Nord-Sud
Si depuis trois mois les assaillants arrivent à troubler la quiétude des populations, c’est parce que certains ressorts dans l’appareil sécuritaire ne tiennent pas.
Quand des agresseurs arrivent à marquer des points, même au plan psychologique, sur une armée régulière, c’est qu’il y a défaillance dans l’appareil sécuritaire. Et, dans le cas des attaques contre les positions des Forces républicaines de Côte d’Ivoire (Frci), plusieurs signes sont-là pour attester qu’un ressort (ou plusieurs) est cassé dans la grande muette ivoirienne. Manifestement le premier signe sur lequel l’on spécule depuis le début des attaques, c’est celui de la complicité interne. Sans doute l’œuvre de soldats restés fidèles à l’ancien régime. Ceux-ci ne font jamais rien pour décourager les assaillants. Preuve de la synergie d’actions entre eux, c’est que comme un couteau dans du beurre, les assaillants pénètrent dans les commissariats, les brigades de gendarmerie voire dans les casernes, pour s’emparer d’armes. C’est avec cet arsenal que les déstabilisateurs organisent par la suite leur rodéo dans les localités qu’ils lorgnent.
La surdité des grandes oreilles
Et comme une faille en cache souvent une seconde, l’on peut se rendre à l’évidence que les services de renseignement peinent à tourner à plein régime. Car, s’ils faisaient vraiment preuve d’efficacité, non seulement ils auraient déjà contribué à débusquer les ennemis de la paix qui troublent le sommeil des Ivoiriens, ils seraient aussi parvenus à mieux informer l’état-major des Frci sur les attaques en préparation, afin de permettre à la hiérarchie de l’armée de prendre les dispositions nécessaires. N’est-ce pas cela que fustigeait implicitement, dimanche, le commandant Léon Allah Kouakou, porte-parole du ministère de la Défense, après l’attaque de Bongouanou ? « Chacun doit faire correctement son travail », avait-il lâché comme réponse à la question de savoir pourquoi les rumeurs annonçant un raid dans cette localité n’ont pas été traitées avec sérieux. « Quand on a enregistré la première grosse attaque sur le camp militaire d’Akouédo, les hommes, dans les différentes unités, devaient être suffisamment alertés sur le danger. Ce qui n’est pas le cas. Chaque jour, on enregistre des attaques », a-t-il ajouté dans la foulée. Il n’a pas osé critiquer frontalement un service de l’armée. Mais, tout le monde comprend qu’au-delà des chefs des Frci des zones visées, ces critiques s’adressent surtout aux grandes oreilles. « Où allons-nous avec tout ça ? Il va falloir qu’un diagnostic sérieux soit fait et que désormais, on situe pleinement les responsabilités », avait insisté le capitaine Léon Allah Kouakou qui, visiblement, sait bien de quoi il parle. « S’ils sont devenus sourds et aveugles aux Rg (Renseignements généraux), qu’ils le disent eux aussi. Normalement, ce sont eux qui assurent l’efficacité aux hommes sur le terrain, grâce aux informations qu’ils recueillent sur l’ennemi.
Rester en état d’alerte
Sans leur partition, la mission devient difficile pour les combattants qui ne savent pas trop à qui ils ont affaire, un peu comme un navire qui navigue sans gouvernail. Dès qu’on connaît le centre de gravité de ceux qui attaquent, nos Rg devraient rester en état d’alerte. La tâche leur est déjà facilitée par le fait que l’itinéraire des assaillants est plus moins connu », analyse un célèbre officier de l’armée ivoirienne à la retraite. Il explique le choix des commissariats et des brigades de gendarmerie par le fait que « l’ancien régime y a fait entrer de nombreux jeunes acquis à sa cause. Pendant les dix ans, chaque homme fort de ce régime avait son quota de jeunes gens à intégrer. Souvenez-vous des bagarres auxquelles on assistait lors des concours d’entrée, chacun insistant pour que ses candidats soient pris en compte ». Que faire face à cette situation ? Faut-il extirper tous les ‘’collabos’’ ou supposés tels des rangs de ces différents corps ? « Il faut déjà les rassurer en leur expliquant qu’ils n’ont pas besoin de servir la cause d’un individu ou groupe d’individus. S’ils ne comprennent pas, alors là, il va falloir passer à une autre phase », conseille cet officier qui se déclare toujours bon pour le service. En quoi devrait consister cette phase ? Réponse sèche de notre interlocuteur : « on a posé le diagnostic. Il n’est peut-être pas exhaustif, mais avec les premiers éléments, ceux qui dirigent l’armée devraient savoir quoi faire. Il n’y a pas que du faux dans tout ce que les gens disent à longueur de journée. C’est aux responsables de savoir faire le tri et d’apporter les réponses qui s’imposent. Chacun à son niveau doit correctement faire son travail». Cela est-il valable pour les grands chefs. «Ce n’est pas dans ma bouche que vous mangerez votre piment !». On a compris.
Marc Dossa
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