[Cepad] Interview accordée au Nouveau Courrier du 30 Novembre 2012 –
1 Apollos Dan Thé, une grande mobilisation des Ivoiriens et Africains de la diaspora est prévue ce 1er décembre à La Haye pour commémorer la date anniversaire du transfère du président Laurent Gbagbo. A un jour de cet événement, quelles sont les dernières consignes qui sont données aux patriotes ?
Utilisons les mots qu’il faut, le présidentLaurent Gbagbo n’a pas été transféré, il a été déporté à la Haye en violation de toutes les procédures en la matière le 29 novembre 2011. Cela fait donc un an que ce digne fils de la Cote d’Ivoire et de l’Afrique a été arraché à sa terre natale pour être encellulé dans la prison que les occidentaux ont construite pour les africains qui commettent le mal d’aimer leur peuple, véritable crime de lèse-majesté colonial. La méthode est connue, il faut assassiner les moins chanceux et déporter les plus chanceux de tous ceux qui osent tenter une quelconque émancipation des Africains. Comme hier Patrice Lumumba et Thomas Sankara furent assassinés, Toussaint Louverture et Samory Touré furent déportés en prison pour y mourir. Aujourd’hui c’est Mouammar Kadhafi et Laurent Gbagbo. L’histoire de l’Afrique qui veut se défaire des prises et emprises de la domination de l’Europe continue son cours. Il n’y a pas de consignes particulières, c’est désormais la routine ; la machine de la mobilisation des patriotes résistants ivoiriens et africains en faveur du président Gbagbo est très bien huilée, chacun sait ce qu’il doit faire pour être à la Haye le 1er décembre pour une marche qui ira du centre ville au centre de détention a Scheveningen ou un meeting aura lieu.
2 Y a-t-il des dispositions particulières qui sont pris pour cet événement que vous annoncez grandiose ?
C’est désormais une date hautement symbolique à marquer d’une pierre spéciale. Elle ne peut pas passer sans activité de mobilisation de la part des patriotes résistants. La CPI nous a imposé un calendrier éprouvant avec ses annulations et audiences surprises qui se sont suivies ces derniers mois qui nous ont fait faire plusieurs voyages à la Haye, mais nous avons tenu à y être encore le 1er décembre pour une marche cette fois-ci. Les autres fois c’étaient seulement des sit-in mais nous allons marcher cette fois-ci.
3 Pensez-vous que votre mobilisation profite au président Laurent Gbagbo ou est source d’ennui pour lui, d’autant plus que la CPI refuse aujourd’hui de lui accorder une liberté provisoire pour cette popularité, pour ne pas dire pour votre mobilisation ?
Maintenir quelqu’un en prison parce qu’il est populaire ? Je ne sais pas de quoi il s’agit, mais ce n’est pas du Droit. C’est un faux fuyant de la CPI qui se retrouve prise dans ses propres turpitudes et qui cherche un bouc émissaire. Si le président Gbagbo n’avait personne pour le soutenir, il aurait déjà été condamné. Par notre mobilisation, nous avons mis à nu le caractère injuste de la détention du président Gbagbo et cela agace la CPI qui exprime ainsi son agacement à des empêcheurs de tourner en rond, j’allais dire des empêcheurs de condamner injustement. Que la CPI libère donc les autres africains qu’elle détient et pour qui même pas une seule personne ne manifeste.
4 Qu’est-ce que cela vous fait, notamment aux leaders des mouvements de soutien au président Laurent Gbagbo de la diaspora, de savoir qu’il est toujours maintenu malgré les grandes mobilisations pour sa libération ?
Nous sommes conscients que le problème est hautement politique et il touche à une question fondamentale pour les occidentaux. Il s’agit pour eux d’affirmer par la force leur suprématie envers et contre tout. C’est donc une machine mondiale construire sur des siècles tant dans le mental que dans des systèmes physiques pour pérenniser leur domination que nous avons en face de nous. Nous ne venons pas avec des armes ni même avec la force, mais ce que l’histoire nous enseigne c’est que la détermination d’un peuple en lutte pour son émancipation vient toujours à bout des chaines de l’oppression. Cela dit, nous savons que ce combat peut être long, mais nous sommes convaincus de la victoire finale qui n’est plus loin d’ailleurs. Il y a des signes positifs quant à une libération du président Gbagbo.
5 Un autre mandat d’arrêt vient d’être lancé contre son épouse Simone, quelle impression cette autre démarche de la CPI vous inspire ?
Nous accueillons avec joie ce mandat d’arrêt car au moins cette dame va quitter l’enfer d’Odienné, du nord de la Cote d’Ivoire, le goulag, le Guantanamo, le mouroir des ivoiriens.
