IRIN
Des bases militaires et des postes de police ont récemment été attaqués à Abidjan, la capitale commerciale de la Côte d’Ivoire
ABIDJAN, 24 octobre 2012 (IRIN) – Des groupes de défense des droits de l’homme et des anciens détenus ont accusé les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) – qui font partie de l’armée – d’abus et de mauvais traitement. Selon eux, plusieurs civils ont été arrêtés, battus et détenus dans l’attente d’une rançon après une série d’attaques menées en août contre des postes de police et des bases militaires du pays.
Ces derniers mois, des bandes armées, soupçonnées par les autorités d’être composées de sympathisants du président Laurent Gbagbo, ont attaqué des postes de police et des bases militaires dans et aux alentours d’Abidjan, la capitale commerciale, ainsi qu’une centrale thermique et un poste-frontière. La centrale thermique, attaquée à la mi-octobre, était la première cible non militaire visée depuis le début des attentats.
Les FRCI s’étaient battues pour Alassane Ouattara, alors candidat de l’opposition, dans un conflit post-électoral sanglant dans lequel ils faisaient face aux sympathisants de M. Gbagbo, qui refusait d’accepter sa défaite aux élections de novembre 2010. M. Ouattara a pris le pouvoir en avril 2011.
« Le 15 septembre, j’ai été enlevé par une unité des FRCI basée au camp 2, à Yopougon-Niangon. Ils nous ont accusés, d’autres jeunes et moi, de planifier une action contre la stabilité et nous ont demandé de leur révéler où nous cachions nos armes », a dit Thibaut Guéï, un enseignant résidant à Yopougon, à l’ouest d’Abidjan. Cette commune était un bastion pro-Gbagbo lors des violences post-électorales de 2010-2011.
« Chaque fois que nous contestions ces accusations, nous étions sévèrement battus et ils versaient de l’urine sur nous », a dit M. Guéï, en montrant à IRIN son oreille gauche, qui a été coupée par l’un des soldats. « Je les ai suppliés de ne pas le faire, mais ils l’ont fait. »
« Quand j’ai perdu connaissance, ils ont appelé mes parents et exigé 150 000 francs CFA (300 dollars) pour me libérer et m’emmener à l’hôpital. »
Yacouba Doumbia, président du Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH), a dit à IRIN que les détentions illégales et les mauvais traitements étaient en hausse. Il a ajouté qu’un chef d’un mouvement de jeunes d’un village situé à l’ouest du pays avait été passé à tabac par les troupes des FRCI dans l’une de leurs bases en août. Les FRCI ont également placé en détention deux personnes de la même famille pendant trois jours et, dans la même région, ils ont roué de coups un homme qui a fini par succomber à ses blessures. Ils étaient tous accusés de fomenter des actions de déstabilisation.
« Il est très important d’assurer la sécurité du pays et cela devrait être fait dans le respect des droits de l’homme et des règles. Dans un État de droit, les policiers et les gendarmes sont les seuls fonctionnaires habilités au maintien de l’ordre et formés à cet effet », a dit M. Doumbia.
« C’est pourquoi nous appelons le gouvernement à donner une formation militaire et relative aux droits de l’homme aux FRCI. »
L’insécurité représente une grande menace pour la stabilité de la Côte d’Ivoire, qui a déjà été le théâtre de crises politiques meurtrières au cours des dix dernières années. Les tensions politiques n’ont pas cessé depuis les troubles post-électoraux, le processus de réconciliation n’a pas encore réellement commencé, des violences ont éclaté à plusieurs reprises et les forces armées du pays, profondément divisées par le conflit, n’ont pas encore été réformées.
Selon le porte-parole du gouvernement, Bruno Nabagné Koné, les accusations de mauvais traitement sont des « mensonges ». « Il y a toujours une hausse des tensions dans le pays, mais les arrestations ont été exécutées dans les règles et en totale transparence ».
Allégations graves
Selon Ricard Kodjo, porte-parole du Front populaire ivoirien, l’ancien parti majoritaire de Laurent Gbagbo, des centaines de personnes ont été arrêtées par des hommes armés qu’il n’a pas identifiés.
« Quelque 400 personnes ont été enlevées, entre 360 et 380 autres ont été arrêtées et quatre ont été tuées à Abidjan. Pire, les maisons de certains exilés sont utilisées comme camps de concentration. Il existe au moins une dizaine de camps de torture [à Abidjan] », a dit M. Kodjo dans une déclaration datée du 16 octobre.
Boniface Ackah, 28 ans, a dit qu’il avait été arrêté le 16 août à Dabou, à l’ouest d’Abidjan, après un attentat contre un poste de police de la commune. Il a ensuite été transféré dans la capitale.
« Nous avons été incarcérés pendant dix jours. Ils ne nous ont jamais rien expliqué. Ils nous ont battus avec des matraques et des bâtons », a dit M. Ackah, dont le corps garde les traces des hématomes causés par ces passages à tabac. Il a dit que lui et d’autres détenus avaient contacté leur famille [et, qu’en conséquence,] les soldats avaient demandé 50 000 francs CFA (100 dollars) à certaines [familles] et un million de francs CFA (2 000 dollars) à d’autres.
« Les soldats déterminaient qui avait un père riche ou pas. Nos parents sont pauvres, mais ils disaient ‘ce parent a de l’argent et peut envoyer une certaine somme’. Et la personne qui vient te chercher doit payer avant de quitter le camp de détention », a dit M. Ackah à IRIN.
Le directeur de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme, René Hokou Legré, a dit avoir contacté le ministre de l’Intérieur au sujet des arrestations et des demandes de rançon et le ministre a répondu qu’une enquête était en cours.
« Nous craignons que ces actes continuent et causent des morts. C’est en train de devenir du banditisme et cela ne va vraisemblablement pas apaiser les tensions et favoriser la réconciliation nationale », a dit M. Legré.
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