Et cela est compréhensible certainement pour des raisons purement politiques. Officiellement, je suis donc enseignant-chercheur à l’université de Bouaké depuis le 1er Mars 2008. Et les rebelles du MPCI ne siègent certainement pas à la commission. Alors je ne sais pas où Léocadie est allée chercher ses informations. Mais cela n’est certainement pas grave. Ce qui l’est par contre, c’est de dire que l’université était à Bouaké alors que depuis le 19 septembre 2002, l’université de Bouaké a été déplacée sur Abidjan et les cours avaient lieu dans divers endroits de la ville d’Abidjan. Quand on ne sait pas, on demande. Sinon, c’est la sorcellerie en plein midi que nous pratiquons. Il faut avoir peur des églises évangéliques ivoiriennes, du moins des sorciers qui les fréquentent et se font passer pour des chrétiens !!! C’est en octobre 2012 que l’université, son administration et tous ses services académiques, sont retournés à Bouaké. Et je n’y suis pas encore retourné, en attendant que mon cours d’initiation à l’histoire contemporaine soit programmé. Mais cela n’est pas l’affaire de Léocadie et de ces fieffés menteurs qui passent leur temps à médire sur mon compte depuis 22 ans que, à mon corps défendant, Dieu m’a confié une mission pour laquelle je continue de payer le tribut le plus lourd.
Oui! Moi, je peux comprendre que les gens me mettent, tantôt, quand ils sont dans l’opposition au pouvoir en place, de leur côté ou de l’autre côté, en fonction de leurs intérêts du moment. Sinon, je ne crois pas être comme les coupeurs de tête, comme le disait récemment mon ami et frère Djué, qui paniquent à la vue d’une lame puisqu’ils savent l’usage qu’ils en font eux-mêmes. Même si tu lui expliques que c’est pour couper un fil de pantalon, il ne va jamais te croire puisque lui, il utilise ce genre d’instrument pour couper les têtes. En d’autres termes, la malhonnêteté des gens est tellement ancrée en eux qu’ils font de la projection de leur personne dans les autres. Car comme ils se savent menteurs, roublards, voleurs et incompétents, ils projettent immédiatement leur veulerie, leur manque de dignité devant l’argent et autre forme de richesse ou de puissance, dans les autres qu’ils savent forcément différents d’eux, pour le besoin de la cause : mentir, salir, déshonorer.
Descendant, du coté de mon père, de lignées de familles du pays Krou (Hiré, Divo, Lakota, Gagnoa, Oumé), et du pays Guébié, précisément de Gaba, du coté de ma mère, mon éducation ne me permet pas certaines largesses, certains écarts avec la morale, la dignité et l’intégrité. Qui pourra me dire le contraire ? Car, si en 1990, j’avais triché avec ces valeurs, que serait devenue la Fesci, et donc la lutte de toute une génération ? Si j’avais continué à prendre l’argent à la présidence la nuit comme certains pour crier le matin contre le Président Houphouët, quelle lutte aurait-on connue ? Je veux aller plus loin : si mon ami Robert Caldérisi, alors représentant de la Banque Mondiale à Abidjan, n’avait pas complété les économies de ma femme Roselyne Guignon, en me donnant 500000F CFA comme cadeau de mariage, comment serais-je allé en exil au Royaume-Uni en 1994?
Car contrairement à certains grands militants de la Fesci, je n’ai jamais remis les pieds à la Présidence, encore moins, traficoter avec Jean-Vincent Zinsou, alors Directeur Général du CNOU. Car certains, qui se connaissent, savent que c’est cet homme, qu’ils combattaient de toutes leurs forces comme des enragés illuminés, qui a déboursé de l’argent pour leur payer le billet d’avion Abidjan-Londres. Après, c’est eux qui crieront sur tous les toits leur courage et leur intégrité. Oh Seigneur Jésus! Non, je me trompe : ils appellent ce genre de pratique faire de la politique! L’ambassadeur Jean-Vincent Zinsou, en 2002, dira au Général Robert Guéi, juste avant la formation de son parti, que ce dernier pouvait me faire confiance car je n’avais jamais remis les pieds dans son bureau depuis 1986, date à laquelle Alain Belkiri, le tout puissant vizir d’Houphouët-Boigny, lui avait demandé de me loger. Ce jour-là, il demanda à Guéi de me remercier parce que le jour de la mort de Zébié, en empêchant aux infiltrés se faisant passés pour des étudiants et voulaient mettre le feu à son bureau alors qu’il y était, j’ai certainement sauvé sa vie. Je n’ai pas triché avec mes responsabilités parce que je savais faire respecter le secrétaire général de la Fesci.
