A la Une: très cher mouton…

Par Frédéric Couteau RFI

En cette veille de Tabaski, la fête du sacrifice, l’une des plus importantes de l’islam, le prix du mouton atteint des sommets… C’est un peu la même histoire chaque année, comme l’illustre ce dessin publié ce matin dans le quotidien sénégalais Le Soleil. On y voit deux hommes en train de se croiser dans la rue, l’un tire un gros bélier, l’autre porte un petit mouton dans un sac, sur son dos… Le premier lance à l’autre fièrement : « mon bélier n’a pas d’égal ! » Et l’autre, répond, philosophe : « ce n’est pas grave, qu’il soit gros ou petit, le mouton finira au fond de la marmite ! »

Seulement voilà, tout le monde n’est pas aussi philosophe : on se saigne aux quatre veines pour avoir le plus beau mouton… Et les prix montent. C’est ce qu’on constate un peu partout, du Sénégal, en Côte d’Ivoire, en passant par l’Algérie. « En l’espace de quelques mois, constate le quotidien Liberté à Alger, le prix du mouton est passé du simple au double ! Certes, l’Aïd a toujours été une aubaine pour les spéculateurs de tout poil, mais cette fois-ci, la flambée a atteint des seuils dépassant tout entendement. Des seuils qu’on ne peut justifier ni par la règle de l’offre et de la demande, ni par une augmentation des prix des aliments du bétail, ni encore par la contrebande exportatrice d’ovins vers les pays voisins de l’Algérie. »

Non, en fait pour Liberté, les consommateurs font de la surenchère et « ils se doivent de se libérer de cette fâcheuse habitude, propre aux… moutons de Panurge, qui consiste à imiter stupidement l’autre… à tout prix. L’autre pouvant être, ici, le voisin, le collègue, le cousin ou quiconque a pu s’offrir un gros mouton « cornes double-tour », grâce à ses avoirs importants, que ceux-ci soient d’ailleurs bien ou mal acquis. »

La faute au Nord-Mali ?

A Abidjan en Côte d’Ivoire, le prix du mouton atteint des records… C’est ce que constate le site d’information Koaci : « en effet, écrit-il, les moutons qui se vendaient les années précédentes à 30 mille FCFA sont passés à 50 mille voire 60 mille FCFA. » Pourquoi une telle hausse ? Là, l’argument invoqué est… le conflit au Nord-Mali. « Avec le contexte sociopolitique très difficile dans le Nord du Mali, fournisseur principal de la Côte d’Ivoire en bétails, tout présageait que le prix du mouton ne serait pas à la portée de tous les musulmans qui souhaiteraient sacrifier à la tradition », relève Koaci.

« Nombreux sont donc les musulmans ivoiriens qui ne pourront certainement pas s’offrir cette année un mouton », poursuit Koaci qui indique que certains fidèles se rabattent sur le bœuf, acheté en commun, pour 6 ou 7 familles. Les plus pauvres sacrifiant, eux, un simple poulet…

Même constat pour le quotidien L’Intelligent : « aux dires de quelques importateurs de bétail, l’approvisionnement du marché ivoirien pour la fête de la Tabaski, est une tâche périlleuse. La raison : la crise militaro-politique qui secoue le Mali. Depuis près de 6 mois, le nord du Mali est occupé par des islamistes, rappelle le journal. Il est donc difficile de s’y rendre pour approvisionner le marché. Pour ces raisons, indiquent des importateurs, le prix de la vente au détail ne sera pas accessible pour toutes les bourses. »

Du coup, conséquence de cette envolée des prix du mouton : on fait attention aux autres dépenses, notamment pour les vêtements de fête. C’est ce que constate le quotidien sénégalais La Tribune, qui nous emmène au marché Hlm de Dakar. « Les sonorités distillées par les mégaphones et les chaines à musique, la criée associée à des tapes de mains, saccadée par des pas de danses composent, avec les couleurs des tissus et le vrombissement des machines à coudre, le décor. »

Un décor sonore et chatoyant donc, mais les principaux acteurs, les clients, restent en coulisses… « Il n’y a pas encore de clients cette année. Peut-être d’ici le jour de la Tabaski, ils viendront », relève ce commerçant, interrogé par La Tribune. Ou encore cet autre : « On n’a pas de clients cette année car les gens n’ont pas d’argent. » Bref, « ce n’est pas encore le grand rush », constate La Tribune.

De la symétrie des cornes et des testicules…

Si on n’a pas les moyens d’acheter un magnifique bélier, il reste le plaisir des yeux, avec cette émission de télévision, apparemment très suivie au Sénégal… C’est ce que nous raconte le site d’information Afrik.com: « à la veille de la Tabaski, la place de l’Obélisque à Dakar accueille une émission de télévision pas comme les autres. Khar Bii, « le mouton » en wolof, consiste à élire le plus beau bélier du pays. (…) Pour cette quatrième édition, les organisateurs du concours ont sillonné le pays à la recherche de la perle rare pour ne retenir en finale que seize moutons sur plus de 200 bêtes. Difficile pour le jury, composé d’éleveurs et de vétérinaires, de faire son choix. »

Alors, justement, comment se fait la sélection ? « Les moutons sont notés en fonction de plusieurs critères esthétiques, relève Afrik.com. Costauds mais pas obèses, leurs cornes et leurs testicules doivent par exemple respecter une certaine symétrie. Leur aptitude à défiler compte également. Après le défilé, poursuit le site, place aux délibérations du jury. Eleveurs et moutons attendent le verdict avec impatience.

En plus d’une belle publicité à quelques jours de la Tabaski, les trois premiers moutons font gagner à leur propriétaire entre 1 et 2 millions de FCFA. (…) D’année en année, conclut Afrik.com, l’émission Khar Bii n’en finit pas de faire des heureux, pour le plus grand bonheur des téléspectateurs sénégalais. »

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