Interview exclusive de Simplice Ongui, Directeur de sociétés depuis Londres en Angleterre, membre actif de la Diaspora militante ivoirienne en Europe
Réalisée par Sériba Koné à Abidjan avec G.D.A. | Connectionivoirienne.net 19.10.2012
« …Nos pays ne sont toujours pas indépendants. Cela est regrettable (…) »
« …Le facteur temps, pour la compréhension des crises ivoiriennes, est une question de fond (…) »
INTERVIEW
Bonjour, vous êtes le Directeur général de Le Nouvel Afriqu’Essor depuis Londres. Pouvez-vous le présenter aux Africains et particulièrement aux Ivoiriens ?
Je vous dis merci de m’accorder cette interview. Je voudrais aussi vous adresser mes encouragements pour le travail d’information et de formation que vous êtes entrain de faire auprès des Ivoiriens pour la réconciliation de tous avec tous.
Avant de répondre à votre question j’aimerais me présenter à vos lecteurs.
Je m’appelle Simplice Ongui. Je suis d’origine ivoirienne et je réside à Londres. Directeur de sociétés (Tamtam Afrique Ltd, une agence de Communication, Afriqu’Essor un organe de presse écrite et Editions Ibis Sacré). Je suis marié et père de famille.
En Côte d’Ivoire, j’ai longtemps milité avant de venir en Grande-Bretagne. Membre de l’Association de la Jeunesse Ivoirienne pour la Culture et la Science (AJICS) et de l’Association des Elèves et Etudiants Musulmans de Côte d’Ivoire (AEEMCI), j’ai aussi appartenu au bureau de la Délégation du Centre (Bouaké) pour la Fédération Nationale des Mouvements et Associations de Jeunesse de Côte d’Ivoire (FNMAJCI).
En avril 1990 à la création officielle de l’Union des Sociaux Démocrates (USD), j’ai été nommé par le Professeur feu Bernard Zadi Zaourou, son premier Secrétaire Général, Représentant de ce parti politique dans la Région des 18 Montagnes et l’année suivante membre de la direction. Pour des raisons personnelles, en janvier 1994, j’ai démissionné de l’USD après la convention du parti tenue à Daloa.
Au Royaume-Uni où je réside depuis 1994, j’ai activement participé à la création du Congrès Ivoirien pour la Démocratie (CID), du Forum pour les Libertés (FL) et de la Coordination des Ivoiriens au Royaume-Uni (CIRU). J’ai été vice- président des deux dernières organisations citées.
Parallèlement, à la politique et au militantisme je suis consultant pour plusieurs Organisations Non Gouvernementales (ONG) basées pour la plupart dans la commune du Lambeth, dans le Sud-Ouest de la Ville de Londres. Pour finir je suis membre de l’Union Nationale des Journalistes du Royaume-Uni, de l’Union de la Presse Francophone (UPF) et de la « Royal African Society », une Cellule de réflexion pour les Affaires Africaines.
Le Nouvel Afriqu’Essor est un tabloïd publié par de la société d’Editions et de Conseil en Communication, Tamtam Afrique Limited dont je suis responsable.
Le Nouvel Afriqu’Essor est un mensuel d’informations générales fait par des Africains et des Caribéens de la diaspora pour les Africains et les Caribéens de la diaspora et tous les francophones du monde. Edité au Royaume-Uni d’Angleterre, ce tabloïd de 24 pages quadri (en couleur) traite de l’actualité africaine, caribéenne et du monde entier sous tous ses angles. De la Politique à la Société en passant part la Culture, l’Economie, le Sport… et les Faits Divers qui pimentent les différentes composantes de la communauté africaine en Europe.
Le Nouvel Afriqu’Essor qui tutoie de façon directe, précise et pointilleuse l’actualité qui est susceptible d’intéresser les femmes et les hommes des communautés francophones, s’est fixé trois objectifs majeurs :
• D’abord, il se veut d’éduquer, intéresser et sensibiliser les communautés africaines et caribéennes de la diaspora, de promouvoir la culture africaine et caribéenne en Europe en servant de relais entre les différentes communautés résidant au Royaume-Uni d’Angleterre et dans les autres pays d’Europe.
• Ensuite, de servir de relais entre les autorités du pays d’accueil et les communautés africaines et caribéennes francophones de la diaspora.