Oui ! J’ai toujours pris la fonction occupée au sérieux et je ne la confonds jamais avec les personnes. C’est pour cela que j’ai gardé du respect pour toutes les autorités mais que je n’ai jamais confondu leur fonction avec leur personne. J’ai toujours considéré qu’un responsable politique ou syndical devrait être mesuré à l’aune de sa foi, de sa dignité et de son intégrité. Mieux, mon sacerdoce royal a toujours été ces trois valeurs comme fondement du charisme du leader. Car sans la foi, la dignité et l’intégrité, tout discours politique est creux, sans vie. Pis, sans ces valeurs, tout discours politique est vecteur de mort, d’un esprit de mort plutôt. Au nom de ces valeurs, j’ai respecté le Président Houphouët, l’ami de mon père et celui qui a pris en charge tous les enfants de feu Jean-André Ahipeaud après son décès accidentel le 12 Mai 1977. Mais, au nom de ces valeurs, je lui ai imposé le respect du secrétaire général de la Fesci, par mon comportement ferme sur les questions de principe et ma volonté de faire aboutir les discussions en permanence. Lorsque Lida Kouassi Moise complotera contre moi, en actionnant des membres de mon Bureau Exécutif National, pour m’accuser de corruption de la part du Président Houphouët, je savais que son action était justifiée par une crainte de me voir fouler les pieds à Lakota dans le cadre du zogopê , c’est-à-dire, la jalousie assassine des cadres dans le processus de leur positionnement dans l’espace tribal. Lorsque certains de mes plus intimes amis se sont prêtés à ce jeu, j’ai compris que le pouvoir est une chose dangereuse. Car, alors que je sortais de prison pour avoir fait face à la machine de l’état, mes propres camarades pouvaient me traîner dans la boue alors qu’ils n’avaient que la parole de Lida Kouassi Moise comme garantie. Et pourtant, nous avions été dans des situations horriblement dangereuses ces deux années passées face au pouvoir. Mais le succès de l’entreprise pour laquelle j’ai tout sacrifié, y compris le bien-être de tous les Ahipeaud, puisqu’à cause de moi, tous ont été bannis : les carrières suspendues, les allocations supprimées, les brimades et autres trafics d’influence et autres humiliations permanentes de la part de la hiérarchie étatique qui se croyait obligée d’agir pour obtenir ma défaite. Car me conduire à Canossa fut une entreprise que tous tentèrent et cela, contre tous les Ahipeaud. Lida Kouassi Moise le savait mais il a choisi délibérément de mentir pour obtenir ma peau, me salir pour ne plus avoir à me combattre sur le terrain périlleux de Lakota qu’il voulait par tous les moyens, dont il rageait de devenir le maître absolu. Au nom de la contradiction au sein du peuple, j’ai gardé le silence sur cette affaire pour que, quelques années plus tard, le principe du zogopê conduise à une confrontation entre les cadres FPI de Lakota dont le résultat fut, tout simplement, la paralysie des services sécuritaires et de défense face à la rébellion qui se préparait au vu et au su de tous. Je reconnais ici que ma faute est entière. J’aurais dû dénoncer ouvertement ce genre de pratique. Peut-être, certainement, que j’aurais permis aux cadres du FPI de comprendre le danger des jeux internes alors que le but stratégique reste de renforcer l’état de droit et la démocratie dans le pays.
