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La cour d’appel de Paris a débouté Google à deux reprises de ses demandes d’annulation des perquisitions et saisies menées en 2011 par le fisc français dans ses locaux parisiens. Des jugements qui permettent d’en savoir un peu plus sur ce qui est reproché au moteur…
Cela fait un moment que Google est dans le collimateur de la France. En son temps Nicolas Sarkozy n’a pas caché son souhait que les « géants du Net acquittent un impôt représentatif de leurs activités dans le pays ». En mars, L’Express révélait qu’on avait en fait dépassé depuis longtemps le stade des menaces, puisque les locaux de Google en France avaient fait l’objet, en juin 2011, d’une descente de la direction d’enquêtes fiscales et des Douanes. De nombreux documents avaient été saisis comme des mails, factures, et autres contrats afin de déterminer le montant de l’impôt sur les sociétés et la TVA dont ne se serait pas acquitté le moteur de recherche sur les trois ou quatre dernières années.
Le moteur a essayé, à au moins deux reprises, d’obtenir l’annulation de ces procédures. Mais la cour d’appel de Paris l’a débouté à chaque fois: une première, le 15 mai 2012 et une deuxième, le 31 août. Les textes de ces jugements, publiés récemment par des médias, comme le site Legalis, BFM TV, ou l’AFP, jettent une lumière crue sur la situation curieuse de la filiale française de Google par rapport aux entités de Google en Irlande qui pilotent un dispositif d’optimisation fiscale particulièrement efficace. On découvre également ce que le fisc français reproche au groupe internet américain.
Un chiffre d’affaires officiel en France de… 138 millions
Selon l’arrêt de la justice française datant du 31 août, la direction générale des impôts estime que « la société Google Ireland Limited exerce en fait en France en utilisant les moyens humains et matériels de la société Google France, une activité commerciale, sans souscrire les déclarations fiscales y afférentes ».
En effet, grâce à une série de montages financiers, Google réussit à ne payer qu’un très faible pourcentage d’impôts. Les achats de liens publicitaires réalisés par des clients français sont en effet déclarés par la société Google Irlande Limited à laquelle Google France est censée n’apporter qu’une assistance marketing et technique. Résultat, alors que le géant internet réaliserait un chiffre d’affaires en France compris entre 1,25 et 1,4 milliard d’euros, sa filiale ne reconnaît qu’un revenu de 138,5 millions d’euros. Mais on apprend dans le jugement que ce montant représenterait en fait les frais de structure de Google France augmentés de 8%. Le résultat net s’élève quant à lui à 4,5 millions d’euros après versement d’un impôt sur les sociétés de… 5 millions d’euros.
D’après le Canard enchaîné, le fisc français réclamerait à Google un milliard d’euros pour les quatre derniers exercices comptables et viendrait de lui envoyer un courrier recommandé à cet effet. Grâce aux documents saisis, il tente en fait de démontrer que le chiffre d’affaires est bien généré dans notre pays et non en Irlande, où il est enregistré. Il compte notamment trouver des preuves du travail effectué par les équipes hexagonales auprès des clients « grands comptes », démontrant que, dans le faits, ce sont bien elles qui finalisent les contrats d’achats de liens sponsorisés, et non l’échelon irlandais. D’ailleurs, les annonces d’embauches de Google France font état de la « capacité à signer des contrats ». Le groupe américain a pour sa part assuré mercredi ne pas avoir reçu de notification de redressement fiscal.
« Nous continuerons à coopérer avec les autorités françaises, comme nous l’avons fait jusqu’à présent », a ajouté le groupe, affirmant que « Google se conforme aux législations fiscales de tous les pays dans lesquels l’entreprise opère, et avec les règles européennes ». Une sorte de mantra que le géant internet ressort à chaque fois – et les occasions sont de plus en plus nombreuses – qu’un pays lui demande comptes.
Le sandwich double irlandais-hollandais…
Car la France n’est pas la seule à être confrontée à cette évasion fiscale. Le système a été démonté par plusieurs médias anglo-saxons comme le Global Mail australien ou l’Irish Times. En fait, Google Ireland Limited concentre tous les flux publicitaires générés dans les pays en dehors des Etats-Unis. Son chiffre d’affaires a d’ailleurs atteint 12,5 milliards d’euros en 2011, indique The Irish Times. On pourrait donc s’attendre à le voir payer des impôts conséquents en Irlande. Même avec un taux réduit de 12,5%, cela pourrait faire une somme rondelette. Sauf que Google Ireland Limited n’affiche qu’un bénéfice avant impôt de… 24,5 millions d’euros. Et un bénéfice net après impôt de 2,5 millions. Et ce grâce à un dispositif d’ingéniérie fiscale tout à fait légal connu sous le nom de double sandwich irlandais- hollandais.
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