Azawad, Mujao, Al Qaida…une diversion qui cache les vrais enjeux ?

Par Ikram GHIOUA –

lexpressiondz.com

Des sources fiables ont rapporté récemment que des dizaines de militaires français ont été acheminés du Sénégal vers le sud du Mali, via le Burkina Faso.

Ce dernier pays en plus du Tchad et de la Cote d’Ivoire serait potentiellement attiré par les compensations financières et économiques qu’Américains et Français particulièrement ne manqueront pas d’offrir en contrepartie d’une «collaboration» africaine servant à légitimer un coup de force occidental, précisent nos sources.
Une information qui concourt avec le déplacement d’Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires africaines et maghrébines en France! Visiblement contrariée par la présence de quelques centaines d’islamistes armés contrôlant les principales villes du Nord Mali, la France a-t-on ajouté, serait entrée en phase d’exploitation avancée des données recueillies par ses agents sur place. Aux yeux de l’Elysée, il s’agit désormais de régions maliennes occupées et qu’il faudrait libérer. Pour l’Algérie, la situation est beaucoup plus complexe dans la mesure où il s’agit de 5 à 6 mille insurgés maliens qui ont décidé d’imposer leur présence chez eux.
Quant aux groupes terroristes, leur neutralisation passe d’abord par la mise sur pied d’un gouvernement malien représentatif et crédible qui ne soit subordonné à aucune force étrangère. Ça se voit qu’entre Alger et Paris, il n’y a pas que des nuances! Les deux parties vont continuer à camper sur leurs positions presque opposées en tenant néanmoins à sauver les apparences diplomatiques, mais jusqu’à quand? L’Algérie estime qu’on ne doit pas intervenir dans un pays souverain parce qu’il est le théâtre d’une rébellion interne qui pose un vrai problème que seules des négociations sérieuses et approfondies pourraient résoudre.

Selon Alger, une intervention militaire étrangère au nord du Mali risque de poser autant de problèmes qu’elle n’en résout. Cette position pourtant claire n’est pas du goût du Quai d’Orsay qui accuse gratuitement l’Algérie de tenir une position ambiguë, alors qu’en réalité c’est la France qui est en train de «jouer» avec le feu à des milliers de kilomètres de ses frontières. Si M. Hollande juge aujourd’hui qu’il est temps d’aller libérer les six otages français détenus au Sahel, quitte à employer les gros moyens, M.Bouteflika a d’autres soucis plus graves qui consistent à empêcher l’usage dangereux d’une nouvelle gamme sophistiquée de lance-missiles portables en provenance de la Libye qui circule actuellement au Sahel et qui serait déjà tombée entre les mains d’Al Qaîda. Des informations dignes de foi ont fait état d’un mouvement suspect constaté dernièrement tout au long des frontières algéro-libyennes et algéro- nigériennes.

En affirmant que la France veut maintenant agir militairement, M.Hollande s’inscrit de facto sur la même voie tracée par son prédécesseur. En langage décodé, on voit non seulement d’un mauvais oeil le rôle opérationnel grandissant de l’Algérie, mais on fait tout pour entretenir la suspicion sur la nature de ses contacts. Et si l’objectif de tout ce bruit n’est pas le nord du Mali, mais sa région Sud riche en ressources naturelles? Et si l’Azawad, le Mujao et Al Qaîda n’étaient qu’une diversion qui cache les vrais enjeux? Là est toute l’énigme! Mais on s’interroge aussi si les Nations unies allaient mettre fin à plus d’une année de divergences internationales à propos d’une intervention militaire étrangère au Mali. Les nombreuses déclarations émanant de hauts responsables occidentaux, cette semaine, ont fini par apporter une réponse claire à cette question.

Il n’y a plus de place au doute. Une guerre «multinationale» est aux portes de l’Algérie, et il va sans dire que cette perspective ne réjouit ni le chef de l’Etat, M.Abdelaziz Bouteflika, ni le haut commandement de l’ANP. Partageant plus de 1300 km avec le Mali et autant avec le Niger, deux pays par lesquels transitent tous les trafics du Sahel, l’Algérie connaît parfaitement la région et sa configuration sociale et ethnique. Les Algériens sont, en effet, bien placés pour alerter l’opinion publique internationale sur les risques majeurs d’une intervention étrangère.

Mais leur voix aura-t-elle une chance d’être entendue? Au vu des volontés affichées à New York par les Français, les Américains et les Britanniques, l’optimisme lié à une solution politique durable n’est plus permis. Selon la presse française, M.François Hollande ne serait qu’à quelques jours de son «baptême du feu». «Le chef de l’Etat s’est montré nettement plus volontaire sur la situation au Mali, presque offensif dans sa détermination à agir. Ce théâtre pourrait être sa première guerre, en ce début de quinquennat, à l’image de ses prédécesseurs», écrit avec un certain enthousiasme le journaliste de la très officielle Agence France Presse. Les dés semblent donc jetés et on voit mal comment les Algériens vont-ils pouvoir s’opposer à la campagne qui se prépare d’ores et déjà en attendant l’aval de l’organisation onusienne. Même les Américains, qui étaient au début de la crise malienne assez réservés lorsqu’ils avaient conditionné leur accord pour une intervention militaire étrangère dans ce pays, donnent aujourd’hui la nette impression de changer de cap, en affirmant qu’ils sont prêts à soutenir une opération armée «bien préparée» et menée par des pays africains dans le nord du Mali.

C’est l’influent quotidien, le Washington Post, qui a fait cette révélation citant une source américaine s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. La même publication indique que le recours par les USA aux drones, ces avions sans pilote, est à l’étude au plus haut sommet de la hiérarchie à Washington. «Il devra y avoir à un certain moment une action militaire contre les extrémistes liés à Al Qaîda installés dans le nord du Mali», vient de déclarer un des plus hauts responsables de l’Afrique au département d’Etat américain. L’attaque meurtrière contre le consulat américain à Benghazi est pour quelque chose dans ce changement de position.

Dans ce contexte, le déplacement effectué mercredi à Paris par Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires africaines et maghrébines risque de ne rien apporter de nouveau. Le ministre s’est déplacé pour des entretiens avec les responsables français dont le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, lesquels ont été consacrés à la situation qui prévaut dans le Sahel, et en particulier au Mali. Ceux-là mêmes s’inscrivent dans le cadre des efforts menés par l’Algérie avec ses principaux partenaires américain et européens et en coordination avec les pays du champ pour consolider la lutte permanente contre le terrorisme et le crime transnational organisé et rechercher les meilleures voies d’une solution durable à la crise malienne. Néanmoins, se sentant davantage impliquée par ses multiples intérêts dans la région du Sahel qu’elle a toujours considérée comme son arrière-cour, la France aurait déjà inscrit la crise malienne sur la liste des urgences.

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