La France veut obtenir le rapatriement sanitaire de Loïk Le Floch Prigent, interpellé à Lomé – La France a entrepris des démarches pour sensibiliser les autorités togolaises sur l’état de santé ‘préoccupant’ de l’ancien patron de la société pétrolière Elf, Loïk Le Floch Prigent, et obtenir son rapatriement sanitaire, a déclaré vendredi à Paris le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Philippe Lalliot.
‘Depuis l’interpellation de Loïk Le Floch Prigent, c’est-à-dire depuis le 14 septembre, les autorités françaises sont pleinement mobilisées et suivent avec la plus grande attention l’évolution de sa situation’, a-t-il précisé lors d’un point de presse.
Selon M. Lalliot, le médecin traitant français de l’ex-PDG de Elf a confirmé la gravité de son état de santé.
‘Dès le 26 septembre, notre ambassadeur a ainsi attiré l’attention des autorités togolaises sur une demande de mise en liberté provisoire qui avait été formulée par l’avocat de M. Le Floch Prigent. Notre ambassade a effectué une nouvelle démarche le 4 octobre. Nous avons demandé que notre compatriote bénéficie d’une prise en charge médicale qui corresponde à son état de santé et que soit envisagée une évacuation sanitaire si ces soins ne peuvent pas lui être administrés sur place à Lomé’, a ajouté le porte-parole du Quai d’Orsay.
Arrêté le 14 septembre dernier à Abidjan, en Côte d’Ivoire, alors qu’il s’apprêtait à prendre l’avion pour Paris, M. Le Floch Prigent a été extradé vers Lomé pour répondre des faits présumés ‘de complicité d’escroquerie’ au détriment de l’homme d’affaires émirati, Abbas Al Youssef.
L’ancien ministre togolais de l’Administration territoriale, Pascal Bodjona, est également poursuivi dans cette affaire qui porte sur près de 48 millions de dollars américains.
Pana
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Loïk Le Floch-Prigent: retour à la case prison
Quinze ans après Elf, l’homme d’affaires est accusé au Togo de complicité d’escroquerie.
François Labrouillère – Paris Match
Loïk Le Floch-Prigent ne se doute de rien, à l’aéroport Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan, où il a ses habitudes. Le soir du 14 septembre dernier, il s’apprête à prendre le vol Air France AF 703 pour Paris. Il vient de séjourner une dizaine de jours dans la capitale économique ivoirienne pour « affaires », mais aussi pour une séance de dédicaces au centre commercial Cap Sud : il a signé « Granit Rosse », son roman policier « bretonnant », dont il est très fier. Après avoir passé les contrôles de sécurité, l’ex-seigneur du Cac 40 – ex-P-DG de Rhône-Poulenc, d’Elf Aquitaine, ex-président de Gaz de France et de la SNCF – patiente tranquillement dans la salle d’embarquement quand, soudain, devant les voyageurs interloqués, il est interpellé sans ménagement par les hommes de Touré Lanzeni, le commissaire de l’aéroport. Conduit menotté au poste de police, il sera extradé le lendemain, par avion spécial, vers Lomé, la capitale du Togo. Une procédure particulièrement expéditive. Contactées, les autorités françaises n’ont pas jugé bon d’user de leur influence pour permettre à leur ressortissant d’échapper au coup de filet.
Près de quinze ans après le scandale Elf, qui lui a valu 28 mises en examen et plus de deux années derrière les barreaux, il se retrouve de nouveau, à 69 ans, entre les mains de la justice. Un cauchemar pour le P-DG déchu qui, cet été, lors de la tournée de promotion de son roman, savourait son bonheur d’avoir enfin tiré un trait sur l’affaire Elf. Reconverti en « consultant » dans l’énergie, il avait des projets plein la tête, en Afrique et au Moyen-Orient. « Pour de grandes compagnies ou des gouvernements », nous avait-il indiqué, l’air mystérieux. Aujourd’hui, ce n’est pas la juge Eva Joly mais la justice du Togo qui a l’ancien patron d’Elf en ligne de mire. Comme Paris Match l’a révélé à l’époque, Loïk Le Floch-Prigent est visé à Lomé, depuis un an et demi, par une plainte pour « complicité d’escroquerie » dans une affaire où 36,5 millions d’euros se seraient volatilisés.
