La femme de Gbagbo accusée de crimes contre l’humanité
Simone Gbagbo, 63 ans, est soupçonnée de meurtres, de viols et d’autres formes de violences sexuelles, d’autres actes inhumains et d’actes de persécution, commis sur le territoire de la Côte d’Ivoire entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril 2011, a précisé la CPI. Elle est détenue dans le nord de la Côte d’Ivoire depuis avril 2011.
Mike Corder Associated Press
La Haye
La Cour pénale internationale (CPI) a rendu public jeudi un mandat d’arrestation contre la femme de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, accusée de crimes contre l’humanité. C’est la première fois que la CPI met une femme en accusation depuis sa création, il y a dix ans.
La CPI a indiqué avoir délivré un mandat d’arrestation contre Simone Gbagbo le 29 février. Elle est notamment accusée de meurtre, de viol et de persécution.
Son mari, Laurent Gbagbo, qui fait l’objet d’accusations similaires, est actuellement détenu à La Haye, où siège la CPI. Il avait refusé de céder le pouvoir à son adversaire, Alassane Ouattara, après sa défaite à la présidentielle en 2010, déclenchant plus de six mois d’affrontements qui ont fait près de 3000 morts.
Si Simone Gbagbo devait être extradée à La Haye, elle pourrait faire face à la justice avec son mari, dans ce qui constituerait un procès sans précédent pour un couple accusé de crimes contre l’humanité.
Mais un haut responsable du gouvernement du président Alassane Ouattara, qui a réclamé l’anonymat parce qu’il n’était pas autorisé à s’adresser aux journalistes, a déclaré que la Côte d’Ivoire avait déjà informé la CPI qu’elle n’extraderait pas Simone Gbagbo à La Haye.
«Nous les avons avisés il y a longtemps», a dit ce responsable.
La procureure en chef de la CPI, Fatou Bensouda, a exhorté le gouvernement ivoirien d’extrader la femme de l’ancien président.
«Les crimes commis dans la foulée de l’élection présidentielle de 2010 ne se sont pas produits par hasard. Ils ont été planifiés et coordonnés aux plus hauts niveaux politiques et militaires, et tous ceux qui détenaient les plus grandes responsabilités doivent répondre de leurs actes», a dit Mme Bensouda dans un communiqué.
Elle a précisé que les procureurs continuaient d’enquêter sur les crimes commis par les deux camps lors des violences postélectorales. La CPI pourrait délivrer d’autres mandats d’arrestation contre d’autres responsables, a-t-elle dit.
«Les enquêtes sont objectives, impartiales et indépendantes, et elles sont conduites conformément à la loi», a ajouté la procureure.
Les autorités ivoiriennes ont placé Simone Gbagbo, 63 ans, en résidence surveillée dans la ville d’Odienne, dans le nord de la Côte d’Ivoire. La semaine dernière, le procureur ivoirien Noël Djé Enrike Yahau avait déclaré que des avocats avaient interrogé Simone Gbagbo pendant deux jours et qu’elle faisait face à des accusations de génocide, de crimes sanglants et de crimes économiques devant la justice ivoirienne.
La publication du mandat d’arrestation délivré il y a près de neuf mois semble être une tactique de la CPI pour faire pression sur le gouvernement Ouattara afin qu’il extrade Simone Gbagbo.
Si les autorités ivoiriennes veulent la juger dans le pays, elles devront convaincre la CPI que Simone Gbagbo répondra aux mêmes crimes que ceux reprochés par la justice internationale. La CPI est une juridiction de dernier recours et ne juge que les suspects de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité provenant de pays qui ne peuvent pas ou ne veulent pas les juger.
L’acte d’accusation de la CPI qualifie Simone Gbagbo d’«alter ego de son mari» ayant le pouvoir de prendre des décisions d’État. La CPI affirme détenir des preuves montrant qu’elle a «ordonné aux forces pro-Gbagbo de commettre des crimes contre des individus qui représentaient une menace pour le pouvoir de son mari».
Laurent Gbagbo est devenu l’an dernier le premier ancien chef d’État à être détenu par la CPI, après son extradition par le gouvernement ivoirien.
La Côte d’Ivoire n’est pas membre de la CPI, mais elle a volontairement accepté sa juridiction.
