Par Fanny Pigeaud – lexpress.fr
Selon un rapport de l’ONU, les fidèles de l’ex-président tentent de sceller une alliance avec les islamistes maliens afin de fragiliser Alassane Ouattara. Mais nombre de doutes subsistent.
Des incertitudes demeurent sur la capacité de nuisance des partisans de l’ex-président Laurent Gbagbo.
Des adeptes en exil de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo ont-ils noué des liens au Mali avec le groupe islamiste Ansar ed-Dine? Un rapport rendu public le 17 octobre par les Nations unies l’affirme, évoquant aussi des contacts avec l’ex-junte malienne du capitaine Amadou Sanogo. Objectif, selon ce document, oeuvre de cinq experts chargés de la surveillance de l’embargo sur les armes en vigueur en Côte d’Ivoire depuis 2004: sceller une alliance -si paradoxale soit-elle- vouée à déstabiliser le chef d’Etat ivoirien, Alassane Ouattara. Cette « révélation » a déclenché d’intenses polémiques à Abidjan, où les tensions, rançons de la crise postélectorale de 2010-2011, demeurent vivaces.
Les « pro-Gbagbo » mis en cause dénoncent une manipulation destinée à les diaboliser. Dans le camp du pouvoir, on estime, au contraire, que le rapport confirme la « duplicité des partisans de l’ex-président ». « Pendant qu’ils prônent le jour le dialogue, ils s’allient la nuit aux extrémistes de tous bords », accuse un ouattariste.
Info ou intox? Que des fidèles de Gbagbo, en détention provisoire à La Haye depuis un an, brûlent d’en découdre n’a rien d’invraisemblable ; beaucoup, parmi les milliers de ses partisans civils et militaires réfugiés à l’étranger, rêvent de revanche. Mais il leur faut, pour orchestrer une illusoire reconquête, bases arrière et armements. Pas facile dans une région pour l’essentiel « loyaliste », même si la frange frontalière du Liberia voisin constitue un foyer d’insécurité chronique. Composante de la nébuleuse djihadiste qui asservit le nord du Mali, Ansar ed-Dine peut apparaître dès lors comme un précieux partenaire.
Des pièces gênantes aussi pour le pouvoir
Pour autant, deux facteurs au moins rendent cette association improbable. La faction islamiste passe pour bénéficier de la bienveillance du Burkina Faso, qui fut l’un des acteurs majeurs de la chute de Gbagbo. De même, comment imaginer un pacte entre les salafistes d’Ansar ed-Dine, avocats d’une application rigoriste de la charia, et les « gbagbophiles » expatriés, acquis pour la plupart au courant protestant évangélique? Le rapport, qui sera soumis au Conseil de sécurité à la fin de ce mois, ne permet pas de trancher. Non sourcé, il pâtit de son imprécision. Il y est ainsi question, sans plus de détails, d’une réunion qui se serait tenue fin juin « à la frontière de la Mauritanie et du Sénégal » entre un pro-Gbagbo et un « responsable d’Ansar ed-Dine ».
A New York même, des cadres onusiens vont jusqu’à évoquer un « montage » visant à accabler les partisans du captif de La Haye. « La principale source d’informations des auteurs, avance l’un d’eux, est la DST [Direction de la surveillance du territoire] ivoirienne. On peut se demander s’ils n’ont pas été manipulés. »
Une certitude: le texte controversé apporte de l’eau au moulin des autorités nouvelles. Lesquelles accusent depuis plusieurs mois l’arrière-garde du régime déchu de comploter contre Ouattara et lui imputent les mystérieuses attaques surprises visant depuis l’été des sites militaires ou des infrastructures civiles. Cependant, le rapport livre aussi des pièces gênantes pour le pouvoir, telles ces factures attestant le viol par le gouvernement lui-même de l’embargo sur le matériel militaire. Les auteurs se disent en outre « vivement préoccupés » par la profusion d’armes en circulation et relèvent « des flux sans précédent de contrebande de cacao et de noix de cajou » impliquant des éléments des forces de sécurité.
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