On reproche au P-DG déchu d’avoir participé à une arnaque «à la nigériane»
En avril 2011, un mandat d’arrêt international a été délivré à son encontre par le juge togolais Matake Kelouwani. Ce dernier lui reproche sa participation à une rocambolesque variante pour milliardaire de la fameuse arnaque « à la nigériane », comme celles qui pullulent sur Internet. Il s’agit de ces embrouilles où des aigrefins, en échange d’avances sonnantes et trébuchantes, font miroiter un pactole prétendument bloqué dans une banque et qui, en fait, n’a jamais existé. Loïk Le Floch-Prigent, jusqu’à ces dernières semaines, niait obstinément l’existence de ce mandat d’arrêt. Sentiment d’impunité ou immense naïveté, il a été bien imprudent de continuer de voyager en Afrique.
Le dossier judiciaire se double d’un face-à-face cruel entre deux hommes longtemps liés par une profonde amitié. Car le plaignant, le richissime Abbas Al-Yousef, ancien pilote de l’armée de l’air d’Abu Dhabi, qui a fait fortune dans l’agroalimentaire et l’immobilier, n’est autre que le bon samaritain ayant tendu la main à Loïk Le Floch-Prigent après l’affaire Elf, au moment où tout le monde se détournait de lui. « Mon amitié a été trahie. C’est inacceptable ! nous a confié l’Emirati, de passage à Paris la semaine dernière. J’ai fait la connaissance de Loïk Le Floch-Prigent par hasard, fin 2004, dans le hall du Bristol, se souvient-il. Loïk m’a salué, car nous nous étions croisés quand il était le patron d’Elf. Il sortait de prison et m’a dit qu’il cherchait du travail. Je lui ai proposé 15 000 euros par mois pour m’aider dans mes investissements pétroliers. Il m’a répondu : “Vingt mille euros et je vous consacre 100 % de mon temps.” Il voulait être payé en Suisse. J’ai dit banco ! Et il est devenu mon conseiller personnel. » Entre les deux hommes, c’est un coup de foudre professionnel. Abbas Al-Yousef ne refuse rien à son nouveau protégé.
En sus de ses émoluments rondelets, il lui loue des bureaux rue Galilée, près des Champs-Elysées, et lui achète une voiture de fonction, une Renault Vel Satis neuve. A Dubai, Le Floch-Prigent se voit attribuer un pied-à-terre de trois pièces sur Sheikh Zayed Road, l’avenue la plus prestigieuse de la ville. Et l’Emirati l’aide à décrocher le statut de résident. Une villa est aussi louée au Congo Brazzaville, où l’ex-P-DG est très ami avec le président Sassou-N’Guesso. « Au total, en comptant les frais et les billets d’avion, toujours en classe affaires, Loïk me coûtait près de 80 000 euros par mois, calcule le généreux mécène. Quand je l’ai connu, c’était un homme fini. J’ai tout fait pour le réhabiliter. A deux reprises, je lui ai même fait rencontrer Bill Clinton, que je connais bien parce que je suis membre de sa fondation. » En contrepartie, Le Floch-Prigent met son carnet d’adresses et son expérience à disposition de Pilatus Energy, la firme helvétique de l’homme d’affaires. En 2006, il décroche pour Pilatus un permis de prospection pétrolière au Congo. Il fait investir la société dans des compagnies au Canada (Petrolia et Cayman Energy). Et l’entraîne aux Etats-Unis, dans une sulfureuse bataille boursière au côté d’un fonds d’investissement dont le responsable est Julien Balkany, le demi-frère de Patrick.
Le 10 mars 2008, selon les accusations d’Al-Yousef, débute la fameuse arnaque « à la nigériane » qui ruinera l’amitié entre les deux hommes. « Ce jour-là, affirme l’ancien pilote militaire, j’étais à l’hôtel Jumeirah Emirates Towers de Dubai, pas loin de chez moi. En fin d’après-midi, je vais me laver les mains aux toilettes. Un Africain m’aborde puis me propose de me présenter sa mère, assise dans le hall. Comment refuser ? Nous bavardons. La femme, Mounira Awa, affirme être la veuve de l’ex-président de Côte d’Ivoire Robert Gueï. Lui, Mamadou Keita, de nationalité nigériane, prétend être le fils adoptif de l’homme d’Etat. Tous deux m’expliquent : “Avant sa mort, le général Gueï a déposé 275 millions de dollars à Lomé, à la Banque centrale du Togo. Nous sommes ennuyés. Nous ne savons pas comment récupérer cet argent qui nous appartient.” Ma première réponse est embarrassée : “Je ne connais pas le Togo, je ne peux pas vous aider.” Puis j’émets une idée : “Je peux vous présenter un spécialiste de l’Afrique, l’ancien patron d’Elf Aquitaine.” J’appelle Loïk qui me dit : “Je peux vérifier. Ce sera facile. Je connais très bien l’un des fils de Gueï, conseiller du président Gbagbo, et Jean-Pierre Gbikpi, l’ambassadeur du Togo au Ghana.” »
Dix jours plus tard, Loïk Le Floch-Prigent est de passage à Dubai. Les deux Africains sont toujours là. Le riche Emirati invite tout le monde à déjeuner dans sa maison du bord de mer. Et les prétendus héritiers racontent leur histoire à l’ancien P-DG d’Elf. « Dès lors, je me suis effacé, assure Abbas Al-Yousef. Tous les contacts avec le couple vont se faire ensuite par l’intermédiaire de Loïk. » Un mois après, selon l’homme d’affaires émirati, Le Floch-Prigent donne son verdict : « J’ai vérifié. Cette histoire est bizarre mais elle semble vraie. Nous devrions aller au Togo, où j’ai des amis, pour voir si l’argent est bien là. On pourra aussi rencontrer le président Faure Gnassingbé. » Abbas Al-Yousef décide de lancer l’opération. En cas de succès, il espère être récompensé par une partie du pactole, mais aussi pouvoir faire gérer par ses sociétés d’investissement les 275 millions de dollars de cet héritage tombé du ciel.