J’avais pensé, sincèrement, mais naïvement, qu’en me taisant sur ces complots, y compris celui de la tentative d’assassinat dont j’avais été la cible par les mêmes cadres du FPI de Lakota à notre sortie de prison, je protégeais la lutte, donc le leader de celle-ci, Laurent Gbagbo. Je reconnais, après toutes ces années, que sur ce point, j’avais commis une grave erreur. Car il faut combattre les menteurs et les opportunistes dans les luttes politiques. En général, ils vont de pair. Ils sont justes là pour se positionner. Ils veulent entrer dans le cercle fermé du Roi-Président pour pouvoir être à la place la plus juteuse quand le pouvoir sera conquis. Et là, ils font du mal à la lutte puisqu’ils encensent le Roi-Président et attirent la foudre sur tous ceux qui veulent, non pas leur positionnement personnel, mais la vérité intrinsèque qui, seule, permet au chef de se remettre en cause et donc, au final, de faire triompher les idéaux pour lesquels nous nous battons. Ces ennemis de la lutte sont les plus difficiles à démasquer mais ils sont les plus nuisibles. Ils enveniment les relations entre le chef et ses principaux lieutenants, surtout les militants de première heure parce qu’ils veulent les effacer pour triompher au près du chef. Et le chef qui se fait piéger par le miel qui coule de leurs lèvres fausses, fini toujours par oublier d’où il vient et où il devait partir pour se retrouver dans le décor, à coté de son objectif. Mais le plus grave, c’est qu’ils réussissent à gangrener tout le peuple. La preuve : lorsque Lida a dit aux membres de mon bureau que j’avais touché de l’argent d’Houphouët-Boigny sur la base d’une manipulation hautement machiavélique d’une crise gravissime que nous traversions juste après la prison, mes propres amis se sont mis en guerre contre moi jusqu’aujourd’hui.
Pis, le mensonge par l’accusation de l’autre comme traître pour éviter le débat interne qui est le seul moyen de maintenir la vérité dans l’équipe, a triomphé. Pour ne pas avoir à convaincre, on accuse ses contradicteurs de traîtrise de la lutte et le tour de passe-passe est fait. Car, de la bouche d’un traître, rien de vrai ne peut sortir alors que le vrai traître, c’est bien celui qui accuse sans cesse, crie plus haut que les autres, etc.
Alors que la politique est un art, non pas celui de savoir mentir et arnaquer, mais celui de savoir gouverner avec droiture, dans la justice et la vérité, on a fini par en faire un instrument de dépravation et de malhonnêteté. Aujourd’hui, je suis choqué que les sympathisants de notre camarade et cher aîné Laurent Gbagbo crient à la trahison contre Blé Goudé pour avoir créé un parti, sinon officialiser le statut de parti-bis, à coté du FPI, de son organisation. En lieu et place de poser les vraies questions qui devraient tous les conduire à mieux appréhender les grands enjeux tactiques et stratégiques de leur lutte, ils accusent de trahison un camarade qui n’a jamais dit qu’il était militant du FPI. Mieux, il a clairement dit qu’il n’était pas FPI mais qu’il supportait Gbagbo. Il est exactement dans le même cas de figure que les autres partis LMP qui ont fini par officialiser leur existence séparée du FPI. Or dans le cas d’espèce, la question devrait être de savoir si son action passée avait pour but d’aboutir à l’issue actuelle ou alors de faire triompher le combat de Laurent Gbagbo. En d’autres termes, l’aboutissement par la défaite et l’humiliation du Président Laurent Gbagbo était-il prévisible en fonction des objectifs stratégiques des membres de la galaxie ou alors pouvait-il en être autrement?
Il est important de bien discuter sur ce point pour ne pas avoir des quiproquos. En effet, si l’objectif stratégique reste le positionnement des personnes et non l’aboutissement de la lutte, il est clair que les dispositions tactiques varient et influencent irrévocablement l’issue du combat. Car dans une lutte, lorsque le but est collectif, les moyens restent aussi collectifs. On ne privilégie par la personne mais plutôt la cause. En d’autres termes, c’est la Cause Ultime que l’on regarde et non les personnes ou individualités dans le choix de sa tactique au quotidien pour ne pas compromettre l’issue stratégique de la lutte. Ainsi, en privilégiant l’ultime objectif identifié par tous comme étant le but, il est plus facile de déterminer les actions tactiques qui sont contre-productifs, sinon contraires aux objectifs du combat.