C’est une dame qui a de la poigne et qui sait très bien se défendre, elle aura aussi l’opportunité comme son mari, de se faire connaître du monde pour rétablir la vérité et réhabiliter son image qui a été si souillée par les medias français aux ordres de Sarkozy. L’autre aspect de ce mandat d’arrêt c’est le piège qu’il pose à Ouattara. S’il transfère Simone Gbagbo, il sera bien obligé de transférer les autres personnes dont les mandats d’arrêts sont prêts, c’est-à-dire les chefs militaires et politique de la rébellion qui a commis tant de crimes contre l’Humanité, le génocide Wê et les autres tueries partout sur le territoire ivoirien. De transfert en transfert le sommet de l’état pourrait se retrouver lui-même à la Haye tôt ou tard. La CPI est une Cour politique qui va au rythme des forces politiques dominantes du moment et comme ce sont des crimes imprescriptibles, ca veut dire que dans n’importe quel nombre d’années, on peut tirer des gens de leur vieillesse et les emmener à répondre de leurs actes.
6 D’autres mandats d’arrêt internationaux existent aussi et des ONG de défense des droits de l’homme exigent que les criminels du camp Ouattara soient traduits devant la justice. Etes-vous rassurés par cette volonté de la CPI de vouloir sauver sa crédibilité ?
C’est une réalité, la CPI est face à sa crédibilité dans ce dossier brulant de la Cote d’Ivoire. Ils ont cru que cela allait être facile de condamner le président Gbagbo et que tout le monde allait être heureux. Mais non, la mobilisation de la résistance ivoirienne a été le grain de sable qui a coincé leur machine et là, toute l’étendue du complot sort chaque jour. Regardez ce qui se passe en France avec les élections à l’UMP, cela ne vient pas donner à réfléchir ? Face à un contentieux électoral, la solution sensée c’est d’abord le recomptage des voix en se rassurant de la régularité de ces voix. C’est ce que le président Gbagbo a proposé mais on a entendu Sarkozy dire devant l’Union Africaine que le recomptage serait une injustice. En lieu et place, nous voilà en train de recompter les morts. Sarkozy sera aussi appelle comme témoin devant la CPI pour sa responsabilité dans le massacre des ivoiriens, surtout que dans la crise à l’UMP il préconise non seulement le recomptage des voix, mais la reprise des élections avec plus de garde-fous. C’est donc un double-standard qu’il applique et cela engage sa responsabilité dans le massacre des ivoiriens. Pour revenir à votre question, je dirai que la CPI ne va jamais dédire ses bailleurs de fonds, eux-mêmes qui l’ont créée, mais elle n’a pas le choix pour sa crédibilité et donc pour son existence même, d’ajuster le tir et de poursuivre aussi des gens du camp Ouattara ou bien de ramener tout le dossier en Cote d’Ivoire. Une des clauses importantes pour que la CPI se saisisse d’un dossier c’est l’incapacité ou le manque de volonté d’un état à engager des poursuites judiciaires sur des crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Si l’état ivoirien dans sa démarche démontre qu’il peut juger les autres personnes en Cote d’Ivoire, alors la CPI a la possibilité de ramener aussi le président Gbagbo en Cote d’Ivoire pour le remettre à la justice de Ouattara, imaginez la suite….
7 Les responsables du FPI entreprennent une offensive diplomatique en France et profite de cette occasion pour rencontrer leurs militants, Ce voyage était-il, selon vous, opportun ?
Ce n’est pas à moi de juger de l’opportunité ou non des actions diplomatiques ou de terrain d’un parti politique tel que le FPI. Tout ce que nous souhaitons, c’est que le FPI puisse jouer effectivement son rôle de parti d’opposition et pour cela, il faut que l’état de Cote d’Ivoire réinstaure l’état de droit, la liberté de se réunir et d’organiser des meetings.
8 Avez-vous rencontré les responsables du FPI pour envisager des perspectives communes de lutte pour la démocratie en Côte d’Ivoire ?
Dans la résistance patriotique, il y a des militants du FPI et d’autres qui n’en sont pas. Mais une chose est évidente, le FPI jouit d’une grande sympathie de la part de tous les résistants, ce qui est donc un gros avantage à capitaliser si le FPI s’y prend bien. J’ai eu à échanger avec des membres de cette délégation à titre privé, ce sont des ainés que je connais personnellement. Mais également il y a eu des rencontres formelles entre la direction du FPI en mission en Europe et une délégation du CPAD, organisation à laquelle j’appartiens, conduite par Seri Zokou ainsi que d’autres organisations de la résistance patriotique ivoirienne.
9 Alassane Ouattara vient de former un nouveau gouvernement avec un nouveau Premier ministre, quelle analyse faites-vous des péripéties qui ont entouré l’avènement de ce nouveau gouvernement ?
