Avec L’Intelligent d’Abidjan Etat des droits de l’homme et reconciliation nationale…
Compte rendu de la conférence de presse du Secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, M. Ivan Šimonovic sur sa mission en Côte d’Ivoire (Abidjan, 1er décembre 2012)
M. Ivan Šimonovic(Secrétaire général adjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme) : Bonjour. J’ai commencé ma visite en Côte d’Ivoire, le mardi 27 Novembre. Elle se terminera demain. Lors de ma dernière visite en avril 2011, la crise politique était à son paroxysme. Depuis lors, j’ai pu constater un certain nombre de développements positifs. La reprise économique est en cours et la situation sécuritaire s’est améliorée dans la plupart des régions du pays. Toutefois, des défis de taille demeurent.
Ce mercredi, je me suis rendu à Man et Guiglo et le jeudi, je suis allé à Duékoué, dans l’ouest du pays. J’ai rencontré des membres du gouvernement local, des représentants de la société civile, les chefs traditionnels ainsi que les membres de la communauté. À Duékoué, j’ai visité Nahibly où un camp de personnes déplacées a été attaqué le 20 Juillet dernier. Alors qu’au moins huit personnes ont été tuées, beaucoup sont toujours portées disparus. Il est inquiétant que les circonstances de l’attaque n’aient toujours pas été clarifiées. Les auteurs doivent être identifiés et traduits en justice.
L’incident tragique survenu au camp de Nahibly me rappelle des scènes de Duékoué lors de ma dernière visite en 2011. Des corps ont été exhumés des fosses communes. Les victimes de ces crimes et leurs familles attendent toujours que justice soit faite. Une telle impunité, l’incapacité à tenir les auteurs de ces crimes atroces responsables, crée un risque grave de violence continue.
Je suis conscient du fait que l’enquête sur l’attaque du camp de Nahibly est en cours. A Man, j’ai rencontré le procureur qui dirige l’enquête. Il est essentiel que l’enquête soit approfondie, conclue rapidement, et que les auteurs soient tenus responsables. Ceci est important pour le bien de la justice, mais aussi pour la réconciliation et la prévention de futurs conflits.
Les membres de la communauté que j’ai rencontrés à l’ouest du pays ont soulevé des préoccupations au sujet de conflits fonciers non résolus et de la circulation illicite des armes à feu. Ces deux préoccupations ont le potentiel d’alimenter les conflits. Lors de ma rencontre avec les hauts fonctionnaires du Gouvernement à Abidjan, j’ai insisté sur la nécessité de travailler avec la communauté afin de résoudre ces problèmes de façon prioritaire.
L’an dernier, le gouvernement a créé une Commission nationale chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises lors des violences qui ont suivi les élections de 2010. La Commission a présenté en août son rapport au Président Ouattara. Il a immédiatement indiqué son intention de traduire les coupables en justice. J’ai exhorté les fonctionnaires en charge du dossier à prendre des mesures concrètes en ce sens. J’ai également rencontré le Président Ouattara et le Premier ministre Daniel Kablan Duncan et j’ai été encouragé par leur engagement à traduire en justice les auteurs de crime, peu importe l’origine ethnique, l’appartenance religieuse ou politique des auteurs de crimes.
Afin d’encourager la réconciliation, il est important que la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation, créée par le Gouvernement l’année dernière, accélère le lancement du processus de consultation nationale, particulièrement le processus de consultation nationale. Le dialogue national doit être ouvert, transparent et accessible à tous les Ivoiriens.
Le Gouvernement entreprend actuellement la réforme du secteur de la sécurité. Je comprends qu’il soit laborieux pour le gouvernement de faire avancer ce processus alors qu’il a récemment fait face à des attaques armées. Cependant, il est essentiel de poursuivre la réforme du secteur de la sécurité, en particulier pour renforcer la police et la gendarmerie afin qu’elles reprennent leur fonction de maintien de l’ordre public d’entre les mains de l’armée et des Dozos, chasseurs traditionnels devenus un groupe paramilitaire. Il est également important de prendre toutes les mesures nécessaires afin de prévenir et sanctionner les cas de détention arbitraire et de torture. À cet égard, j’ai demandé aux autorités d’accorder à la Division des Droits de l’Homme de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire un accès immédiat et sans restrictions aux centres de détention, y compris les camps militaires. Ces actions contribueront à renforcer la confiance de la population envers les services de maintien de l’ordre.