Par exemple, en ma qualité de leader de la Fesci, je n’ai jamais officiellement impliqué les leaders de l’opposition dans nos actions pour ne pas les compromettre et faciliter la tâche du pouvoir qui cherchait à les discréditer et trouver des preuves irréfutables pour, non seulement les condamner au plan pénal, mais aussi et surtout, pour les discréditer aux yeux du peuple et de l’opinion internationale. Sans preuve, le pouvoir PDCI fut contraint, obligé de monter des complots qui ont toujours fini par le discréditer aux yeux du peuple mais aussi de la communauté internationale. Aussi, je n’ai pas voulu, en son temps, causer des débats sur la nature interne des personnes en charge de l’opposition en me taisant sur le cas du complot de Lida, tout simplement parce que je ne voulais pas donner du répondant au pouvoir pour justifier aussi ses complots contre l’opposition. A aucun de nos meetings, nous avons appelé les étudiants à casser. Les casses étaient toujours en réaction à la brutalité policière. Pour mémoire, notre plus grande marche, celle du 5 Février 1992 qui a mobilisé plus de 30 000 personnes ce jour-là, n’a pas eu à dénombrer une seule casse. Pourquoi ? Parce que la police, ce jour-là, a fait son travail en encadrant les marcheurs jusqu’à la présidence, place de la république. Et ce jour aussi, j’ai dû déployer mon art pour tuer dans l’œuf un autre complot interne pour éviter de verser le sang de mes militants. Un général ne peut pas vivre du sang versé de ses militants et dire qu’il mène une lutte. S’il en fait un moyen permanent, il sert plutôt le dragon buveur de sang qui lui en exige constamment pour assurer sa force, son soi-disant charisme diabolique. On le sait maintenant parce que nous avons grandi dans la connaissance des choses spirituelles. Car, pour nous, la lutte, c’est agir pour le mieux-être des peuples, non pas leur meurtre sous des fallacieux prétextes.
Ainsi, en s’interrogeant sur les objectifs des combats tactiques, on finit toujours par voir la vérité, nue, brûlante. Elle peut rougir les yeux. Mais elle finit toujours par garder la direction stratégique de la lutte d’erreurs inutiles, infantiles. Par exemple, avait-on besoin d’appeler les jeunes à s’en prendre aux individus de l’autre camp quand il s’agit de défendre sa cause qui est noble, celle de faire triompher la justice et la vérité? Pourquoi n’avoir pas dénoncé ces appels comme déviationnistes puisque le but de la lutte de Gbagbo n’était certainement pas de faire tuer ou brûler mon ami et frère Smithy ou Sinan, ou encore les ivoiriens ou étrangers, même ceux qui sont contre lui parce qu’ils n’ont pas compris, en ce moment précis, les enjeux de cette bataille ? Pourquoi même accepter que le Président Gbagbo, porteur de l’espoir de cette lutte, aille jusqu’au sacrifice de sa personne alors que ceux qui étaient censés être les généraux hors catégorie avaient déserté le champ de bataille ? Pourquoi même appeler les jeunes à se constituer en bouclier humain puisque ce concept est une affirmation claire de sa propre défaite face à l’adversaire dans un contexte de guerre ouverte ? Si on sait que nous n’avons plus de répondant, on recule tactiquement pour mieux sauter mais on ne reste pas dans les magnans, sinon on ne demande pas aux autres de venir dans les magnans au moment où on a pris la fuite. La capacité d’un général à transformer sa défaite en une victoire prochaine est l’ultime art de la guerre. Sa volonté de mettre un terme à la résistance en sacrifiant toutes ses forces dans un combat ponctuel, ce qui est appelé aussi suicide, est une aberration à tout point de vue. Et ses lieutenants qui se sont prêtés, sinon qui ont encouragé cette option, ne peuvent revenir après pour se positionner en héros d’une lutte qu’ils ont consciemment orienté dans cette voie. Soit, et là alors le concept s’applique, ils sont des traîtres en cela qu’ils ont accompagné le leadership dans cette voie pour le sacrifier et se substituer à lui ; soit ils ont un esprit de suicide qui ne justifie pas leur reprise du combat. Et, selon moi, c’est le premier point qui est la vérité puisque les gens ont toujours gardé leur lucidité.
