Par Diarra Cheick Oumar
Acceptons le jeu fondateur de la contradiction: alliance ne signifie pas soutien à l’aveuglette !
Le secret pour que la vérité rencontre le réel, c’est sa mise en crise perpétuelle, sa reconsidération ininterrompue sur la base de la controverse, des échanges fructueux, de duels à fleuret moucheté et, quelquefois même d’escarmouches, de disputes. Qu’une telle atmosphère ait prévalu dans notre hémicycle, cela ne devrait normalement heurter personne, créer un tel séisme au sommet de l’Etat. Bien au contraire, sous l’angle de la pensée pensante, c’est l’indice manifeste de la vitalité de notre démocratie qui rime nécessairement avec le sens critique qui n’autorise à adhérer à une vérité qu’après en avoir reconnu la légitimité rationnelle. Cela augure de lendemains meilleurs pour la démocratie dans notre cher pays. Légiférer sur des sujets sensibles, touchant à la quiddité de la nation, c’est-à-dire la famille, requiert qu’on mobilise assez de discernement, d’acuité et de délicatesse pour ne pas engager le pays sur des voies scabreuses aux conséquences incalculables. Il est certes vrai que pour bénéficier de l’assistance de l’Occident, il nous est demandé d’être en conformité avec certaines normes qui leur sont culturellement et sociologiquement consubstantielles. Toutefois, gageons à ce que ces impositions ne conduisent pas à une tabula rasa systématique et totale de nos réalités sociologiques et culturelles. Toute tendance machiste ou phallocratique mise à part, ce projet de loi visant à reconfigurer les droits liés au mariage et à la famille épouse-t-elle réellement les aspirations du peuple ivoirien ? Cadre-telle avec la vision que l’Homme ivoirien a du mariage, de la famille ? Cette parité, égalité qu’on projette d’établir entre l’homme et la femme au plan conjugal pour certainement se mettre au diapason des grandes nations comme les Etats-Unis d’Amérique, la France…ne déboucherait-elle pas fatalement sur une implosion de la société ivoirienne, dans ce qu’elle a de plus précieux, de plus intime : la famille ? Loin de moi toute velléité de m’ériger en avocat du diable, je pense sincèrement que ce sont là quelques préoccupations qui ont dû motiver la sage méfiance, mieux, l’opposition des Députés issus du PDCI et de l’UDPCI à ce projet de loi. On s’en offusque en prétextant de l’alliance unissant ces formations politiques précitées au parti au pouvoir. Et, au nom de cette entente, les votes dans l’hémicycle devraient se faire automatiquement et inconditionnellement, sans ce sine qua non retour réflexif sur soi-même, sans convoquer le verdict du tribunal de la raison. Personnellement, je m’inscris en faux contre cette approche qui doit être définitivement bannie de nos habitudes politiques. Ce n’est pas ma lecture de l’alliance politique. Les concepts d’alliance et de dialectique dans son sens platonicien de recherche de la vérité en opposant des thèses, ne sont pas irrémédiablement embarqués dans des rapports de répulsion mutuelle radicale. Ces termes sont loin d’être dichotomiques, antinomiques. Une alliance, par définition, est une entente officielle ou solennelle, faisant l’objet d’un accord, unissant des personnes ou des Etats. Mais, dans l’ordre normal des choses, une alliance, pour qu’elle soit fructueuse, porteuse d’espoir et de progrès, doit privilégier la controverse en interne. D’ailleurs, le chemin menant à l’entente, à l’harmonie n’est-il pas la discussion, le dialogue ? Peut-on atteindre l’aube sans passer par la voie de la nuit ? Quelle est donc cette acception de l’alliance où les échanges et joutes verbales n’ont pas de place, qui commande un soutien niais et aveugle à toute décision provoquée et commanditée en sourdine par l’exécutif ? Si la mission d’une assemblée nationale composée de Députés est d’arrêter à l’aveuglette des lois devant régir la vie de la nation, sans examen préalable, sans droit d’objection, autant en faire un objet de musée et permettre ainsi à la pensée unitaire du maître à penser de s’exprimer dans toute sa latitude et son étendue. Dans une telle option, il va donc falloir faire le deuil de la démocratie. Il ne sert à rien de proclamer son attachement ferme à la démocratie et vouloir dans le même temps bâillonner, confisquer la parole. Acceptons la contradiction et permettons à nos Députés, mandants du peuple, de légiférer en toute sérénité et en toute conscience. Par conséquent, pour moi, cette dissolution du gouvernement, vu les carences et impérities constatées çà et là, s’imposait, mais pas pour cette raison servie qui ne résiste pas du tout à l’analyse. Elle conduira, pour sûr, si l’on ne fait pas preuve de dépassement, d’élévation, à un clash entre les différentes formations politiques conglomérées au sein du RHDP, que je juge superfétatoire. Avec un peu de retenue, de compréhension et d’acceptation de la différence, on aurait pu en faire l’économie. Suite à cette guéguerre, je crains une atomisation du RHDP dont les assises, les fondements abyssaux tanguent visiblement. Et, cela fera le lit du FPI qui n’attend que cette aubaine pour rebondir. Rapidement, qu’on restitue les droits de la raison. Que Dieu nous garde !
DIARRA CHEICKH OUMAR
E-mail : diarra.skououmar262@gmail.com
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