• Enfin, Le Nouvel Afriqu’Essor est un ponton entre l’Afrique, les Îles Caraïbes et l’Europe.
Monsieur le directeur, peut-on savoir si Le Nouvel Afriqu’Essor a déjà des représentations en Afrique, et particulièrement en Côte d’Ivoire?
Le Nouvel Afriqu’Essor a une dynamique équipe rédactionnelle panafricaine repartie en France, Belgique pour l’Europe et en Guinée-Conakry, Congo, République Démocratique du Congo et Côte d’Ivoire pour l’Afrique et enfin au Canada. Mais étant donné que nous attendons toujours, après la dissolution des Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne (NMPP), des autorités de Presstalis la nouvelle société française de distribution de presse leur accord à distribuer Le Nouvel Afriqu’Essor dans le monde entier et plus particulièrement dans les pays francophones, nous n’avons pas encore ouvert officiellement des représentations.
Le Président de la République, Alassane Ouattara était récemment à Londres pendant les Jeux Olympiques. Il a profité de l’occasion pour inviter les Ivoiriens à rentrer au pays pour investir. Quelle appréciation faites-vous de cet appel ?
Personnellement je n’étais pas dans la salle où le président Alassane Ouattara aurait lancé cet appel aux Ivoiriens de la diaspora. J’en ai donc entendu parler via la presse. C’est une déclaration de bonne intention pourvue qu’elle soit suivie d’une véritable volonté politique. Cela a été possible dans certains pays de la sous région parce-que des structures administratives ont été mises en place pour accueillir, orienter et encadrer la diaspora qui revient investir au pays. Et donc nous attendons que des structures politiques et administratives facilitant notre retour au pays voient le jour et qu’elles soient effectivement fonctionnelles. Je n’oublie pas également l’important rôle que le législatif, qui vote les lois, doit jouer dans le processus de retour au pays des Ivoiriens de la Diaspora.
Depuis plus d’une dizaine d’années la Côte d’Ivoire est déchirée par une guerre fratricide. Quel regard portez-vous sur la Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation que dirige Charles Konan Banny ?
La Commission Dialogue, Vérité et Réconciliation (CDVR) que dirige le Premier Ministre Charles Konan Banny est une promesse de campagne présidentielle du candidat Alassane Ouattara, si ma mémoire est fraîche. Si juste après sa prestation de serment, le 6 mai 2012, le nouveau Président de la République de Côte d’Ivoire, le chef de l’Etat Alassane Ouattara a réalisé sa promesse, c’est bien parce-qu’il tient à réconcilier tous les Ivoiriens. Mais en le faisant j’ose croire qu’il ne souhaiterait pas que cela se limite seulement à ces dix dernières années, car il y a beaucoup de vérités et de faussetés cachées par la crise postélectorale. C’est pourquoi, à mon humble avis tous les Ivoiriens et particulièrement les intellectuels et les politiques doivent se sentir concernés par cette opportunité d’inscrire leur intelligence au service de notre pays, la Côte d’Ivoire.
La presse ivoirienne ressort très souvent le problème de moyens financiers qui feraient défaut au bon fonctionnement de la CDVR. Mais cette même presse oubli de relever le fait que les missions de la CDVR sont circonscrites dans une durée de deux ans fixe ; vu que les crises ivoiriennes sont profondes et complexes il me semble qu’en si peu de temps on ne puisse pas les comprendre. Le facteur temps, pour la compréhension des crises ivoiriennes, est une question de fond qui pourrait aussi se poser à la CDVR.
Le président Alassane Ouattara qui, j’en suis profondément persuadé, est en quête de la cohésion sociale et qui veut construire une nation ivoirienne, non seulement il fera des gestes forts en vers l’opposition mais il mettra à la disposition de la CDVR les moyens politiques et financiers pour l’accomplissement de leurs missions.
Quant au Premier Ministre Charles Konan Banny, Président de la CDVR, je crois en ses chances vu sa sagesse et sa détermination à ramener la paix dans notre pays. C’est d’ailleurs à cause de ce sentiment à ramener la paix en Côte d’Ivoire qui l’anime, qu’il a abandonné le poste de Gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar au Sénégal en décembre 2005 pour rejoindre Abidjan comme Premier Ministre.
Outre la comparution des pro-Gbagbo dans l’assassinat du colonel-Major à la retraite Dosso Adama devant les juges, le procès des barons de la filière café-cacao s’est ouvert. Un rapport des experts de l’Onu fait feu de tout bois, en ce moment dans la presse. Quel est votre commentaire sur ces différents sujets en tant qu’opérateur économique ?