Aujourd’hui, le Président Laurent Gbagbo doit certainement savoir qui l’a accompagné pour l’effacer ou qui l’a trahi, ou encore qui est son vrai camarade de lutte pour l’avoir interpellé sur la tactique ou encore sur les choix stratégiques. Il a été facile pour certains de dire que celui-ci est un traître, celui-là un vrai camarade. Mais le résultat des actions reste le seul critère d’appréciation des hommes. Qui, entre par exemple, du Général Mathias Doué qui a déconseillé l’opération dignité en 2004, et ceux qui l’ont soutenu, pour aboutir au fiasco, sinon au désastre de la destruction de l’aviation ivoirienne, et la perte en vie humaine de centaines de jeunes, sont les traîtres à la lutte du peuple ivoirien? Et pourtant, généralissime, Doué avait prédit que si la rébellion avait des soutiens tapis dans l’ombre, il serait difficile que ceux-ci acceptent une victoire militaire de Gbagbo qui est contraire à toutes les raisons qui justifiaient leur soutien à une entreprise de déstabilisation d’un pays. En d’autres termes, si, par exemple, La France est supposée être le soutien de la rébellion comme les théoriciens du régime le clamaient haut et fort, comment la France assisterait à la défaite de la rébellion et à l’intronisation de Gbagbo comme ROI D’EBURNIE, ad vitam aeternam ? Si Gbagbo l’avait écouté, il n’aurait pas fait l’opération dignité et aurait préservé sa force militaire intact pour le moment de la confrontation effective. Et c’est cette attitude que Chérif Ousmane, portant simple instructeur commando de la Firpac (Force d’Intervention des Parachutistes Commando, a eu tout au long des dix ans, pour pouvoir sortir ses forces le moment de la confrontation effective. Qui plus est, il a eu un argument qui lui a permis d’avoir la communauté internationale de son coté. Car, on le sait aussi, une guerre ne se gagne pas forcément seul. Sun Tsu a dit d’affaiblir les alliances de l’adversaire. Les moyens tactiques utilisés pour le faire comptent peu si le but est atteint. Et cela, la rébellion l’a réussi là où les grands généraux, qui poussaient Laurent Gbagbo en 2004 à faire l’opération Dignité, ont échoué. Au final, ils ont tourné casaque pour ne pas être emportés par la vaste coalition qui voulait le Président Gbagbo hors de la présidence. Oui ! Ceux qui ont conduit à la chute et l’exil de Mathias Doué, ont aussi brillé par leur absence puisqu’ils n’ont pas voulu accompagner le chef dans la bataille tactique qu’ils savaient perdu d’avance. Pourquoi ne pas alors contraindre le chef à abandonner cette option pour lui permettre de conserver ses chances de rebondir par la suite? Bref, tout comme la question des jeunes ou des militaires, il ressort clairement que les actes sont le déterminant principal puisqu’ils révèlent la position de chacun. Il reste donc à se poser la question cruciale : qui a trahi qui : ceux qui ont conduit le Président Gbagbo dans sa chute et donnent du répondant aujourd’hui à ses ennemis ou ceux qui ont toujours été ferme dans le refus de soutenir des positions qui étaient contraires aux engagements principiels de la Gauche Démocratique historique dont les leaders sont Gbagbo Laurent, Zadi Zaourou, Tanoé Désiré, Francis Wodié, Bamba Moriféré, Marcel Etté ! Qui a donc trahi qui : ceux qui ont fui en demandant aux gens de devenir des martyrs ou ceux qui ont dénoncé, en avance, la malhonnêteté de ces derniers parce que connaissant la fin du film et ont ainsi travaillé, par une tactique fine mais hautement périlleuse, à préserver le peu de crédit nécessaire pour relancer la lutte qui doit continuer ? Certainement que beaucoup de ceux qui accusent les autres de traîtrise ne voudront pas faire cette introspection personnelle pour savoir si oui ou non, tout au long de ces années de guerre, par nos propres actions, nous avons contribué au résultat actuel. Et si à ces interrogations profondes, la réponse est affirmative, alors quelle attitude adaptons-nous pour 2013 et les années à venir pour faire triompher le combat pour lequel on a certainement sacrifié beaucoup, si tant il est vrai, que chacun, à son niveau, doit aussi savoir ce qu’il a pris comme coups ou ce qu’il a perdu, avant de jeter l’anathème sur les autres ? Car quand on a rien risqué et rien perdu dans une lutte, il est quand même inapproprié d’en ajouter aux blessures et autres douleurs des militants, des leaders.
