Quatre militaires comparaissent à partir de mardi 27 novembre devant les assises de Paris pour l’assassinat d’un bandit de grand chemin en Côte d’Ivoire en 2005.
Le tribunal aux armées de Paris (TAP) ayant été supprimé en janvier dernier, les accusés seront jugés devant une juridiction de droit commun. Une première.
Printemps 2005, Côte d’Ivoire. Les soldats français de la force Licorne interviennent dans le nord du pays, en zone rebelle, dans le but de sécuriser la « zone de confiance » séparant le nord du sud du pays. Ils sont quotidiennement confrontés aux exactions des « coupeurs de route », ces bandits de grand chemin s’en prenant régulièrement aux populations locales. Mettre hors de nuire ces jeunes miliciens devient rapidement une priorité pour les forces françaises.
C’est dans ce contexte que se déroule l’interpellation de l’un d’eux, Firmin Mahé, le 13 mai 2005. Blessé à la jambe lors d’un contrôle effectué par les Français, l’Ivoirien de 29 ans est conduit de l’infirmerie de Bangolo au camp de Man (dans le nord-ouest du pays). À l’arrière du blindé qui l’emmène, le jeune homme est étouffé par les militaires français. Ces derniers disent avoir reçu l’ordre de ne pas le ramener vivant.
Les protagonistes reconnaissent les faits
Aucun des protagonistes ne conteste le déroulement des faits : le colonel Éric Burgaud reconnaît avoir donné l’ordre de tuer l’Ivoirien, l’adjudant-chef Guy Raugel l’a étouffé pendant que le brigadier-chef Johannes Schnier le maintenait. Le brigadier qui conduisait le blindé, Lianrifou Ben Youssouf, n’a rien fait pour empêcher l’assassinat.
Le colonel Burgaud, en revanche, dit avoir agi sur les ordres implicites du général Henri Poncet, qui commandait la force Licorne. Ce dernier lui aurait dit à propos du trajet de Mahé entre les deux camps : « Roulez doucement, vous me comprenez ».
Pour Éric Burgaud, « cela signifiait que la solution idéale était qu’il décède en route » . Henri Poncet a, pour sa part, toujours démenti avoir donné un tel ordre et a finalement bénéficié d’un non-lieu. Il devrait toutefois être appelé à la barre en qualité de témoin, ainsi que la ministre de la défense de l’époque, Michèle Alliot-Marie.
Des militaires devant une cours d’assises de droit commun
C’est la première fois que des militaires sont renvoyés devant une cour d’assises de droit commun. Jusqu’en janvier dernier, ils comparaissaient devant le tribunal aux armées de Paris (TAP) et s’expliquaient donc devant des juges spécialistes du contentieux militaire.
Reste à savoir si la comparution des quatre militaires devant un tribunal classique aura un impact sur les peines prononcées. « Les sanctions pourraient être plus lourdes, précise une source proche du dossier. Les accusés auront sans doute du mal à faire valoir la pression qui pesait sur eux en 2005, notamment après le désengagement de l’ONU dans la zone de confiance. Par ailleurs, les juges seront sans doute moins au fait du fonctionnement très hiérarchique de l’armée et du devoir d’obéissance qui s’impose, a priori, aux subordonnés dans la chaîne de commandement. »
À l’inverse, Me Patrick Baudouin, président d’honneur de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), estime qu’« on ne peut que se féliciter de la disparition des juridictions d’exception, elles dont les décisions étaient toujours entachées d’une certaine suspicion »
MARIE BOËTON
la-croix.com
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