Dogbo Blé: Les leçons d’un procès

Léon Jean-Noël Lagaud

Nord-Sud

C’est fini pour le moment. Le Gal Dogbo Blé, condamné jeudi à 15 ans de prison ferme, s’en est quand même tiré à bon compte. Certains pro-Gbagbo le voyaient déjà prendre la perpétuité.

Fin jeudi à Abidjan du procès relatif à l’assassinat du colonel-major Adama Dosso. Un verdict sans appel, 15 ans de prison ferme, sanctionne ce jugement qui aura duré près de dix jours. Car débuté le 2 octobre, le procès a pris fin neuf jours après au palais de justice du Plateau. Reconnus coupables, l’ex-Gal Dogbo Blé, ex-commandant de la Garde républicaine, l’ex-Cdt Kipré Yagba, les ex-Sgt-chefs Léon Jean-Noël Lagaud et Ferdinand Toh, et l’ex-Sgt Noël Touali croupissent donc à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Ils sont désormais des civils. D’emblée, le moins qu’on puisse en dire, c’est que ce procès était l’occasion de tester l’impartialité de la justice ivoirienne dans la gestion des dossiers de crimes enregistrés après l’élection présidentielle en novembre 2010. En effet, le président de la République s’adressant aux Ivoiriens et à la communauté internationale a maintes fois promis une justice transparente et libre.
L’Exécutif n’a donc pas interféré dans le déroulement du jugement. Aucun membre du gouvernement ne s’est autorisé de commentaires de nature à influencer le temple de Thémis, encore moins ce qui s’y passait. Que de points marqués! Au grand dam des détracteurs du régime qui, faisant des gorges chaudes, avaient pronostiqué la condamnation à mort des soldats pro-Gbagbo. Les partisans de l’ancien président n’avaient de cesse de dénoncer une «justice des vainqueurs», déclarant abusivement que le sort des pro-Gbagbo, poursuivis pour divers méfaits, était scellé d’avance. L’histoire du ‘’procès Dogbo Blé‘’ leur a rabattu le caquet. On ne peut dire qu’ils n’ont pas été surpris de l’ambiance détendue dans laquelle ont eu lieu les charges et les plaidoiries. Un procès s’est tenu au cours duquel les inculpés se sont librement exprimés. Une observation que partage Pierre Adjoumani, vice-coordonnateur de la Coalition de la société civile pour la paix et le développement démocratique en Côte d’Ivoire (Cosopci). A l’en croire, avec la réquisition (20 ans de prison ferme) du parquet militaire, la défense a eu le temps nécessaire de plaider. Il ajoute que les avocats ont accepté d’aller au procès en dépit du rejet de l’exception qu’ils avaient soulevée dès l’entame. «Qu’ils ne viennent plus clouer au pilori cette décision», recommande-t-il. Une source proche du parquet va plus loin: «Dans la forme, il n’y a pas débat. C’est un procès qui a été savamment mené par le juge d’instruction. Dans le fond, tout le monde a eu son temps de parole. Les droits de la Défense ont été respectés». Elle poursuit pour dire : «Quant aux prévenus, ils ont reconnu leur forfait lors de l’instruction du dossier et n’ont pas dit autre chose lors du procès». Le président de l’Action pour la protection des droits de l’Homme (Apdh), Eric-Aimé Sémien est du même avis : «Dogbo Blé a eu droit à un avocat et ce dernier a largement eu le temps de faire sa plaidoirie. Si tant est que la culpabilité a été établie, nous applaudissons cette décision de justice», a-t-il confié au téléphone. D’ailleurs, mercredi, après une journée houleuse, Me Mathurin Djirabou, avocat de Dogbo Blé, avait salué l’esprit dans lequel se déroulait le procès. «Nous ne sommes pas totalement contents de la procédure mais nous reconnaissons que l’instruction a été menée comme il le faut…», avait-il admis. Comme lui, Me Gohi-Bi, également de la défense, a été fair-play à l’issue du verdict. Jugeons-en par ses propos : «Ma satisfaction vient du fait que le commissaire du gouvernement avait demandé la radiation de l’armée de nos clients. Et qu’ils soient condamnés à de lourdes peines. Ils n’ont pas été condamnés à vie. Cela est déjà une victoire pour nous».

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