En définitive, il se trouve que pour ma part, mes positions ont été claires depuis 1990. J’ai engagé le combat pour les libertés et l’amélioration des conditions de travail et de vie des étudiants. Je n’ai pas triché avec mes convictions pour pouvoir me remplir les poches pour ensuite utiliser cette rente comme trésor de guerre pour me positionner dans une lutte qui ne deviendrait qu’un positionnement de ma personne sur l’échiquier politique ivoirien et non un engagement principiel pour le changement. Je me suis opposé à l’Ivoirité comme instrument de manipulation des masses à des fins politiciennes. J’ai dénoncé les dérives des refondateurs comme cause principale de l’échec du Président Gbagbo puisque ce dernier avait pris rendez-vous avec le peuple ivoirien pour faire triompher les principes démocratiques, ceux de la bonne gouvernance et de la compétitivité de notre économie, bref, pour le développement économique autocentré de notre pays. Gbagbo n’avait pas fait 30 ans de sacrifices pour que des petits malins profitent de lui pour s’enrichir et mépriser le peuple. J’ai été accusé de traîtrise pour cela. Mais je suis resté ferme sur mes positions de refus de l’aventurisme et de l’opportunisme. J’ai dénoncé la violence parce qu’elle ne conduit pas au progrès qualitatif des peuples mais aboutit toujours au triomphe des opportunistes profiteurs. Aujourd’hui, je ne saurai aussi accepter les dérives du pouvoir puisque nous avons combattu, non pas pour le triomphe des individus, mais pour une seule cause, celle de la liberté du peuple ivoirien à choisir ses leaders, en toute transparence. Toute autre option sera combattue, avec détermination et fermeté, mais exclusivement par les moyens pacifiques.
Mon engagement n’est pas pour les hommes mais pour les causes. Et j’ai constamment les yeux rivés sur celles-ci : Liberté, Justice, Vérité. Et mes moyens sont restés les mêmes : La Foi, LA Dignité, L’Intégrité. Car tous ceux qui se battent pour la justice, la liberté et la vérité ne peuvent pas ne pas avoir la foi en un avenir meilleur pour notre continent et ne peuvent pas ne pas croire au retour de sa dignité par le combat intègre de ses fils. Voilà de quel coté je suis. Maintenant, si je ne vois pas que l’action du pouvoir, ou de ceux qui gèrent notre pays, entre dans ces objectifs ultimes qui symbolisent l’Amour sincère pour son peuple et son continent, alors je ne serai jamais avec lui. Et si j’ai enduré la pauvreté et la médisance exécrable des gens pendant ces 22 dernières années, ce n’est pas maintenant que je céderai. Alors, comme pour faire comme mon ami Armand Ngando du Cameroun, je dis simplement « Merde alors! » pour ceux qui me traitent de tous les noms puisque, et cela est la Vérité, l’Histoire m’a donné raison et Dieu a été mon seul soutien !
Bonnes fêtes de Noel et du Nouvel An à tous !
Martial Joseph AHIPEAUD, Ph.D.
Enseignant-Chercheur, Université de Bouaké
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Président de l’Union pour le Développement et les Libertés
1er Secrétaire Général et Membre Fondateur de la FESCI
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