ALAIN BOUABRÉ source: Soir info
Au terme de sa visite dans le Zanzan, le chef de l’Etat s’est prêté aux questions des journalistes. Le président Alassane Ouattara a dit ses vérités sur bien de sujets qui préoccupent aussi bien l’opinion nationale qu’internationale. Larges extraits de ces échanges avec la presse.
La Cour pénale internationale (Cpi) a rendu public un mandat d’arrêt contre l’ex-Première dame, Simone Gbagbo. La Côte d’Ivoire va-t-elle répondre favorablement à ce mandat d’arrêt ?
Effectivement, la Cpi a rendu public ce mandat d’arrêt, nous prenons acte de la décision. Le gouvernement aura le temps d’examiner la question et de se prononcer.
Monsieur le président de la République, pendant toute cette visite, vous avez parlé de paix et de réconciliation. N’êtes-vous pas en train de faire le travail de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation ?
Point du tout. Je l’ai dit et je le répète, la réconciliation est l’affaire de tous. C’est votre affaire, c’est mon affaire, c’est l’affaire de tous ceux qui sont dans cette salle. Et là, les Ong s’engagent d’ailleurs dans cette volonté de réconciliation de nos concitoyens. Je félicite les artistes qui ont mené la caravane de la paix à travers le pays et je pense que d’autres feront de même. Des ministres le font, des partis politiques le font et bien entendu la commission dialogue vérité et réconciliation également. Nous devons aller vite dans la réconciliation. Ce n’est pas chose facile, je me suis informé auprès des pays qui ont eu des drames comme le nôtre, le Rwanda, l’Afrique du Sud, le Burundi, le Liberia, la Sierra Leone. Cela prend des années. Mais un élément essentiel de la réconciliation, c’est l’amélioration du quotidien de nos citoyens. Et c’est pour cela que pour moi le programme économique est un catalyseur essentiel de la réconciliation. Et pour que nous ayons une croissance forte, il faut que tout le monde soit inséré dans cette volonté de réconciliation. Maintenant, la Commission dialogue vérité et réconciliation fait son travail. Cette commission fait du bon travail. Elle est en train de travailler à mettre en place des structures locales légères pour pouvoir aller le plus près possible des populations (…)
Je voudrais que vous nous situiez sur les actions des conseils régionaux…
(…)J’ai proposé de créer douze (12) districts en tenant compte des Districts autonomes de Yamoussoukro et d’Abidjan. Et ces Districts seront fournis bientôt en personnes et en gestionnaires et ce sont des personnalités qui auront rang de ministre. Parce que je veux une décentralisation et que ces Gouverneurs auront une vue d’ensemble sur la gestion de leur district (…)
Il ressort de certaines indiscrétions que les parents du ministre Anaky Kobenan, votre allié, ne se sont pas liés aux mouvements de foules car, selon eux, leurs fils n’est pas représenté au gouvernement. Du côté de l’Udpci également ont parle de strapontins avec un ministre au gouvernement. Monsieur le président de la République, le Rhdp n’est-t-il pas à l’épreuve de sa cohésion?
Point du tout. Je veux que les choses soient claires. Il y a un gouvernement qui doit travailler pour améliorer les conditions des Ivoiriens. J’ai indiqué que ce serait un gouvernement d’union. Mais cela ne veut pas dire que tout le monde sera dans le gouvernement. Cela doit être très clair y compris les alliés. Je suis responsable de l’Exécutif. Je dois mettre en place un gouvernement qui me permet d’offrir aux Ivoiriens ce que je leur ai promis. Il y a plusieurs structures dans la nation. Il n’y a pas que le gouvernement. Donc, le fait que tel ou tel parti ait un seul portefeuille ministériel n’est pas ma préoccupation. Je tiens à ce que ceci soit clair.