Le 21 juillet 2008, le millionnaire moyen-oriental affrète depuis Paris un Falcon 900, la Rolls des jets privés, pour cette visite au Togo. Le Floch-Prigent est à bord. Selon Al-Yousef, il lui aurait demandé d’emporter avec lui 1,2 million de dollars en liquide pour régler les frais bancaires du trésor convoité. A Lomé, les deux hommes sont accueillis en grande pompe par Mounira Awa et Mamadou Keita, les supposés parents de feu le président Gueï. Ceux-ci sont accompagnés d’un certain Bertin Sow Agba, qui se présente comme le ministre de l’Intérieur du Togo et mandataire des fonds du défunt général. Le lendemain – moment crucial –, Le Floch-Prigent et Mamadou Keita sont envoyés à la Banque centrale du Togo pour vérifier l’existence des capitaux. Auparavant, Abbas Al-Yousef a remis à Keita le 1,2 million de dollars en cash réclamé pour le déblocage de l’héritage. « Quand il est revenu, Loïk était tout excité, raconte l’homme d’affaires des Emirats. Il s’est exclamé : “Mon Dieu, M. Abbas ! C’est vrai ! L’argent existe. Je l’ai vu !” »
L’ancien bienfaiteur de l’ex-patron d’Elf n’en démord pas: il est l’un des instigateurs de la carambouille
Le séjour se poursuit comme prévu par le rendez-vous avec le président togolais Faure Gnassingbé, et une rencontre avec un ministre influent, Pascal Bodjona (limogé depuis et aujourd’hui emprisonné), censé aider au transfert de l’argent vers le Ghana. « Avec de tels contacts, j’étais en confiance, relate Al-Yousef. J’avais une entière confiance en Loïk et aucune raison de me méfier. » Le feuilleton va durer deux ans. A coup de rallonges, d’affrètements de jets privés pour rapporter un trésor qui chaque fois se dérobe, l’Emirati assure avoir dépensé 48 millions de dollars dans cette combine dont il était la pompe à finances. Car, bien entendu, Abbas Al-Yousef ne verra jamais un centime du magot du président Gueï. Avant de déposer plainte, en février 2011, il découvre que les deux prétendus héritiers n’ont aucun lien de parenté avec l’ex-dirigeant ivoirien. Et que Bertin Sow Agba, propriétaire d’une société de gardiennage à Lomé, ayant déjà eu maille à partir avec la justice, n’a jamais été ministre de l’Intérieur du Togo. Aujourd’hui, l’ancien bienfaiteur de Loïk Le Floch-Prigent n’en démord pas : l’ex-patron d’Elf est l’un des instigateurs de la carambouille. « Lui seul pouvait aiguiller les faux héritiers sur l’hôtel de Dubai où j’ai été harponné, dit-il. De plus, j’ai conservé toutes les traces des virements financiers et les e-mails que nous nous échangions. »
Lorsque nous l’avions rencontré, Loïk Le Floch-Prigent niait énergiquement toute participation à cette arnaque. « Les deux escrocs, ironisait-il, c’est Abbas Al-Yousef qui me les a présentés. » Faute d’avoir eu accès au dossier, son avocat, Patrick Klugman, reste dans l’expectative. Il n’exclut pas que son client ait pu lui-même se faire abuser. Et estime qu’Abbas Al-Yousef charge la barque « en amalgamant des fonds qui n’ont rien à voir avec cette affaire ». Pour l’heure, l’avocat réclame la remise en liberté d’urgence de l’ancien P-DG, pour raisons de santé. Un argument déjà utilisé avec succès dans l’affaire Elf, où Loïk Le Floch-Prigent avait vu sa peine écourtée pour « raisons médicales »
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