Par la rédaction | Connectionivoirienne.net 15.11.2012
Trois gouvernements en 18 mois, plus un réaménagement technique de l’équipe gouvernementale, plus le « petit » gouvernement du Golf Hôtel ! C’est la prouesse que le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Dramane Ouattara a réussi à réaliser, depuis son accession au pouvoir le 11 avril 2011.
Le mercredi 14 novembre 2012, un peu à la surprise générale vue les raisons officielles avancées et le caractère brusque, et même si les observateurs les plus avisés s’attendaient à un remaniement ministériel-, le chef de l’Etat a annoncé par la voix du convalescent Secrétaire général de la Présidence Amadou Gon Coulibaly, la dissolution du Gouvernement du Premier ministre, Garde des Sceaux, ministre de la Justice Ahoussou Kouadio Jeannot, sans l’avoir reconduit aussitôt dans ses fonctions. La précision est importante, puisque cela voudrait dire que Ouattara pourrait nommer un nouveau Premier ministre. Les raisons officielles invoquées pour mettre en congé de manière unilatérale toute l’équipe gouvernementale – le chef du Gouvernement a été informé par le président de la République sur le tard, à peine 30 minutes avant l’annonce – tiennent un peu du superficiel: une nouvelle loi (sur le mariage) présentée par une ministre à l’Assemblée nationale composée à 95% de députés issus de l’alliance RHDP (RDR, PDCI, UDPCI …), et rejetée par une partie des élus membres de la coalition au pouvoir. C’est ce « vote-sanction » qui aurait provoqué le courroux du chef, qui y a décelé un manque de solidarité parlementaire et gouvernementale (à titre de rappel, les ministres en fonction ne siègent pas au Parlement quand ils sont élus députés). Ouattara avait-il pris le temps de consulter le chef du Parlement, son ex premier ministre Soro Guillaume en déplacement en Autriche, sur les griefs envers le parlement ? Ne dit-on pas que quand on veut noyer son chien on l’accuse de rage ?
Faut-il le souligner, il y a d’abord eu le gouvernement Guillaume Soro formé le 1er juin 2011 et dissous le 13 mars 2012, puis l’équipe d’Ahoussou Jeannot constituée le même jour et dissous après huit (08) mois de fonctionnement, et le prochain gouvernement attendu pour « la semaine prochaine ». Entre temps, il y a eu aussi l’intermède Adama Bictogo, ancien ministre de l’Intégration africaine sorti du gouvernement le 22 mai 2012 pour cause de « déchets toxiques », et remplacé le 4 juin 2012 par Ally Coulibaly, à l’époque Ambassadeur de la Côte d’Ivoire en France.
Il faut le dire tout net : cela fait un peu (ou beaucoup) trop, et ça fait désordre !
Que traduit cette instabilité gouvernementale chronique ?
Primo, que le président Alassane Ouattara a une curieuse façon de résoudre les contradictions internes au sein de sa coalition du Rassemblement des Houphouétistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP). En prononçant de manière sentencieuse le « renvoi collectif » de tous les ministres y compris du Premier ministre, le chef de l’Etat veut surtout affirmer son autorité, et montrer à son principal allié du RHDP, le président du PDCI Henri Konan Bédié, qu’il est le seul maître à bord du « bateau Ivoire ». Mais cette façon de faire donne l’impression que les ministres de Ouattara sont ses obligés, sur qui il exerce un droit exclusif de « recrutement » et de « limogeage » au gré de son humeur. On n’est donc pas très loin du « droit de vie et de mort » sur ses administrés…Encore que les humeurs du chef de l’État étaient au rendez-vous de la fermeture aussi brusque qu’unilatérale des frontières terrestre, maritime et aérienne avec le Ghana.
Secundo, la gouvernance instable de Ouattara peut être aussi perçue comme une incapacité du chef de l’Etat à gérer le pays et à apporter des réponses satisfaisantes aux multiples problèmes qui assaillent les populations (insécurité ambiante, cherté de la vie, explosion du chômage, etc.). Le président de la République se défausse alors sur ses collaborateurs (ministres, directeurs généraux et centraux de sociétés d’Etat limogés à tour de bras) pour masquer sa propre incompétence ? Il tient alors ses collaborateurs pour seuls responsables de l’échec de son programme de gouvernement qui peine à être appliqué ou à produire des effets visibles sur le quotidien des citoyens, qui croulent sous le faix de la pauvreté. Dans ce cas de figure, Ouattara a soit un véritable problème de casting, donc il faudra faire appel à d’autres compétences en dehors du cercle restreint de son parti le RDR ou du RHDP ; soit le chef de l’Etat veut cacher ses propres carences en matière de bonne gouvernance. Ce serait alors dommage pour quelqu’un qui a été précédé d’une réputation mondiale de super-économiste, de se « casser » ainsi la figure au contact de la gestion des affaires de l’Etat.
Tertio, si comme l’avancent de nombreux observateurs, la dernière dissolution est intervenue pour permettre l’entrée de l’opposition dans le gouvernement, cela voudrait dire qu’on pourrait retomber dans la gouvernance irresponsable, avec un autre « Gouvernement de crabes, de scorpions et de serpents » selon le bon mot de l’ancien président du Conseil économique et social, Augustin Laurent Dona-Fologo. Alors, (re)bonjour l’inefficacité et la gabegie !
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