J’ai été surpris des raisons évoquées pour la dissolution de son gouvernement. On nous a dit que le PDCI, allié du RDR a osé dire qu’il allait voter non contre une loi sur le mariage à l’assemblée nationale, donc le gouvernement est dissout. Cela veut dire que c’est du chantage qui est fait au PDCI et cela va aussi à l’encontre d’un principe constitutionnel qui dit que le mandat d’un député n’est pas impératif. C’est-à-dire que le député n’est pas mandaté par quelqu’un, n’est pas soumis à un quelconque dictat, n’agit pas en tant que délégué ou commissionnaire de quelqu’un. Le chantage sur le PDCI a bien marché et le viol de la Constitution continue. Comme le disent beaucoup d’observateurs, Ouattara a effrayé le PDCI en prélude aux lois iniques qui arrivent, telles que la naturalisation en masse de 4 millions de burkinabés, l’octroie de titres fonciers aux étrangers en faisant allusion à l’occupation des terres des Wê à l’Ouest, le changement de la Constitution en son article 35 qui rend Ouattara inéligible en 2015 etc. Les députés du PDCI doivent savoir qu’ils sont députés élus par les populations et non nommés par Bédié. Ils doivent voter en pensant à la Cote d’Ivoire et non en fonction de leur haine pour Gbagbo. Le PDCI doit se racheter vis-à-vis de la Cote d’Ivoire, l’histoire les regarde. Pour le reste, je ne sais même pas qui est ministre de quoi donc je ne peux pas faire de commentaires. Je sais seulement que la ministre de l’Education s’appelle Kandia et qu’elle est très créative en langues.
10 Presque 2 ans après l’avènement au pouvoir d’Alassane Ouattara, pensez-vous qu’il y a à espérer ou à désespérer de son régime ?
Son régime peine. Il prend eau de toutes parts. Le château de cartes est tombé, les mensonges sont découverts. Sur le plan social, c’est la catastrophe. Ses affidés avaient dit qu’ils ont pris les armes parce qu’il y avait une fracture sociale. Dix ans après, presque deux ans qu’il est arrivé au pouvoir, il y a un gouffre social. Il y a son clan qui bénéficie du rattrapage ethnique et les autres qui tirent le diable par la queue. La pauvreté va grandissante, pas d’emploi, mais plutôt des compressions. L’école est disloquée, l’université qui est restée fermée deux ans ouvre au compte-goutte et déjà les enseignants sont en grève.
Sur le plan politique, c’est le retour des pratiques du parti unique. Une seule voix, un seul son de cloche. Les libertés publiques ont reculées, voir disparues et c’est le règne de la terreur. Le nombre de prisonniers politique atteint des sommets record, plus de 420 détenus politiques. Tout le Nord de notre pays a été transformé en une prison ouverte pour les opposants. Des camps de concentration et salles de torture émaillent Abidjan. Des exécutions sommaires et extrajudiciaires sont légion et cela a été dénoncé par toutes les organisations mondiales de Droits de l’Homme qui ont perdu leur patience face à la violence inouïe de ce pouvoir qu’elles ont pourtant soutenu sans relâche.
Sur le plan économique, rien de nouveau sous le soleil d’Abidjan. Aucune nouvelle entreprise, les emplois promis n’existent pas. La croissance annoncée à deux chiffres c’est de l’utopie. L’environnement des affaires a été tellement dégradé que la Cote d’ivoire occupe le 177ieme rang sur 185 pays, classement « Doing Business » de la banque Mondiale alors qu’elle occupait le 171ieme rand en 2011. Donc sous le règne de Ouattara, en un an et demi seulement, la corruption, le clanisme et les détournements sont tellement réguliers que le pays a été rétrogradé par la Banque Mondiale. C’est un cinglant camouflet sur l’incompétence de ce gouvernement et l’incapacité du pouvoir à tirer le pays vers le haut. Là ou les gouvernements du président Gbagbo ont fait des prouesses économiques avec un pays en guerre, divisé en deux, on assiste à du sur-place, un manque total de vision avec tous les moyens, y compris la manne du PPTE. Que font-ils des 500 milliards annuels du PPTE ? Le secteur de la santé et de l’éducation sont prioritaires selon le protocole du PPTE, alors pourquoi les bourses des étudiants ne sont pas payées ? Pourquoi les indemnités des enseignants ne sont pas payées, pourquoi la gratuité des soins qui a été tant promises n’arrive pas ?
Les écailles quittent les yeux de ces ivoiriens qui, de bonne foi ont cru en ce que leur disait Ouattara lors de sa campagne, les pluies de milliards qu’il promettait à gauche et à droite. Rien que du vent. C’est vraiment au pied du mur qu’on voit le vrai maçon. A quelque chose malheur est bon. S’il n’était jamais arrivé au pouvoir, le mythe de sa magie qu’il allait faire pour développer le pays aurait persisté mais là il est dévoilé dans toute son incompétence. Comme on dit à Abidjan, c’est pour çà là? C’est tout ? ca n’en valait pas la peine.
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