Je ne ferai pas de commentaire sur les affaires judiciaires même si la comparution du Général Dogbo Blé Brunot et des autres militaires dans l’affaire de l’assassinat du Colonel-Major Dosso Adama donne l’impression de la fin de l’impunité en Côte d’Ivoire.
Pour ce qui concerne le rapport des « experts » de l’ONU rendu public par Radio France Internationale (RFI), je dirais avant tout propos que je souhaiterais qu’à l’avenir la presse ivoirienne qui a tout intérêt à œuvrer pour le retour définitif de la Paix dans notre pays ne se fasse plus le relais d’une radio fusse-t-elle Rfi dans des affaires de terrorisme extrêmement graves. Parce que ce rapport n’était même pas encore parvenu au Conseil de Sécurité de l’ONU. Et en plus aucune preuve solide ne vient en renfort de celui-ci.
Il faut toujours se méfier de tels rapports « d’experts privés » qui font leurs affaires. Ne perdons surtout pas de vue qu’ils sont rémunérés sur le nombre de rapports rendus ; ils peuvent donc s’assoir dans leurs bureaux et en écrivains, s’appuyant sur des articles de presse fallacieux, faire de très bonnes coupures et boucler un rapport. En ce qui me concerne, ce sont des informations d’une extrême gravité sans preuves. Rfi devrait être poursuivie par les Tribunaux de Côte d’Ivoire pour diffusion d’informations graves sans preuves… mais bon !
En tant qu’opérateur économique en attente de venir investir en Côte d’Ivoire dans l’Edition du Livre, je dirais tout simplement que la sous région et particulièrement mon pays n’a pas besoin de la présence de terroristes d’où qu’ils viennent sur son territoire. Parce-que là où il y a insécurité aucun investisseur ne peut prendre de risque d’y placer son argent même si c’est son pays d’origine.
En Afrique, et un peu partout dans le monde où la situation socio-économique est précaire le peuple accuse le colonisateur de tous les maux dont il souffre. Quelle analyse faites-vous de cette façon de voir les choses ?
Vous touchez-là un point très important, le colonisateur. Bien entendu la colonisation est un processus violent et pétris de domination comme le disait Frantz Fanon dans son grand livre « Les Damnés de la Terre ». Cette domination est tant économique, culturelle que psychique. Dans ce processus de colonisation, le colonisateur a détruit l’être colonisé et la société autochtone. En détruisant l’être colonisé, il l’a remplacé par une autre espèce d’êtres : les « intellectuels colonisés ». Ces derniers ne veulent pas s’affranchir de la domination du colonisateur parce-que remplaçants de celui-ci, ils bénéficient et détiennent les privilèges de son maître le colon ou ex-colon (selon). Dans le cas de la Côte d’Ivoire, ces rapports marquent la perpétuation de la main mise de la France sur les affaires intérieures de notre pays. Ce sont des rapports flous entre la métropole (Paris) et les capitales des pays francophones d’Afrique que le Président Félix Houphouët-Boigny a dénommé la Françafrique. Cette nébuleuse fait aussi pression sur nos leaders, les « intellectuels colonisés », afin d’éterniser l’asservissement de leurs propres peuples.
Dans ce cas accuser les Occidentaux des malheurs des peuples d’Afrique ne relève point d’une faiblesse ou encore moins d’un raccourci, mais d’une réalité. Ils sont la cause profonde de nos souffrances.
Nos petits pays de l’Afrique francophones, plus d’une cinquantaine d’années après la proclamation de leurs indépendances, ne sont toujours pas indépendants. C’est regrettable. Mais nous ne devons pas perdre espoir. Car il nous appartient d’engager une vraie lutte de libération du joug colonial. Avec l’ère de la mondialisation et des progrès des nouvelles technologies de l’information et de la communication, nous pouvons réussir notre lutte de libération sans encourager des termes comme le patriotisme ou encore développer une doctrine comme le nationalisme. D’autres formes intelligentes et intellectuelles de luttes de libération sont encore aussi possibles.
Quelle définition donnez-vous à un patriote, un nationaliste et un citoyen lambda dans la situation sociopolitique que vit la Côte d’Ivoire, depuis l’avènement du multipartisme dans les années 90 ?