A ce stade, il me reste trois ans de mon mandat. Je veux réussir et je veux être conforme aux engagements à l’endroit des Ivoiriens et ce gouvernement que j’ai formé comprend des personnalités qui ont fait leur preuve dans le gouvernement ou ailleurs (…) Anaky Kobenan est un frère, un ami, un allié et il n’y a pas de problème entre nous. Je pense que je le vois et il me voit également.
L’Udpci a également une place au gouvernement du fait de la compétence du ministre Mabri Toikeusse. Gnamien Konan de l’Upci est au gouvernement. Rien ne dit que je garderai tout ce monde à tout moment. Il y a 5 personnes du Rdr qui ont quitté le gouvernement. Pourquoi vous n’avez pas noté cela. Si je voulais être partisan, j’aurai pu garder tous les ministres Rdr. Ce n’est pas ce que j’ai fait. Je veux un gouvernement qui donne des résultats. Un gouvernement qui me permettra d’atteindre les objectifs que je me suis fixés.
Dans toutes vos sorties publiques, vous ne cessez d’appeler les Ivoiriens à la cohésion. Vous venez de parcourir une région qui abrite la prison où se trouvent des prisonniers de l’ancien parti au pouvoir. Vous êtes pressés de réaliser vos promesses de campagne mais vos opposants posent des préalables. M. le Président allez-vous travailler avec ou sans le Fpi ?
Je ne sais pas si pour vous, travailler veut dire être au Gouvernement. Si c’est être au gouvernement, j’ai mon Gouvernement pour les trois années qui me restent. Que ce soit très clair. Maintenant, je tiens à la réconciliation et la réconciliation veut dire que chacun doit pouvoir apporter sa contribution. Des procès ont commencé. Certainement nous entendrons les résultats mais la Côte d’Ivoire a beaucoup d’opportunités dans le public comme dans le privé. Ceux qui seront blanchis par la Justice trouveront du travail ailleurs. Mais je veux que ce soit très clair, sauf cas de force majeur, le Gouvernement que j’ai est mon Gouvernement jusqu’à la fin de mon mandat. Je ne suis pas de ceux qui font de la politique politicienne à changer de gouvernement tout le temps.
Bien sûr, je souhaite qu’il n’y ait plus de dysfonctionnement comme nous l’avons constaté récemment à l’Assemblée. Ceci a créé une situation qui a créé en même temps une opportunité politique mais je préfère avoir une équipe solide, une équipe de personnes expérimentées. Vous voyez, le Gouvernement qui est en place connaît mes méthodes de travail. Je suis très content avec le rythme de travail qui est fait. Mais je veux qu’on accélère. Donc de grâce, si dans votre esprit vous pensez que je vais dissoudre le Gouvernement pour faire entrer tel ou tel parti, le Fpi par exemple ou le Cnrd, ce n’est pas mon intention.
Ceci étant, je suis ouvert au dialogue. Les préalables, je ne les accepte pas. Je veux que la Côte d’Ivoire soit en paix. Je veux que les uns et les autres contribuent au développement de notre pays dans tous les secteurs mais pas seulement au Gouvernement. Une proposition que je fais, c’est de participer aux élections locales pour avoir des maires, pour avoir des conseillers généraux. Et cela sera très utile à la démocratie à la base.
On a constaté depuis la mise sur pied des institutions, la justice ne s’intéresse qu’à un seul camp. Est-ce que vous n’avez pas l’impression qu’il s’agit d’une justice des vainqueurs et que la justice devrait aussi regarder dans l’autre sens ?
