Dozo-bâ Siaka Camara « Les Dozos ne peuvent pas être désarmés »

Bientôt de nouvelles tenues :« Il y a 40.000 Dozos en Côte d’Ivoire »

M’Bra Konan source: Soir info

DOZOBA
Siaka Camara Dozoba (père spirituel national des dozos) pense que les dozos peuvent utilement servir les populations ivoiriennes
L’omniprésence des dozos, ces chasseurs traditionnels, se traduit aujourd’hui par une forte insécurité doublée de violation massive des droits humains, sur l’ensemble du territoire national, du fait des actes hautement répréhensibles dont ils se redent coupables. Aujourd’hui, le phénomène dozo et inquiète les Ivoiriens et préoccupe, sérieusement, les gouvernants. Siaka Camara Dozoba, chef spirituel de ces chasseurs traditionnels, de passage à Abidjan pour un conclave de la confrérie, répond à nos questions, à travers Badième François, le porte-parole de Bamba Mamadou, président des dozos de Côte d’Ivoire.

En tant que père spirituel des dozos, à quoi répond ce rassemblement ?

Siaka Camara Dozoba : Ce rassemblement a trait à la réconciliation. Puisque le président de la République a demandé aux Ivoiriens de se réconcilier, les dozos de Côte d’Ivoire veulent faire leur part qui est de toujours rassembler la population. Tout nos éléments qui ne sont pas inclus dans le cadre de cette réconciliation, les amener surtout à se réconcilier et démontrer comment nous pouvons moderniser cette culture des chasseurs traditionnels en Côte d’Ivoire.

Vous parlez de réconciliation, alors que récemment il y a eu un affrontement à Abengourou entre dozos, des échauffourées à Bassam et les populations ne veulent plus vous voir à Bonoua et Abengourou. Franchement, n’est-ce pas vous le problème ?

A Bassam, les choses sont rentrées dans l’ordre. Il n’y a pas de dissension comme on veut vous faire croire. Ce sont des situations qui arrivent et que nous arrivons à surmonter. Et puis, nous avons prévu une manifestation de démonstration, lorsqu’il y a eu des attaques à Abidjan et à Noé. Comme vous le savez, avec les chasseurs traditionnels, il y a les coups de feu qui peuvent effrayer la population, surtout à cette période ou il y a eu des attaques à Abidjan et Noé, ce n’est pas une bonne chose. Voila comment le report est venu. A Abengourou comme dans toute autre localité et au sein des chasseurs dozos, il peut avoir des états d’âme que nous réussissons à gérer. Et puis, soyons francs. La présence des dozos un peu partout inquiète et gêne certaines personnalités qui ont de mauvaises intentions, prêtent à déstabiliser le régime actuel. En même temps, il faut reconnaître qu’il y a des brebis galeuses au sein de la confrérie que nous sommes en train d’extirper du lot au fur et à mesure.

Comment allez-vous procéder ?

Nous sommes une société organisée. Tout commence d’abord avec le père spirituel et le président des dozos de Côte d’Ivoire qui se concertent. Ensuite ils portent leur message aux coordinateurs qui à leur tour informent les secrétaires généraux. Il revient aux secrétaires généraux de porter la nouvelle dans chaque département pour que chaque hameau du pays soit informé de nouvelles décisions prises.

Vous donnez donc raison aux populations qui réclament votre confinement dans votre localité d’origine et au Chef de l’Etat qui ne veut plus vous voir intervenir dans des conflits ?

C’est ce que je disais. Nous sommes en train de faire le tri. Croyez-vous qu’un vrai dozo peut aller occuper les terres des populations de manière illégale ? C’est archifaux. Vous ne pouvez pas voir un chasseur détenir un pistolet automatique de la gendarmerie ou de la police ou même une kalachnikov. En clair, nous ne portons pas d’armes de guerre. Aujourd’hui, nous voulons accompagner le Président de la République qui est le chef suprême, dans sa vision de la Côte d’Ivoire. Tout ce qu’il dira nous allons exécuter. Il a dit que nous devons quitter des zones, nous allons le faire immédiatement.