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En réclamant Simone Gbagbo, la CPI met le pouvoir ivoirien sous pression
ABIDJAN – En réclamant le transfèrement de l`ex-Première dame Simone Gbagbo pour crimes contre l`humanité, la Cour pénale internationale (CPI) met dans une situation délicate le pouvoir ivoirien, pris entre obligations internationales et quête de réconciliation dans le pays.
La CPI met le président Alassane Ouattara « dans l`embarras », titre vendredi le quotidien ivoirien L`Inter (indépendant).
Elle a rendu public jeudi un mandat d`arrêt visant l`épouse de l`ex-président Laurent Gbagbo pour crimes contre l`humanité commis durant la crise postélectorale de décembre 2010-avril 2011, qui a fait environ 3.000 morts. Le procureur de la Cour, la Gambienne Fatou Bensouda, a enfoncé le clou en exhortant Abidjan à livrer l`ex-« dame de fer » à La Haye.
Mais M. Ouattara n`est « pas très chaud » pour répondre favorablement à une telle demande, reconnaît l`un de ses proches, interrogé par l`AFP.
Après avoir ouvert les bras à la CPI et lui avoir remis il y a un an M. Gbagbo, soupçonné aussi de crimes contre l`humanité, le chef de l`Etat assure depuis plusieurs mois que la justice ivoirienne est désormais capable de traiter les dossiers liés à la crise. Et il dit préférer que soient « jugés tous les Ivoiriens en Côte d`Ivoire ».
Selon des sources proches du dossier à Abidjan, il s`est d`ailleurs opposé à ce que l`ancienne Première dame soit transférée à La Haye peu après que le mandat d`arrêt a été – dans la plus grande discrétion – communiqué aux autorités ivoiriennes en février-mars.
Dans l`immédiat, le nouveau gouvernement ivoirien réserve sa réponse, qu`il promet d`officialiser « au moment opportun ».
« sentiment d`injustice »
Indépendamment de ce qui peut être reproché à Mme Gbagbo, « alter ego » politique de son mari selon la CPI, ce mandat d`arrêt « renforce le sentiment d`injustice dans le camp Gbagbo, y compris parmi les militants modérés », souligne Rinaldo Depagne, spécialiste de la Côte d`Ivoire au centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
« Cela rend difficile le dialogue politique et le retour du Front populaire ivoirien (FPI, parti du couple Gbagbo, ndlr) sur la scène politique », ajoute-t-il.
Malgré les assurances de M. Ouattara – « le processus de réconciliation est en marche », affirmait-il jeudi -, les retrouvailles entre les ennemis d`hier tardent encore à venir.
Le FPI s`est pour l`heure tenu à l`écart du « dialogue politique » engagé par le gouvernement avec de petites formations pro-Gbagbo, arguant notamment des poursuites judiciaires lancées contre les siens.
Une vingtaine de personnalités du camp Gbagbo sont détenues dans le nord du pays et inculpées par la justice ivoirienne en lien avec la crise, et les autorités ont promis d`accélérer la tenue de leurs procès.
Parmi ces inculpés figure Simone Gbagbo, accusée notamment de génocide: le fait que l`enquête de la CPI vienne s`ajouter à la procédure ivoirienne laisse dans tous les cas augurer d`une discussion serrée entre la Cour et Abidjan.
Mais l`annonce de la CPI concernant l`épouse de Laurent Gbagbo complique aussi la position du président Ouattara vis-à-vis des ex-rebelles nordistes qui ont combattu pour lui durant la crise. Certains sont soupçonnés de crimes de guerre ou de crimes contre l`humanité.
Si Mme Gbagbo est remise à la Cour, « M. Ouattara sera obligé de livrer ensuite quelqu`un de son camp », avance une source militaire occidentale.
Or, si le chef de l`Etat clame régulièrement son refus de « l`impunité » et d`une « justice des vainqueurs », il n`a pas jusqu`à présent démontré son intention d`inquiéter ses soutiens: aucun d`entre eux n`est encore poursuivi par les juges ivoiriens.
« Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation! », expliquait à l`AFP un ministre il y a quelques jours.
En attendant, alors que la situation sécuritaire demeure précaire et que le régime accuse des pro-Gbagbo de visées déstabilisatrices, d`anciens chefs rebelles continuent d`être placés à des postes stratégiques dans l`armée.
tmo/sd
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