Assassinat de Thomas Sankara, des militaires qui en savent trop sur le crime
Jeudi 15 octobre 1987. Le président du Faso, Thomas Sankara, est assassiné par un commando. On cherche toujours la tête pensante de ce crime. Parmi les bidasses qui peuvent éclairer les Burkinabè, les noms du colonel Gilbert Diendéré, l’adjudant-chef, pardon, l’honorable député Hyacinthe Kafando et l’officier de gendarmerie Ardiouma Jean-Pierre Palm reviennent constamment. Ces trois hommes de tenue semblent détenir des informations précieuses sur la disparition sanglante du président Thomas Sankara.
Source : Le Libérateur N°41 du 05 au 20 octobre 2007
Qui a donné l’ordre de « faire feu » sur le président Thomas Sankara ? Question gênante. Interrogation centrale dans ce que certains politologues appellent une révolution de palais du 15 octobre 1987. Dans les milieux militaires, on s’accorde à dire qu’un groupe de commandos composé d’officiers, de sous-officiers et de soldats a décidé de stopper le pouvoir qu’il qualifie de « personnel » du président Thomas Sankara. Il fait irruption au Conseil de l’entente ce jeudi 15 octobre 1987.
Résultat macabre
Le résultat est macabre. Le président du Faso et douze de ses compagnons tombent sous la furia des balles meurtrières. En ce vingtième anniversaire de l’assassinat du Président Thomas Sankara, nous recherchons toujours les mains assassines et les têtes pensantes de l’arrêt de l’expérience révolutionnaire burkinabè. Qui a fait quoi dans les événements douloureux du 15 octobre 1987 ?
Dans la crise au sein du Conseil national de la révolution (CNR), le président du Faso, Thomas Sankara, préoccupait ses anciens frères d’armes. Que faire de l’homme, qui à tort ou à raison semble bloquer l’avancée du processus de changement en profondeur déclenché le 4 août 1983 ? Plusieurs pistes ont été examinées. Arrêter le président du Faso avait été proposé par certains officiers ! Ce scénario comportait de gros risques. Les révolutionnaires de l’époque se souviennent de son arrestation du 17 mai 1982. Une mobilisation du peuple pour la libération de son président donnerait un second souffle à la révolution. Elle marquerait également la défaite aux conséquences imprévisibles pour les futurs rectificateurs. La seconde solution était la mort. Cette piste a été retenue. Ce qui a conforté cette prise de décision est cette rumeur d’épurement, en chantier, dans le cercle des amis du pouvoir.
Le 15 octobre 1987 semble être l’aboutissement de l’incapacité de compromis des leaders de la révolution. Ils ont perdu de vue les exigences de tout changement en profondeur. On ne peut pas conduire une révolution sans un minimum de divergences politiques dans la conduite des hommes et des choix politiques. Dans l’ouvrage « Sankara, Compaoré et la Révolution burkinabè » de Ludo Martens, l’actuel chef d’Etat-major particulier à la présidence du Faso, le colonel Gilbert Diendéré, décrit son scénario de l’assassinat du président du Faso.
« Blaise était malade ? »
« Notre réaction a été qu’il fallait arrêter Sankara avant que l’irréparable se produise. La décision a été prise dans un climat général d’inquiétude, proche de la panique. Nous n’avons pas vainement le choix. Nous n’avons jamais pu croire que Sankara allait s’en prendre à ses trois compagnons.
Blaise était à la maison, malade. Nous n’avons pas voulu le prévenir parce que nous savons qu’il ne serait pas d’accord pour arrêter Sankara ». Supposons, comme le dit le colonel Gilbert Diendéré, que le numéro 2 du régime de l’époque révolutionnaire, Blaise Compaoré, ait été malade. Dans les confidences du colonel Gilbert Diendéré, on peut dire que s’il n’était pas sur le champ de tir, il n’était pas très loin du théâtre de l’opération. Qui était le soldat le plus gradé du commando meurtrier du 15 octobre 1987 ? On pense à un lieutenant des forces armées burkinabè. Le noeud du problème se trouve à ce niveau. Dans la hiérarchie militaire, les subalternes obéissent aux ordres du plus gradé. Une question saute aux yeux. Est-ce que l’actuel chef d’Etat-major particulier de la présidence du Faso était-il l’officier le plus gradé ? A-t-il effectivement donné l’ordre de faire feu sur le président du Faso, Thomas Sankara en cas de résistance ? L’initiative d’anéantir le chef de l’Etat burkinabè était-elle d’un sous-officier zélé ?
La suite de l’assassinat du président Thomas Sankara permet de situer les responsabilités des militaires. La gestion de la sécurité du président Blaise Compaoré permet de se faire une idée des partitions des principaux acteurs du drame du 15 octobre 1987. Parmi les suspects militaires dans l’assassinat du président Sankara, le nom de Hyacinthe Kafando. Du point de vue du droit, il est présumé innocent. Mais les témoignages sont têtus. Ce n’est pas cet ancien argentier de l’Etat, aujourd’hui en vogue sur la scène politique qui dira le contraire. Il paraît, que ce dernier a eu maille à partir avec l’ex-adjudant-chef Hyacinthe Kafando. A l’époque, il gérait le grenier de notre pays. Pour refus de signer un bout de papier, un commando de Hyacinthe Kafando lui a rendu visite. On imagine la suite avec les bruits des rangers. Panique et humiliation dans le cabinet. On dit aussi que le ministre de l’époque avait fait au Conseil des ministres l’exploit de l’homme fort du régiment de la sécurité présidentielle. Il aurait rapporté ces propos du militaire. « Si je n’avais pas abattu le PF de deux balles dans la tête, vous n’ auriez pas été là en train de voler l’Etat ». Nous comprenons mieux le pourquoi du leadership entre le chef Kaf comme l’appelaient affectueusement ses soldats et Gilbert Diendéré autour de la sécurité du président Blaise Compaoré.
Parcours tumultueux de Kafando
Tout laisse à penser qu’ils étaient sur le terrain de l’élimination du président Thomas Sankara. Mais ils n’ont pas pris les mêmes risques. Le mérite autour du capitaine Blaise Compaoré « malade » devrait être proportionnel à l’action sur le président défunt. Les burkinabè savent la suite des événements entre ces deux hommes de la garde rapprochée de Blaise Compaoré. Calomnie, tentative d’élimination et exil ont jalonné le parcours militaire tumultueux de Hyacinthe Kafando et de Gilbert Diendéré. Ils se regardent, de loin, en chiens de faïence.
L’information sur le rôle joué par l’actuel ministre de la jeunesse et des loisirs dans les événements du 15 octobre 1987 nous a un peu surpris. C’est dans la recherche des bidasses qui se trouvent dans l’équipe de Tertius Zongo, qu’une partie de l’histoire révolutionnaire de Ardiouma Jean-Pierre Palm nous a été racontée. Selon des sources concordantes, l’officier supérieur de gendarmerie n’est pas un inconnu du sérail de Blaise Compaoré. Il a joué son rôle dans les événements du 15 octobre 1987. Les témoignages révèlent qu’il n’était pas sur le terrain des hostilités. Dans le plan d’exécution du président Thomas Sankara, des militaires étaient en couverture au cas où le premier commando serait anéanti par la garde rapprochée du président Sankara. On dit que le commandant Jean Pierre Palm pourrait se trouver dans ce dispositif dans celui des transmissions de l’opération. Vrai ou faux ? Certains détracteurs du ministre Palm disent qu’il a été un activiste dans la campagne de dénigrement des oeuvres du président Thomas et de la révolution du 4 août 1983.
Pascal Ziguebila
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