C’est vrai que je suis responsable d’une Maison d’Editions, mais je n’ai pas encore pensé à un projet d’écrire un dictionnaire qui donnerait de nouvelles définitions aux mots et termes que vous venez de citer. Mais bon, je m’efforcerai quand même de vous donner une définition. L’on appelle patriote celui qui a un amour pour sa patrie, son pays. Et aussi toute personne animée du sentiment de patriotisme. Et donc le patriote est celui-là même qui devrait applaudir tout être, peu importe son origine, qui œuvre pour le développement de sa patrie même si selon Jules Bernard au fond du patriotisme il y a la guerre. En effet, le patriote doit éviter la déstabilisation de son propre pays et la destruction des matrimoines publics.
Quant au nationaliste, c’est quelqu’un qui est partisan du nationalisme politique ou l’inspire. Le nationalisme politique est une doctrine qui fait appel à la nationalité, à l’autonomie et à l’indépendance. Or, tout ce qui est passionnément attaché à la nationalité est très souvent accompagné d’un esprit de xénophobie.
Je vais singulièrement m’attarder sur la définition du terme banal « citoyen lambda » que les femmes et les hommes politiques, les journalistes utilisent très souvent. Le terme « citoyen lambda » désigne le citoyen basique. Par cette expression banale l’on banalise la condition du citoyen sans éclat qui n’a aucun mérite particulier donc sans importance citoyenne à l’opposé des cadres et de tous ceux qui gouvernent. C’est donc une expression péjorative que les autorités ne devraient plus employer parce que le citoyen basique ne mérite pas d’être considéré comme une vulgaire quantité négligeable.
Quel regard portez-vous sur la politique ivoirienne depuis le multipartisme à nos jours ?
C’est une désolation. Il y a certes une multitude de petits partis politiques qui légitiment le multipartisme en Côte d’ivoire, mais depuis plus de vingt ans rien à changer dans le comportement des politiciens et des militants de base qui n’ont aucune éducation politique et surtout civique. Des partis politiques qui ne sont pas différents des associations tribales ou régionales où l’idiologie n’est qu’une théorie jamais appliquée. Encore et encore des partis politiques où les militants/adeptes suivent plutôt un homme et non son discours. Quelle honte.
Malgré quelques acquis démocratiques, la Commission électorale indépendante, le vote à 18 ans, le bulletin unique et l’urne transparente, beaucoup de choses reste encore à faire enfin que le multipartisme soit une réalité qui bénéficie à tout le peule de Côte d’Ivoire. La démocratie dans son application est très absente au sein même des partis politiques et bien entendu cet état de « panne démocratique » se fait ressentir visiblement dans la vie politique nationale. Nous vivons quotidiennement les effets collatéraux du « rattrapage ».
Selon vous, la paix est-elle possible en Côte d’Ivoire. Pourquoi ?
Le retour de la paix est bien possible dans notre pays. D’abord la Côte d’Ivoire n’est pas à sa première crise et à chaque fois que nous avons été secoués l’intérêt supérieur du pays a été toujours mis en premier. Même si cette fois-ci la crise a été très forte et profonde, avec une volonté politique du chef de l’État, j’ai espoir de voir les choses normalisées.
En suite, je ne crois pas véritablement que l’Ivoirien soit animé d’un esprit de destruction, de criminel et surtout de rancune. Il y a aussi le brassage culturel dû un métissage ethno-régional, les alliances inter-tribus et inter-ethnies qui sont un atout Et enfin, la paix étant une condition sine qua none pour que les investisseurs s’intéressent à notre pays et aussi pour le développement, les nouvelles autorités d’Abidjan et Yamoussoukro, eux-mêmes des filles et des fils du pays, sont condamnés à œuvrer au retour de la paix.
Quelle question selon vous a manqué à cet entretien ? Auriez vous souhaitez aborder un sujet qui ne l’a pas été ?
J’aimerais encore vous dire merci de m’avoir accordé cette interview. Vous savez qu’en général en période de chaudes actualités les questions sont difficilement épuisables. Mais pour finir je souhaiterais que toutes les Ivoiriennes et tous les Ivoiriens vivant au Royaume-Uni d’Angleterre s’impliquent dans le processus de la réconciliation nationale engagé sous les auspices du Premier ministre Charles Konan Banny.
Réalisée par Sériba Koné avec G.D.A.
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