Je me félicite de l’adoption récente de la Loi sur la famille qui accorde l’égalité entre les hommes et les femmes dans le mariage. Il s’agit d’une étape importante dans la lutte contre la violence généralisée et la discrimination contre les femmes. J’ai encouragé le gouvernement à mettre en œuvre les recommandations du Conseil des Droits de l’Homme et du Comité sur l’élimination de la discrimination contre les femmes afin de protéger les femmes contre la discrimination, la violence, notamment la violence sexuelle et les pratiques traditionnelles néfastes telles que les mutilations génitales.
Des institutions nationales solides et efficaces, y compris les organes judiciaires et policiers, sont très importantes dans la protection des Droits de l’Homme. À cet égard, je félicite les efforts du gouvernement afin de mettre en place une nouvelle institution nationale des Droits de l’Homme. Une telle institution doit jouer un rôle essentiel dans la protection des Droits de l’Homme des Ivoiriens. Il est donc essentiel que la Loi relative à la création de la nouvelle institution nationale des Droits de l’Homme garantisse son indépendance complète du Gouvernement. J’encourage le Gouvernement à émettre une invitation permanente aux experts indépendants des droits de l’homme des Nations Unies
A Abidjan, j’ai également rencontré des membres de la coalition au pouvoir, RHDP (Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix) et des membres de l’opposition, le FPI (Front populaire ivoirien). Je leur souligné l’importance de dialoguer et de faire tous les efforts possibles afin de travailler pour le bien-être du peuple ivoirien.
La Côte d’Ivoire peut s’appuyer sur les progrès qu’elle a accomplis vers la reprise économique et le rétablissement de la sécurité. Le soutien continu de la communauté internationale est très important. Dans ce contexte, les consultations de la semaine prochaine à Paris, sur le Plan national de développement sont une occasion importante pour les partenaires au Développement de démontrer leur soutien. C’est également une excellente occasion pour le gouvernement de réitérer son engagement envers l’équité socio-économique, les Droits de l’Homme, l’Etat de Droit et la justice pour tous les ivoiriens sans distinction.
Je vous remercie
II. Questions–réponses
Maureen Grisot (Radio France International): The Ministry of Defence and Ministry of Justice and Human Rights organized a visit to military camps on Wednesday, last week. They were reacting after the reports from Human Rights Watch and Amnesty International about torture and human rights violations in military camps. What do you think of these visits? Do you think it is effective, do you think it is efficient to show to journalists those military camps even though what happened and what was denounced in those reports dated from March, April, August and September? This was in November. Thank.
M. Ivan Šimonovic: I wasn’t at that visit but I was on my visit and I didn’t read about torture only in the reports. I have met torture victims myself so I can confirm that torture was taking place. It is important that this issue is adequately addressed.
Traductrice: Brièvement, M. Ivan Šimonovic a dit qu’il n’avait pas participé à la visite qui a été organisée par le Ministère de la Défense mais qu’il n’a pas seulement lu des rapports qui dénonçaient la torture, il a rencontré des victimes de torture alors, il peut confirmer qu’il y a effectivement eu des cas de torture dans des camps militaires.
Thomas Morfin (Agence France Presse): Apart from torture do you confirm that many violations were committed after the recent attacks? Arbitrary detentions, arbitrary arrests and so on. Do you confirm that the violations were massive in August and September?
M. Ivan Šimonovic: Well, what I can say is that it is beyond any doubt that there were cases of arbitrary detention, that there were cases of keeping people incommunicado, as well as that some people were victims of torture. I can’t be sure about numbers but we have proven cases of such violations of human rights.
Traductrice: Il peut confirmer selon ce qu’il a vu, qu’il y a eu des cas de détentions arbitraires. Il y a des gens qui sont restés incommunicado. Il a également rencontré des victimes de torture. Il ne peut pas confirmer le nombre des victimes au total mais ce qu’il peut dire, c’est qu’il y a effectivement eu des cas.
San Obin (Le Quotidien d’Abidjan):Les organisations de Droits de l’Homme, depuis un certain temps, dénoncent les cas de torture d’enlèvements et d’emprisonnements, est ce que le Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des Droits de l’Homme, a pu visiter certains camps ? A t’il visité des prisons, par exemple la prison de Boundiali, l’ex Première Dame, est ce qu’il a pu visiter ces lieux de détention ? Autre préoccupation, depuis aout 2012, les enquêtes portant sur les violations des Droits de l’Homme qui ont été demandées par l’Etat de Côte d’Ivoire, le Gouvernement, ont été rendues au Chef de l’Etat. Cinq mois après, les fautifs ne sont pas sanctionnés, Quelle est la réaction du Secrétaire général adjoint de l’ONU chargé des Droits de l’Homme, sur le fait que cela traine jusque là ?
