I have a Dream ! Rêvons ensemble avec l’Allumé

Alassane Ouattara le 5 novembre a Dakar

Shlomit Abel, 5 novembre 2012

« Le dialogue, l’arme des forts ! »

Le premier ministre a lâché la bonne phrase en visitant les populations de Grand Lahou! Inconsciemment probablement, parce que c’est un véritable pavé dans la mare, et au vu du peu de dialogue, du peu de résultats rencontrés par les campagnes animées par la commission Vérité et Réconciliation, la caravane de la paix, et autres pets mouillés jetés comme des bonbons à la face des ivoiriens affamés, sans travail, sans ressources, sans couverture sociale, cette phrase démontre bien que le langage des forts se fait dans la brutalité et la violence, sans aucun dialogue. Les ivoiriens, la peur au ventre commencent chaque journée en se demandant s’ils rentreront sain et sauf chez eux avant la nuit, tombée, s’ils ne vont pas être détroussés, délestés des maigres biens qui leur restent.

Quel dialogue nous est servi ? De toute part fusent les témoignages de supplices, sévices, disparitions, bastonnades, viols, sévices sexuels… Le ministre Koffi Koffi a même l’audace de prétendre qu’une visite surprise dans un de leur goulag n’a rien révélé d’anormal ! Tout est calme, les prisonniers bien traités… Amnesty et les autres ONG mentent certainement: elles sont à la solde des déstabilisateurs abrités au Ghana comme nous le savons tous !

Enfin, tant que Mr Ahoussou se borne à faire de Ouattara une lumière pour les ivoiriens et non pour le monde entier, je peux encore me taire pour un peu de temps; nous sommes en novembre, bientôt nous allons retrouver le Noel magique de l’an passé, la farce lumineuse de la Côte d’Ivoire radieuse. Et si avant les festivités, il brille déjà de mille feux, alors je réponds « Ouattara, une lumière en plein jour: parfaitement inutile et couteuse, éteignez s’il vous plait! Merci… » Heureusement, si l’on regarde bien les photos officielles, notre premier ministre s’est exprimé devant très peu de monde, une foule très clairsemée, devant laquelle il débite encore une fois ses vœux pieux « Nous sommes venus pour nous ressourcer, nous régénérer, pour une nouvelle Côte d’Ivoire. Nous allons rêver ensemble et concrétiser ce rêve. La Côte d’Ivoire en a les capacités » La nouvelle Côte d’Ivoire est là, elle a été livrée clé en mains le 11 avril par cette gentille communauté internationale qui rêve avec les ivoiriens d’un monde meilleur, le leur pour le meilleur et le pire pour les ivoiriens. Nous ne sommes pas encore sortis du rêve qui a viré entre temps au cauchemar… En attendant fermons les yeux, bouchons nous les oreilles, déjà nous entendons le bruit de la mer, des vacances, la concrétisation du rêve : les capacités de la Côte d’Ivoire sont là, mais voila, elles sont au service des maîtres et non des esclaves.

Toujours dans son discours, qu’il aurait pu prononcer sans estrade et sans micro, tant la foule est compacte, réduite aux corvéables : officiels et enfants des écoles, il invite ses compatriotes à tourner les pages des années sombres qu’a connu le pays. Le pardon semble donc acquis, puisqu’il n’en est pas question : nous avons enclenché la vitesse supérieure, les pages des années sombres que le pays a connu – avant que ne brille l’ampoule haute- consommation Ouattara –, peuvent être tournées…

Il y a juste un petit hic que je voudrais soulever ; si l’on tourne les pages, c’est pour arriver à un autre chapitre, «. « Nous sommes venus pour nous ressourcer, nous régénérer », dit encore le premier ministre. Or il semble bien que malgré les pages tournées, il y en a encore et encore, et jamais n’arrive cette page blanche où ce
chapitre suivant, car les prisonniers sont toujours en prison, le président d’au moins la moitié de la nation, embastillé loin, très loin de son peuple, le deuil des nombreux morts n’est pas encore fait, et l’angoisse concernant tous les disparus demeure.

« Nous allons rêver ensemble et concrétiser ce rêve », Si des élections nouvelles ou un référendum -non truquées cette fois ci- devaient avoir lieu, presque toute la nation se rangerait derrière le prisonnier le plus célèbre de la planète et certainement le plus aimé: ça aussi, c’est une forme non négligeable du rêve ivoirien auquel nous convie Jeannot Kouadio- Ahoussou !

« Il s’appelle Solution » révèle-t-il encore: mais parce que son nom est solution, est-il vraiment la solution ? 18 mois de pouvoir, consignés, mémorisés, vécus douloureusement dans la chair des uns et des autres n’ont pas consolidé cette hypothèse de travail, bien au contraire ; il est devenu un personnage encombrant, ne devant son salut qu’aux gros bras qui le défendent, mercenaires, soldatesque étrangère, dozos, droits communs recyclés en pseudo militaires. Parce qu’il est indéboulonnable puisque parachuté par la communauté internationale et maintenu en place pour le moment par la pince-monseigneur très utile lors des cambriolages et des pillages de la Côte d’ivoire par les Multinationales, il se dit invulnérable…Une sorte de super Dozo à l’invulnérabilité éprouvée et mise à mal par les Ivoiriens qui ploient sous la tyrannie, la dictature, le sadisme, mais qui n’ont pas dit leur dernier mot !

Oui, si le dialogue est l’arme des forts, alors réjouissons nous, car bientôt il faudra dialoguer sérieusement : le navire prend l’eau de toutes parts, le capitaine passe ses nombreuses vacances à l’hôpital en France, les anesthésies, les batteries, les nombreux voyages ne le fragilisent point; il ne sent ni le poids de sa charge, ni celui de ses défaites, ni celui de l’âge, ni celui de sa cote de popularité en berne. Notre héros, le SS Super- Solution aux commandes pour au moins encore un mandat, assisté de dame Dominique est infaillible, nous aurons beau tourner les pages et les pages, il sera encore là: Le Jour dans la nuit noire !

Mais en fait nous avons oublié un détail, chaque livre a un certain nombre des pages, et à force de les tourner on arrive toujours à la fin, et après il n’y a plus que la couverture; et surtout à force de lire toujours la même chose: réconciliation, paix, justice, côte d’ivoire au travail, cadre de vie, les pages se lisent de plus en plus vite, se tournent de plus en plus vite… Il n’y a plus rien à tourner : la dernière page est là et sur toute sa longueur s’étale le mot « FIN » : Terminus, tout le monde descend, le méchant disparaît, chassé, tué, mort de mort naturelle ? L’histoire ne le révèle pas encore… Et commence le rêve tant espéré, tant prié : Le Prince attendu vient et les noces d’une Côte d’Ivoire relevée, belle, consolée peuvent enfin être célébrées.

Shlomit Abel, 5 novembre 2012

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