Par le passé, on voyait plus les dozos confinés dans la savane au nord, mais qu’est-ce qui explique votre présence partout en Côte d’Ivoire ?

Les dozos existent depuis des décennies dans 17 pays d’Afrique. La culture a pris, à partir des années 80, une forte allure. Et ce n’était pas encore arrivé à l’ouest. Puis, la culture a commencé à prendre de l’ampleur à travers toute la Côte d’Ivoire. Nous avons initié plusieurs personnalités à cette culture, surtout pour protéger les biens des populations.

C’est pourquoi il y a des Baoulé dozos maintenant ?

Tout le monde peut être dozo. Vous même qui me parlez, vous pouvez être dozo, à condition que vous respectiez notre culture.

Quelles sont ces lois précisément ?

Les lois de cette culture, c’est dans notre jargon, si vous n’êtes pas initié, on ne peut pas rentrer dans les détails de ces lois.

Comment faire pour rentrer dans cette confrérie ?

Pour devenir dozo, il faut passer par une initiation. Et cette initiation se passe en brousse. Elle est secrète, on ne peut pas la détailler ici. Mais si vous avez envie de devenir un chasseur traditionnel, vous pouvez voir comment l’initiation se passe. Ne devient pas chasseur traditionnel qui veut. C’est par une initiation spirituelle qu’on devient dozo.

On dit que vous êtes invulnérables aux balles et que vous disparaissez aussi. Tout cela fait partie de l’initiation ?

Je crois que quand on parle de chasseur traditionnel, il a tous les pouvoirs mystiques. C’est le devoir du chasseur traditionnel. Nous sommes des guérisseurs, nous soignons, nous apportons un plus à la population, nous faisons du gardiennage, nous sécurisons l’environnement, nous protégeons les biens des êtres humains. Mais, le mystique, c’est le domaine du chasseur traditionnel.

A combien peut-on estimer le nombre de dozos aujourd’hui ?

On ne peut pas vous donner le nombre exact des dozos, puisque jusqu’au aujourd’hui, d’autres continuent de s’initier. Mais nous sommes à peu près 40 mille dozos en Côte d’Ivoire.

Vous êtes près de 40 mille et pour cet événement, il n’y a pratiquement personne ?

Nous avons choisi dans toutes les sous-préfectures de la Côte d’Ivoire, les têtes qui sont les pères spirituels. Nous avons invité les pères spirituels seulement à cette réunion. Une personne par ville, c’est pour cela que vous voyez que le nombre est faible. Toutes les sous-préfectures sont représentées.

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Il y a certaines personnes qui arborent votre habillement, faisant croire qu’elles sont dozos. Est-ce que ceux-là font partie de votre confrérie ? Si ce sont des usurpateurs, quelles sont les dispositions que vous prenez ?

Nous sommes en train de moderniser cette culture. Vous avez dit que les dozos, anciennement étaient dans le nord, mais aujourd’hui, la culture est implantée partout en Côte d’Ivoire. Il y a certains éléments parmi les corps habillés qui portent le treillis et vont couper les routes. Les tenues dozos se vendent. Les gens en achètent, ils s’habillent et vont commettre des exactions et après, on dit que les dozos ont commis des exactions. En réalité, le jour de l’initiation, on dit au dozo qu’il ne doit pas déborder, ni voler ni faire quoi ce soit qui porte d’une manière ou d’une autre atteinte aux droits de l’Homme.

Donc ceux qui sont sur les routes, qui contrôlent, qui font les barrages, ce sont aussi de vrais dozos ?

Ce sont des vrais dozos qui sont reconnus et bien identifiés. Nous avons des cartes. Et aujourd’hui, nous avons fait une demande d’agrément, et depuis le 6 juillet 2012, nous avons obtenu le récépissé, pour que nous devenions une société de sécurité dénommée Ssm (Société de sécurité Manimory)

Donc en vous modernisant, vous laissez tomber vos attributs ? Vos habits ? Quelle va être la nouvelle configuration dozo ?