M. Ivan Šimonovic: I think that every State, every Government, every society, is entitled to protect itself from attacks. However in doing that, human rights should be respected. I visited one prison and I did visit also persons who were allegedly involved in attacks. Those people, just as all of the people, are entitled to respect of their human rights and to free and fair trial. I think that the problem of impunity is a very serious problem in the country. It is not only a matter of justice; it is a matter of addressing crimes, identifying perpetrators as a method of preventing future violations and future crimes.
Traductrice: Tous les Etats, sociétés et gouvernements ont le droit de se protéger contre des attaques mais les Droits de l’Homme doivent toujours être respectés. J’ai visité une prison où j’ai pu rencontrer des personnes qui étaient soupçonnées d’être impliquées dans des attaques et ces personnes ont également droit au respect de leurs droits et a des procès justes et équitables. Le problème de l’impunité est un problème sérieux et c’est non seulement un problème de justice mais une question qui va doit aider à prévenir de futurs crimes
M. Ivan Šimonovic: Unfortunately the History of Côte d’Ivoire was in cycles of violence. It is important to break these cycles. Otherwise, peace will just be a period between two conflicts and not a sustainable one.
Traductrice: Malheureusement l’Histoire de la Côte d’Ivoire est faite de cycles de violence alors il est important que ces cycles soient maintenant brisés. Si ce n’est pas le cas, les périodes de paix vont rester des intervalles entre différents conflits.
S.O. (Le Quotidien D’Abidjan): En fait j’ai l’impression que ma question n’a pas été bien comprise. Nous avons des prisonniers politiques qui sont à Boundiali, à Odienné, est ce qu’il a eu le temps de visiter ces personnes ? Autre préoccupation, certaines organisations des Droits de l’Homme ont dénoncé l’existence de lieux de détention, crées par les FRCI. Est-ce que lui, en tant que Secrétaire général adjoint de l’ONU, il a pu visiter ou rencontrer ces personnes qui sont dans ces lieux pour se rendre compte effectivement de ce qui est dit par certaines organisations des Droits de l’Homme qui font état de lieux de torture, est ce que cela a été fait ?
M. Ivan Šimonovic:I didn’t visit that particular prison and I cannot testify from personal experience about the situation there.
Traductrice: Il n’a pas visité la prison qui avait été identifiée par le journaliste et il ne peut pas confirmer ce qui se passe dans cette prison en particulier.
Kanaté Mamadou (Nord-Sud Quotidien) : M. Šimonoviæa dit que depuis sa dernière visite qui remonte à avril 2011, il a pu constater un certain nombre de développements positifs en matière sécuritaire et économique. J’aimerais savoir s’il a constaté des améliorations en matière des Droits de l’Homme ? Si oui, peut-il nous donner quelques éléments ? Merci.
M. Ivan Šimonovic: The economic recovery of Côte d’Ivoire is beyond expectations. It exceeded what international community was expecting so I think it is quite a success. I discussed with the new Prime Minister his economic plans and he has a clear vision on how to move economy and the developmental efforts forward. However, it does take time for the benefits to be enjoyed by the needy ones, still, unfortunately a number of persons are very poor. Some of it can be attributed to the lack of development and some to effects of hostilities. I hope that economic recovery will as soon as possible, lead to better quality of life of ordinary citizen.
Traductrice: M.Šimonovica pu constater qu’il y avait une reprise économique et la reprise économique de la Côte d’Ivoire va au delà des espérances. Il a pu en parler en détail avec le Premier ministre, et discuter de sa vision de l’économie. Il dit que malheureusement il pu constater que cela prendra du temps avant que les effets de la reprise économique ne se fassent sentir au niveau de la population. Il y a beaucoup de pauvreté et cette pauvreté est due à l’économie mais également aux hostilités. Il espère que bientôt la population en général pourra bénéficier des effets de ce développement économique.
M. Ivan Šimonovic: As far as human rights issues are concerned, of course, there are improvements that are undeniable; however, there is a long way to go as well. I think that particularly important is to address some of the pressing issues. Land disputes are not resolved efficiently enough. I heard from citizens their concerns about proliferation of arms, as well as increased cases of violence which leads to insecurity. I think it is highly important especially to strengthen the justice system in all of its components. The Police and the Gendarmerie should be empowered, strengthened and doing their work and there were also complaints about Dozos who are acting in way that harms sometimes human rights. Institutions of the State should be doing their duty. It is a part of process of normalization. It not easy to deal with a post conflict society, it is difficult for the Government and the United Nations are there to support it in all its efforts. So, when I am critical about some issues, it is not because I want to be judgmental but supportive of Côte d’Ivoire in its recovery, both economic recovery and political recovery as well.
