* »Alexandre Biyidi Awala, alias Mongo Beti (30 juin 1932 – 7 octobre 2001) est un écrivain franco-camerounais. Romancier renommé, essayiste engagé, enseignant, libraire et éditeur. »
Par Sephel
Vous doutiez dans une interview avec Lynx-info que les socialistes puissent mettre fin à la Françafrique. Avec le discours de Hollande lors du sommet de la francophonie, vivez-vous encore dans cette crainte ?
Plus que jamais. Le discours de Hollande est très flou, plein de bonnes intentions mais sans grand chose de concret. Il y a eu bien des discours de ce genre par ses prédécesseurs. Il faut donc attendre les actes pour juger de sa politique africaine. Jusqu’à présent, réception de dictateurs, participation au sommet de Kinshasa, ses actes sont plutôt dans la continuité de la politique africaine française traditionnelle.
Quelles sont les particularités de la droite et la gauche française sur la politique étrangère en Afrique? Comment expliquez-vous que la gauche soit plus proche de Ouattara que Gbagbo ?
Depuis que la gauche est parvenue au pouvoir, en 1981, on sait qu’il n’y a qu’une seule politique africaine de la France. C’est une politique coloniale. La gauche est plus paternaliste, la droite plus cynique, mais c’est la même idéologie raciste qui les anime toutes deux.
Pour ce qui est de Gbagbo, il n’y a aucune solidarité entre ceux qui se réclament du socialisme. Les intérêts égoïstes d’abord.
Finalement les bombes françaises ont-elles apporté la démocratie en Côte d’Ivoire eu égard à ce qu’on voit sur le terrain actuellement ?
Bien sûr que non. La solution de la crise politique était dans l’accommodement des parties. Mbeki, Rawlings, étaient les voix de la sagesse politique dans l’intérêt de tous les Ivoiriens. Ils n’ont pas été écoutés du tout.
Le président de l’Assemblée française Claude Bartolone a reçu Guillaume Soro. François Hollande, lui a reçu Ouattara. La « real politik » d’abord et ensuite les droits de l’homme et la démocratie. C’est ça ?
Est-ce qu’il y a même des hommes en Afrique. Ce sont tous des barbares. Il y a en effet seulement ceux qui nous servent et ceux qui nous contestent. La cécité volontaire des Occidentaux, à l’égard de dirigeants comme Soro, impliqué dans bien plus de crimes contre l’humanité que Gbagbo, scandalise ceux qui croient que le respect des Droits de l’homme est un principe de l’Occident. En fait ce n’est qu’un discours opportuniste à brandir contre leurs ennemis pour justifier leurs guerres.
L’association Survie a manifesté lors de la venue à Paris de Blaise Compaoré. Que reprochez-vous a un président qui a été élu de 80% des voix ? Ce n’est pas trop demander à François Hollande qui a besoin des pions en Afrique ?
La durée du pouvoir de Compaoré, depuis 1988, montre bien son côté antidémocratique. Outre son arrivée au pouvoir par l’assassinat de Thomas sankara, Compaoré a soutenu Charles Taylor, le bourreau du Liberia. Il a été le protecteur de la rébellion en Côte d’Ivoire. L’image de « médiateur » qu’on essaie de lui donner est usurpée. Tous les problèmes dont il s’est occupé ont empiré. L’exemple de la Côte d’Ivoire le montre assez.
Plus les organisations des droits de l’homme voudraient voir les seigneurs de guerre d’Alassane Ouattara devant les tribunaux et, plus ces derniers montent en galons. A-t-il les moyens de les livrer à la justice un jour ?
Ouattara en a évidemment les moyens, puisqu’il est au pouvoir, mais il n’en a pas la volonté puisque ces chefs de milice sont les artisans de sa venue au pouvoir. Il ne va pas scier la branche sur laquelle il est assis.
Guillaume Soro, premier ministre de Côte d’Ivoire dit qu’il ne faut pas mettre les morts d’Alassane dans la même balance que ceux de Laurent Gbagbo. Votre avis ?
Il n’y a en effet pas de comparaison. Les violences du parti de Gbagbo n’ont rien à voir en nombre, en nature, en durée avec celles du parti de Soro et de Ouattara, qui sont bien plus graves, qui se sont déchaînées même à l’intérieur de leur propre camp, avec l’assassinat d’Ibrahim Coulibaly, après que ses partisans eurent été sauvagement exterminés dans le nord. Le jour où l’histoire se fera rigoureusement, on pourra en juger équitablement.
Le franco ivoirien Michel Gbagbo est en prison. Comment expliquez-vous que Paris ne fasse rien pour sa libération et se démène pour connaître la mort du journaliste franco-canadien André Kieffer ?
Paris ne veut pas s’opposer à Ouattara. On constate aussi que l’affaire Kieffer n’a pas progressé d’un millimètre depuis que Ouattara est au pouvoir. Il y a une bizarre obstruction à tout progrès de l’enquête.
Il paraît que ce sont les entreprises françaises qui se partagent le marché ivoirien. Ceci explique l’acharnement des politiques français tout bord confondu pour le départ de Laurent Gbagbo du pouvoir ?
Rétrospectivement on peut penser que la volonté de Gbagbo d’ouvrir le marché ivoirien à toute sorte de fournisseurs a pu être une des causes qui ont provoqué l’acharnement de la France à le chasser du pouvoir.
Un homme et mille définitions. Comment vous analysez Ouattara ? Un démocrate ? Un bon économiste ? Ou un président au service des puissances occidentales ?
C’est le type même du pantin de l’Occident. Il a fait toute sa carrière au service des institutions financières qui oppriment l’Afrique. C’est lui qui a été chargé d’imposer la dévaluation du CFA aux présidents africains qui n’en voulaient pas. On ne peut pas, dans le même discours, dire comme il le fait que le Franc CFA a été profitable à l’Afrique et venir tendre sa sébile pour remédier à la « pauvreté galopante » des Africains.
L’UE ne semble pas non plus être dans la logique de bousculer Ouattara pour un jeu politique avec son opposition. Comment l’expliquez-vous ?
Le camp occidental est très uni quand il s’agit de ses intérêts communs. Les USA tentent bien d’élever un peu la voix sur les droits de l’homme, mais sans beaucoup de zèle.
Vous avez une idée sur les allez retours de Ouattara en France. 47 voyages en 17 mois de pouvoir. Vous trouvez normal pour un pays qui sort de la guerre ?
En tout cas c’est un signe évident de dépendance, que ce soit pour des questions personnelles, soins médicaux ou autres, ou pour des questions politiques, il ne trouve pas en Côte d’Ivoire ce qu’il lui faut, ni de quoi s’occuper.
Lynx.info : Je vous remercie
Source: lafriquepuissancemondiale2050
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