Les 40 000 dozos que nous sommes, ne peuvent pas être impliqués tous au même moment dans la société de sécurité. Nous sommes en train de nous moderniser, nous prenons des éléments bien éduqués qui auront un autre habillement pour différencier les chasseurs traditionnels de ceux qui sont impliqués dans cette nouvelle société de sécurité qui vient d’être créée. Il y a une tenue spéciale qui a été confectionnée pour cela.

Cette tenue est-elle moderne ? Où a-t-elle été « travaillée » mystiquement ?

La tenue est moderne. Elle a été cousue dans une usine. Les tenues ne sont pas « travaillées », c’est le dozo lui-même qui met le mystique en pratique. Donc le dozo reste toujours dozo même si l’habillement change.

Chez le dozo, quand on dit mystique, c’est quoi ?

Il y a plusieurs sens. Si tout à l’heure on vous lance un mauvais sort, vous allez partout, pas de solutions. Si vous allez voir un chasseur traditionnel-guérisseur, il peut guérir cette maladie par ses connaissances, par des plantes. Autant vous avez eu cette maladie mystiquement, autant le chasseur traditionnel la guérit mystiquement.

Mystiquement, est-ce que vous maîtrisez l’environnement où nous sommes ? Est-ce que c’est ce qui a fait que vous avez délocalisé la rencontre ? La rencontre devait avoir lieu à Yopougon, et nous sommes à Adjamé

Ce n’est pas parce qu’il y a eu une situation mystique qui pouvait déranger cette rencontre. L’endroit qui devrait nous recevoir était exigüe pour le nombre de chefs spirituels. C’est pourquoi, nous nous sommes retrouvés ici à Adjamé, pour faire cette rencontre en présence de plusieurs personnalités.

On a parlé de démobilisation et de réinsertion. Est-ce que vous êtes aussi concernés ?

Nous ne sommes pas concernés. Il y a certains éléments qui ont aidé les militaires à libérer la Côte d’Ivoire. Ceux-là sont concernés parce qu’ils ont participé à la libération de la nation.

En dehors de ceux-là, tous les dozos qui sont présents aujourd’hui ici conservent leur statut ?

Tous les dozos qui sont là gardent leur statut. Comme vous les savez, tout chasseur traditionnel a toujours son arme, qui est de type calibre 12. Ce n’est pas une arme de guerre. Beaucoup font allusion à cet instrument de chasse traditionnel quand on parle d’arme de guerre. Le dozo ne prend pas une arme de guerre pour se promener. Mais le dozo a toujours son arme traditionnelle de chasse. Et puis, il y a certains qui sont forgerons et qui fabriquent eux-mêmes leurs propres armes. Comment allez-vous les désarmer.

Donc vous conserverez toujours vos armes ?

Oui nous conserverons toujours nos armes qui ne sont pas des armes de guerre.

Avant, vous occupiez tous une place de choix au nord. Mais maintenant, vous êtes tous ici à Abidjan ? Qu’en est-il des populations du nord ?

La caste dozo du nord n’est pas vidée. Tous les dozos que vous voyez aujourd’hui dans cette rencontre sont du nord. La confrérie est en train de prendre une place importante en Côte d’Ivoire. De 500 dozos il y a quelques années, nous sommes aujourd’hui plus de 40 000. Les gens continuent de s’initier. Comme je le disais tout à l’heure, si vous le voulez, vous pouvez être initié.

Il y a des gens qui ont peur de vous quand vous sortez, que pouvez-vous leur dire ?

Approchez la population et dites leur qu’ils ne sont pas nos ennemis. Il faut plutôt chercher à comprendre cette confrérie qui n’est pas là pour porter atteinte à la population. C’est une tenue que les gens n’avaient jamais vu à part au nord. Maintenant qu’ils nous voient, on veut les amener à comprendre que le chasseur traditionnel fait partie de la protection des civils. On apporte un plus.

Entretien réalisé par M’BRA Konan

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