Traductrice: Au niveau des Droits de l’Homme il y a eu des améliorations cependant il reste beaucoup de chemin à faire. Une des questions importantes qu’il a pu constater est la question des conflits fonciers qui ne sont pas résolus de façon efficace. Alors qu’il a rencontré la population, elle a souvent soulevé des inquiétudes par rapport à la prolifération et à la circulation des armes à feu et à l’augmentation des cas de violences ce qui accroît l’insécurité. Il est important de renforcer le système de justice dans le pays, particulièrement des institutions telles que la Police et la Gendarmerie. Les institutions en charge de la protection des Droits de l’Homme doivent faire leur travail. Le rôle des Nations Unies est de soutenir le Gouvernement de la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens au niveau du développement économique mais également au niveau social et au niveau des Droits de l’Homme.
Maureen Grisot (RFI) : Vous êtes venu en avril 2011, au moment ou comme vous l’avez dit, la crise était très forte et vous revenez après un an et demi. Vous représentez une organisation qui dépense beaucoup d’argent dans ce pays, notamment dans le domaine des Droits de l’Homme. Etes-vous déçu de l’évolution de la situation des Droits de l‘Homme en Côte d’Ivoire ?
M. Ivan Šimonovic: The feelings are mixed. I will encourage both the UN and the donors to continue their support for Cote d’Ivoire. In some areas, such as economic area, the achievements are remarkable. However, I think that priority should be now the increased protection of Human Rights as well as the strengthening of the Rule of Law. It is essential for the quality of life of people as well as for the peace to be a sustainable one. I think that an area where the Government should move swiftly forward is also the security sector reform and, as I mentioned already, the strengthening of the Gendarmerie and the Police as performing their constitutional duties.
Traductrice: M. Šimonovic a des sentiments partagés par rapport à la question posée. Il va encourager les Nations Unies et les donateurs à continuer à investir en Côte d’Ivoire. Il y a des développements positifs, en particulier au niveau économique, cependant il pense que la priorité maintenant doit être accordée à la situation des Droits de l’Homme et à l’Etat de Droit. Il croit qu’il est crucial qu’une paix durable prenne place en Côte d’Ivoire et qu’il est également important que le pays continue la réforme du secteur de la sécurité en particulier, en ce qui concerne la gendarmerie et de la police.
Nouvel Observateur
Un haut responsable de l’ONU a affirmé samedi à Abidjan que des cas de torture et des détentions arbitraires se sont produits récemment en Côte d’Ivoire, où l’armée est accusée d’avoir commis de nombreuses exactions en réagissant à une vague d’attaques, rapporte l’Afp.
« Il est hors de doute qu’il y a eu des cas de détentions arbitraires, que des gens ont été mis au secret, de même que des gens ont été victimes de torture », a déclaré lors d’une conférence de presse Ivan Simonovic, sous-secrétaire général des Nations unies chargé des droits de l’Homme.
Il était interrogé sur les récents rapports d’ONG internationales accusant l’armée d’avoir commis des exactions massives ces derniers mois.
« Je ne peux pas être sûr des chiffres, mais nous avons des preuves de telles violations des droits de l’Homme », a indiqué M. Simonovic au terme d’une visite entamée mardi.
« Je ne me suis pas contenté de lire sur la torture dans les rapports, j’ai moi-même rencontré des victimes de torture, donc je peux confirmer qu’il y a eu de la torture », a-t-il souligné.
« Il est important que cette question reçoive la réponse adéquate », a insisté le responsable onusien.
Le gouvernement ivoirien est sous forte pression sur le terrain des droits de l’Homme concernant la réaction de l’armée, les Forces républicaines (FRCI), à une série d’attaques perpétrées entre août et octobre contre les forces de sécurité.
Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch ont accusé les FRCI d’exactions massives, arrestations et détentions arbitraires, traitements inhumains et cas de torture.
Après avoir nié, le gouvernement a admis de possibles « dérapages », puis reconnu des « mauvais traitements » mais seulement lors d’arrestations d’hommes en armes.
Le pouvoir a imputé les récentes attaques armées à des partisans de Laurent Gbagbo, des accusations rejetées par le camp de l’ex-président, déchu à la fin de la crise de décembre 2010-avril 2011, qui a fait environ 3.000 morts.
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