D’abord, il n’y pas de prisonniers politiques. Des personnes ont été arrêtées pour des délits qui n’ont rien à voir avec le politique. Il y a l’illégitimité d’un gouvernement auquel elles ont participé. Ceci dans tous les pays du monde se traduit par un jugement, par une période d’emprisonnement. C’est ce qui s’est passé sous Vichy et d’autres régimes en France et ailleurs. Deuxièmement, des personnes ont été arrêtées pour des crimes de sang. Et ces personnes seront jugées. J’ai indiqué tout à l’heure les circonstances qui ont amené à ce que les procès n’aient pas encore commencé. Personnellement je souhaite que cela se passe le lus rapidement possible maintenant que tous les tribunaux sont fonctionnels, que les juges ont repris le travail et que le matériel est disponible. Écoutez, le reste on verra. La justice d’abord doit faire son travail et ensuite nous verrons ce qu’il y a lieu de faire mais je n’interviendrai pas dans les questions de justice. Je crois en la séparation des pouvoirs. Je l’ai dit, je le répète, nous avons des mécanismes pour que nous puissions aller à la réconciliation mais ceci demande que nous tenions compte également des victimes et des proches des victimes qui ont besoin que justice soit rendue. Justice des vainqueurs, je me suis toujours demandé ce que ça veut dire. Si nous avons une situation où un voleur entre chez quelqu’un et qu’on l’arrête et qu’on le met en prison, est-ce la justice du vainqueur de celui qui a été volé ? Vous savez, la justice des vainqueurs ça n’a aucun sens. La deuxième chose, c’est que toute personne est innocente jusqu’à ce que la justice décide autrement. Nous avons eu une crise post-électorale. Il y a eu des arrestations. Des personnes ont été arrêtées sur le fait et déférées, en train de piller des banques ou avoir pillé des banques, ou avoir pillé des gens, ainsi de suite. Maintenant la justice doit faire son travail. Nous avons eu aussi des affrontements et nous avons constaté des morts. Mais pour aller de l’avant, nous devons faire la lumière sur les crimes atroces et les tueries. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai créé une Commission nationale d’enquêtes et je leur ai fixé six mois renouvelables une fois. Pourquoi ? Parce que les précédentes commissions d’enquêtes n’ont jamais donné suite à des résultats. Mais je me suis fixé comme objectif de dire qu’on ne dépassera pas une année. La commission nationale d’enquêtes a rendu son rapport. Ce rapport a été rendu public. Je pense que vous l’avez tous vu sur internet. J’ai donné ce rapport au ministère de la justice. Ce rapport dit que dans les deux camps il y a des personnes qui ont commis des atrocités. Ces personnes seront jugées. Il appartiendra au juge de les convoquer et de faire des poursuites. Et il n’y aura de protection pour personne. Mais donnez le temps à la justice de faire son travail. Ceux qui ont été pris sur le flagrant délit sont en train d’être jugés, civils comme militaires. Ensuite on a une commission nationale d’enquêtes qui a indiqué qu’il y a à peu près 2000 personnes, 1300 dans un camp et 700 dans l’autre. Ils seront tous jugés, ces gens qui ont commis des atrocités. C’est comme cela que la Côte d’Ivoire doit fonctionner, qu’il y ait un État de droit. Que ceux qui ont commis des crimes passent devant les juridictions compétentes. (…) Et si ceci se fait dans les meilleurs délais, il est clair que la constitution donne au Président de la République pour accélérer le processus de rassemblement des Ivoiriens et l’union des Ivoiriens. C’est ce que j’appelle des gestes forts qui peuvent être faits. Mais moi je ne peux pas faire mon travail avant que la justice ne finisse son travail. Je suis pour la réconciliation, je suis pour le pardon, je veux seulement que nous ayons la capacité de reprendre ensemble la nécessité de faire avancer notre pays. C’est ma seule préoccupation en tant que Président de la République (…) Nous avons un calendrier qui est bouclé jusqu’en mars 2013. Ce que je veux préciser messieurs les journalistes, ces voyages, c’est pour apporter de l’argent au pays. Je suis Magellan c’est vrai, mais je suis heureux d’avoir la force physique et de faire ces voyages pour ramener de l’argent à la Côte d’Ivoire. Nous continuerons et nous n’allons pas perdre de temps. Nous voulons transformer le quotidien des Ivoiriens et l’image de la Côte d’Ivoire pendant le mandat que les uns et les autres ont voulu me confier.
Propos recueillis
A.BOUABRE
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