Dix-huit mois après la chute de Laurent Gbagbo, le pays reste miné par l’insécurité.
Pour sa seconde rencontre avec François Hollande, mardi, le président ivoirien, Alassane Ouattara, trouvera du soutien. La France, artisan clé dans le dénouement de la crise, n’entend pas lâcher le chef de l’État. À Paris, celui-ci vient faire valoir son bilan économique flatteur et symbolisé par une croissance attendue de 8 % l’an prochain. «La reprise est le bon point de la politique de Ouattara. Le reste demeure décevant même si tout le monde reconnaît que le travail à faire est immense et pas facile», résume un diplomate occidental à Abidjan.
Après dix-huit mois de pouvoir effectif, le nouveau régime tarde à imprimer sa marque. La réconciliation nationale après dix ans de crise, la reconstruction de l’armée, la justice et surtout le rétablissement de la sécurité se font attendre. Le soir, les grandes artères de la capitale économique se hérissent de barrages, plus ou moins légaux, où des hommes tatillons filtrent les voitures armes à la main. Une remontée des tensions liée à une série d’attaques entre août et septembre au cœur d’Abidjan. Coup sur coup, des commissariats, une caserne et même une centrale électrique ont été les cibles de commandos. Jamais revendiqués, ces raids portent pour beaucoup la marque des extrémistes favorables à Laurent Gbagbo. «Il ne faut pas exagérer l’importance de ces actions. Ce n’est sans doute qu’une poignée d’activistes peu organisés. Il n’y a pas de complot contre le pouvoir bien structuré», tempère une source sécuritaire haut placée. Mais le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, préfère demeurer prudent. «Il est évident que certains proches de l’ancien président rêvent toujours de déstabiliser le pays et ils y travaillent.» La fuite d’un rapport de l’ONU faisant état d’achats d’armes de la part de caciques de l’ancien régime réfugiés au Ghana, de camps d’entraînement au Liberia voire de liens avec des djihadistes maliens n’a pas apaisé les choses.
Arrestations arbitraires
Tout au long de l’automne, les arrestations se sont multipliées. Comme d’autres, Josué Essoh, un ancien «patriote» pro-Gbagbo, a été interpellé. «Des gens en civils m’ont embarqué sans rien dire et m’ont conduit à la caserne et m’ont jeté dans une cellule surpeuplée.» Il sera interrogé pendant quatre jours sans voire un juge. «Je n’ai pas été frappé mais avant de me libérer, les soldats ont exigé 100.000 francs CFA (150 euros: NDLR).»Amnesty International évoque des arrestations arbitraires, mettant en cause les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) et notamment les anciens commandants rebelles. «C’est un terme inexact. Les procédures ont été respectées», affirme Mamadou Diané, le conseiller aux Droits de l’homme du président.
Dans son bureau de la caserne Génie, à Abidjan, sous un immense portrait à l’huile de lui-même, le commandant Zaccaria Koné, l’un des anciens «com zone», reconnaît pourtant sans fard, faire arrêter et enfermer des civils. «S’ils ont des armes, ce sont des rebelles», résume-t-il, refusant de dire combien de suspects il détient dans les geôles de son camp. «Ce genre de comportement est le fruit de l’absence de réforme de l’armée. Aujourd’hui, les seuls militaires reconnus sont toujours les ex-rebelles de Ouattara et ils n’obéissent qu’à eux-mêmes. Les autres ne font que la figuration», déplore un officier. Dix-huit mois après la chute de Laurent Gbagbo, nombre de ses proches sont détenus sans que la moindre date de procès soit fixée. «On sait que la justice comme l’armée sont des problèmes qu’il faut régler au plus vite», explique un proche du président. Un organisme visant à restructurer l’armée a été mis en place. Le gouvernement a brusquement été limogé fin novembre. Autant de signes qu’Alassane Ouattara prend conscience de l’impatience de ses alliés.
Par Tanguy Berthemet
Le Figaro
Commentaires Facebook