21 décembre…Les Zapatistes réapparaissent ? Le « Manifeste de l’Ile du Soleil » d’Evo Morales

Source: humanite.fr

Les chiens de garde s’esbaudissent… Les Zapatistes, comme la Vierge Marie, sont réapparus! En plus d’être au service de leur maître, ces mercenaires du papier et de l’image n’y connaissent rien. Depuis plusieurs années, l’EZLN, l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, et le sous-commandant Marcos, volontairement, se taisaient. Il y a des silences plus bruyant que le vacarme.

Les Zapatistes se sont « repliés » sur leurs communautés (les « caracoles ») dotées de « juntes de bon gouvernement ». Dans ces espaces autogérés, ils mettent en place des relations sociales nouvelles, des logiques solidaires, des modèles alternatifs, loin des lois iniques du marché. Et nous aurions beaucoup à y apprendre.

Le 21 décembre, 40 000 Indiens zapatistes venus de la forêt lacandonne, des Hauts du Chiapas, de la Zone Nord, ont manifesté silencieusement dans les rues de San Cristobal de las Casas, Palenque, Ocosingo… et en ont occupé les places centrales. C’était la mobilisation la plus importante depuis le soulèvement zapatiste du 1 janvier 1994. C’est que malgré les pseudo-accords, sur le fond, rien n’est réglé. L’assassinat de 45 Indiens tzotzils à Actéal, il y a 15 ans, reste impuni.

Plus de 10 millions d’Indiens vivent dans de conditions de misère épouvantable. Les « Accords de San Andrés », qui marquaient une avancée dans la conquête des droits, sont restés lettre morte. La nouvelle « irruption » pacifique de l’EZLN met toutes les grandes forces politiques au pied du mur. Ces dernières se fichent du Chiapas comme de leurs premières chaussettes; seuls quelques élus et militants du PRD, et les militants du nouveau parti de gauche (scission du PRD) dirigé par Lopez Obrador (Morena), et au sein duquel militent des intellectuels comme Paco Ignacio Taibo II, soutiennent le mouvement. Il faut entendre ce « Basta ya » : huit Indiens sur dix vivent dans l’indigence, tandis que les ressources naturelles de leurs territoires sont pillées par des compagnies minières privées et étrangères.

L’EZLN a publié ce 21 décembre un communiqué-poème dans lequel elle invite à entendre les revendications des nations indiennes. Le sous-commandant Marcos, lui, n’est pas réapparu.

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les zapatistes sont toujours là »

Bolivie: le « Manifeste de l’Ile du Soleil » d’Evo Morales

Le 21 décembre, le président de l’Etat plurinational de Bolivie, Evo Morales, a choisi de célébrer le Solstice d’été sur l’Ile du Soleil. A cette occasion, il a prononcé une allocution-manifeste : « le Manifeste de l’Ile du soleil ». Vue son importance, ce texte mérite d’être largement connu; nous en avons traduit quelques passages, qui nous semblent les plus représentatifs.

« Depuis l’Ile du soleil, depuis notre lac sacré Titicaca, nous voulons vous dire que nous sommes réunis ce 21 décembre, non pas pour attendre la fin du monde (…), mais pour donner de l’espoir en cette aube nouvelle pour les peuples » (…).

« Cette Ile est fondatrice du temps et de l’histoire des fils du Soleil. Mais ensuite est tombée l’obscurité, avec l’arrivée des envahisseurs étrangers ». (…) « Aujourd’hui, de cette Ile où naquit le « Tahuantinsuyo », nous déclarons révolue l’époque de l’obscurité et du « non-temps », tandis que s’ouvre le nouveau temps de la lumière, le « Pachakuti » (légende andine traduisant la renaissance, les temps nouveaux, la régénération de l’harmonie cosmique. J.O.). « A nouveau, les peuples du monde, les mouvements sociaux, tous les marginalisés, les discriminés, les humiliés s’organisent, se mobilisent, prennent conscience et se lèvent comme au temps du « Pachakuti ». Le monde est plongé dans une crise globale (…). Le temps du capitalisme et de la surconsommation illimitée, le temps d’une société où l’homme prétend être supérieur à la Mère Terre, objet de sa domination impitoyable et prédatrice, prend fin ».

« D’un côté, toujours plus de capitalisme, de privatisations, de mercantilisation, d’exploitation irrationnelle et dévastatrice des ressources naturelles, et toujours plus de protection pour les entreprises et les profits privés.

De l’autre, toujours moins de droits sociaux, moins de santé publique, moins d’éducation publique et gratuite, moins de protection des droits des personnes. Aujourd’hui, les sociétés et les peuples des pays développés vivent dramatiquement la crise du capitalisme, engendrée par les lois du marché. Ces gouvernements capitalistes croient que sauver des banques, c’est plus important que sauver des êtres humains. (…) Dans ce système capitaliste, les banques ont des droits économiques privilégiés, et sont traitées en citoyens de première catégorie, de telle sorte que les banques importent plus que la vie. Dans cette jungle sauvage, les hommes et les peuples ne sont pas frères, ne sont pas citoyens (…). Ce ne sont que des débiteurs mauvais payeurs, des ‘assistés’, des locataires, des clients ».

« Nous vivons le règne de la couleur verte: les politiques monétaires, de développement, écologiques, sont vertes comme le dollar ». « Face à la nouvelle vague de crises du système capitaliste, ses idéologues prônent la privatisation de la nature à travers ce qu’ils appellent ‘l’économie verte’, ou ‘le capitalisme vert’. Les préconisations du marché, du libéralisme, et de la privatisation, ne font que générer pauvreté, exclusion, faim et marginalisation ». (…)

« Ce 21 décembre, premier jour du « Pachakuti » (…) marque la transition de l’ère de la violence entre les êtres humains et contre la nature vers une nouvelle ère, où l’être humain et la Mère Terre ne font qu’un, et où tous les hommes vivent en harmonie et en équilibre avec l’ensemble du cosmos. (…) Nous sommes les Guerriers de l’Arc-en-ciel, les Guerriers du « vivir bien », les Insurgés du monde. Nous proposons dix recommandations pour faire face au capitalisme et construire la culture de la vie:
– refonder la démocratie et la politique, en transférant le pouvoir aux pauvres et en le mettant au service du peuple
– davantage de droits sociaux et humains, et non la marchandisation des besoins humains
– décoloniser nos peuples et nos cultures pour construire le « socialisme communautaire du buen vivir »
– pour une vraie politique écologique contre tout « colonialisme environnemental de l’économie verte »
– la souveraineté sur les ressources naturelles est la condition pour s’émanciper de la domination néocoloniale et œuvrer au développement intégral des peuples
– atteindre la souveraineté alimentaire, et le droit humain à l’alimentation
– l’alliance des peuples du sud contre l’interventionnisme, le néolibéralisme, et le colonialisme
– le développement de la connaissance et des technologies pour tous
– la construction d’une union institutionnelle mondiale des peuples
– le développement économique ne doit pas se fixer pour objectif l’accumulation du capital et des profits, ni les bénéfices des marchés, mais doit être ‘intégral’, et viser le bonheur des gens et l’harmonie avec la Mère Terre.

(Ces dix points sont largement détaillés par Evo Morales dans le Manifeste. J.O.)

« La nouvelle époque est celle du pouvoir du travail, des ‘communautés’, de la solidarité des peuples, de la communion de tous les êtres vivants avec la Mère Terre, pour construire le ‘socialisme communautaire du vivir bien’. »

« Notre vision du socialisme communautaire du vivre bien’ repose sur les droits, et non sur le marché, sur le plein épanouissement et le bonheur des hommes ».

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