Qui doit payer pour les crimes imputés à Dogbo Blé ? va-t-il être libéré ?

Crise post-électorale: Qui doit payer pour les crimes imputés au Gal Dogbo Blé ?Le patron de la Garde Républicaine va-t-il être libéré ?

Félix D. Bony Source L’inter

Le procès des militaires présumés auteurs de crimes pendant la crise post-électorale de 2011, a pris une tournure qui suscite beaucoup d’interrogations.

Chargé par le Parquet et harcelé de questions par le Magistrat hors hiérarchie Mathurin Kangah Penon, l’ex-commandant de la Garde républicaine (GR) vers qui tous les regards sont tournés pour pouvoir démêler l’énigme de la mort du colonel-major Adama Dosso, a affiché, lors de son audition le lundi 8 octobre dernier, une sérénité déconcertante qui donne à réfléchir sur sa culpabilité dans les affaires à lui imputées.

Avec beaucoup de sang-froid, l’officier supérieur des ex-forces de défense et de sécurité (FDS) a soutenu ne rien avoir à se reprocher, estimant avoir accompli son devoir de militaire, et surtout de gardien des Institutions en sa qualité de patron de la Garde républicaine. «Je suis fier de mes éléments pour avoir défendu le président de la République et les Institutions républicaines sans fléchir, conformément au décret qui définit les missions de la Garde républicaine et signé du premier président de notre pays, Félix Houphouët-Boigny. Je tiens à préciser qu’aucun chef d’Etat n’a changé une virgule dans ce décret. C’est en accord avec cette mission noble qu’ils (ses éléments) sont tombés ? Je voudrais leur rendre hommage et dire que je suis fier d’eux. Qu’on le sache ici, je suis fier du travail qu’ils ont accompli et de leur sens du devoir. (…). J’ai fait mon travail (…). A partir du moment où je n’ai pas trahi, je suis en paix avec Dieu et ma conscience. J’en tire une fierté et je ne regrette rien. On ne dira jamais en Côte d’Ivoire, en Afrique et partout dans le monde que le Gal Dogbo Blé et ses hommes, qui étaient chargés de protéger les institutions de la République, ont trahi… ».

Les non-dits de la déclaration du Gal Dogbo Blé

On pouvait s’attendre plus ou moins à tout sauf à une telle déclaration avec assurance du prévenu le plus attendu actuellement à la barre du tribunal militaire. Qu’est-ce qui fonde cette assurance du Gal Dogbo Blé ? Pourquoi estime-t-il avoir accompli sa mission? Un retour sur les faits, qui se sont déroulés au lendemain du 2ème tour des élections présidentielles de 2010, permet de comprendre l’aisance du patron de la GR, surtout les non-dits de ses propos. Le Gal Dogbo Blé fonde son argumentaire sur les arsenaux juridiques qui justifient la position de ses hommes durant la crise post-électorale. Gardien des Institutions, à commencer par la présidence de la République et celui qui l’incarne, pour lui, dès-lors que le Conseil Constitutionnel avait déclaré comme vainqueur l’ex-président Laurent Gbagbo, la troupe sous sa responsabilité ne pouvait faire autrement que se mettre à la disposition de ce dernier.

Ce faisant, ils n’auront qu’accompli leur devoir conforme aux dispositions qui créent la Garde républicaine. A la question de savoir pourquoi il n’avait pas fait allégeance lorsque le président Ouattara a été déclaré élu suite à la certification des résultats du Conseil Constitutionnel par l’ONU, le patron de la GR a une réponse toute prête et qui donne aussi à réfléchir : « Je n’ai jamais fait allégeance. Qui était le chef militaire juste après le 11 avril ? Quand il y a une allégeance à faire, c’est l’Etat-major, le commandement qui la fait. Un individu ne peut à lui seul faire allégeance ». Là aussi, l’officier supérieur ne remet pas en cause son engagement, en montrant sa loyauté jusqu’au bout à l’ancien ordre, tant que ses supérieurs hiérarchiques ne lui auraient pas demandé de baisser les armes.

D’autres personnes vont-elles être épinglées ?

Dire du Gal Dogbo Blé qu’il s’est bien défendu devant les juges, c’est une lapalissade. Mais, peut-il pour autant être innocenté sur ses propos ? Peut-on lui imputer la mort du colonel Dosso dans laquelle il soutient mordicus ne pas être impliqué ? Le plus gros prévenu des procès ouverts par le tribunal militaire peut-il recouvrer sa liberté ? Si oui, qui va payer pour les crimes imputés à l’ex-patron de la Garde républicaine ? A suivre la logique de son raisonnement, en effet, l’officier supérieur oriente le procès vers d’autres présumés coupables en liberté Il s’agit du Pr. Paul Yao N’dré, président du Conseil Constitutionnel, dont la décision aura motivé l’option de la GR, mais également de l’ex-chef d’Etat major, le Général de Corps d’Armée Philippe Mangou, à qui il revenait la responsabilité de signer la reddition de ses troupes. Tant que ce n’était pas le cas, lui, le Gardien des Institutions, pouvait continuer à se battre comme il l’a fait avec ses hommes pour protéger celui qu’il considère comme l’élu, selon le Conseil Constitutionnel, le juge suprême des élections.

Alors, peut-on dire que Yao N’dré a trompé les militaires ? Oui et non ! Oui, parce que c’est sur son arrêt qu’est né le bras de fer autour du fauteuil présidentiel et l’option des ex-FDS de défendre le fauteuil du président sortant conformément à la loi. Non, parce que Yao N’dré croyait encore à la force de la loi, qui même mauvaise, s’impose à tous. Ne dit-on pas ‘’Dura lex, sed lex’’ (La loi est dure, mais c’est la loi) ? En la matière, le président du Conseil Constitutionnel d’alors ne peut être comptable, dans l’exercice de sa fonction, des arrangements politiques faits plus haut par le chef de l’Exécutif. Lesquels arrangements donnaient d’autres prérogatives de dernier recours au Représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU (Choi Young-Jin) sur le Conseil Constitutionnel supposé être le recours suprême. Cet arrangement était-il aussi connu de chef d’Etat -major et de tous les officiers à la tête des troupes ayant combattu pour Laurent Gbagbo ? Si c’était le cas, les vrais fautifs sont ceux-là, qui malgré la force de la loi, auront engagé leurs hommes dans des combats ayant fait des milliers de morts. Voilà que le procès du Gal Dogbo Blé désigne d’autres présumés coupables au sommet de la hiérarchie militaire de l’époque, mais au-delà au sommet de l’Etat, où une fois encore, le Patron de la GR met en difficulté l’ex-président de la République, le signataire de l’accord ayant permis à M. Choi, à l’époque, de se mêler des débats sur la certification des résultats des élections.

Détenu à la Haye, où il attend de passer devant les juges de la Cour Pénale internationale, c’est finalement à Laurent Gbagbo (qui a réclamé un recomptage des suffrages exprimés pour se convaincre du vrai vainqueur du scrutin) qu’il revient de s’expliquer sur toutes ces questions. Même si au fond, le Gal Dogbo Blé va avoir à justifier de son innocence dans l’assassinat du colonel Dosso, exécuté après avoir été fait prisonnier dans le blocus à la sortie de l’hôtel du Golf. A-t-il donné ou non l’ordre d’exécuter cet officier ? Là se trouve l’un des tournants du procès, dont la suite sera connue certainement ce matin.

F.D.BONY

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